Les dix ateliers en images

Patrimoine religieux, passeur de foi : les 10 ateliers en images

La journée d’étude organisée par le service Art, Culture et Foi de l’Évêché de Tournai le samedi 24 septembre à la cathédrale Notre-Dame a rassemblé plus d’une septantaine de passionnés. Venus en découvrir un peu plus sur le patrimoine religieux et son utilisation dans les activités liturgiques et catéchétiques, tous sont repartis avec un regard enrichi et des pistes d’activité à mettre en place en paroisse. Retour sur ce qui a été vécu dans les divers ateliers.

L’atelier paramentique (animé par Michel-Amand Jacques, membre du service ACF- section Eglise, lieux de vie et des amis de la cathédrale de Tournai)

Un peu d’histoire : La paramentique (càd l’ensemble des vêtements, tentures, parements et ornements, du latin parare : orner, préparer) utilisée dans la liturgie catholique romaine fut codifiée à l’issue du Concile de Trente (1545-1563), avec comme acteur majeur saint Charles Borromée, archevêque de Milan.

L’expression de la foi : Il s’agissait d’exprimer la foi catholique, de convaincre le fidèle de la grandeur de Dieu par des effets impressionnants, éblouissants.  Le concile Vatican II a depuis simplifié et désacralisé. Les ornements liturgiques actuels, essentiellement la chasuble, la dalmatique et l’étole, continuent de manifester pour les fidèles la fonction du ministre, prêtre ou diacre, et le mystère eucharistique qui se déroule à l’autel ; ils renforcent la visibilité et la beauté de la liturgie. Chacun possède ou possédait une symbolique propre que le ministre rappelle ou rappelait par un texte récité lorsqu’il le revêt : ainsi, la chasuble, l’amour de Dieu pour l’humanité.

Les couleurs liturgiques :  le blanc, rouge, violet, vert visent à exprimer efficacement et visiblement ce qui caractérise les mystères de la foi que l’on célèbre et, par suite, le sens de la vie chrétienne (Redemptionis Sacramentum 2004). Chaque couleur est spécifique d’un temps liturgique donné en cohérence avec sa valeur symbolique. Ainsi, le blanc associé à la lumière, à la joie, à la pureté et à la perfection est la couleur de Pâques et de Noël, des fêtes des saints non martyrs etc.

Pour aller plus loin : Les ornements des siècles passés encore conservés témoignent du goût du beau du clergé et des modes stylistiques de l’histoire de l’art. Ils constituent un patrimoine peu étudié et mis en valeur jusqu’à présent. Son utilisation dans une démarche pastorale permettrait d’aborder le mystère central du culte qu’est l’Eucharistie et sa symbolique ainsi visualisée.

Rapporteur : Michel-Amand Jacques

L’atelier icônes (animé par Vincent Minet, peintre d’icônes)

L’expression de la foi : L’icône s’inscrit dans une tradition, les artistes d’icônes puisant dans ce qui a été fait pour en peindre de nouvelles. L’icône est icône à partir du moment où quelqu’un (dans l’idéal une communauté) la regarde, elle n’a aucune valeur en elle-même. Elle doit être attendue et voulue par une communauté. C’est pour cette raison qu’elle ne peut s’offrir comme cadeau à une personne non demandeuse (paroissien à son prêtre par exemple), cela ne serait pas adéquat. A la différence des tableaux, qui racontent une histoire, une scène des évangiles, l’icône reflète une présence et parle du Mystère.

Les couleurs de l’icône :  La représentation change beaucoup selon les lumières (froides ou chaudes) choisies pour l’icône. Pour la réaliser, l’artiste a besoin de s’imprégner du lieu, de ses couleurs et lumières.

Pour aller plus loin : Est-ce qu’il est envisageable et opportun de mettre une icône dans mon église ? Une icône se réalise en réflexion avec le reste de l’édifice, il faut une cohérence dans l’aménagement liturgique pour atteindre l’« objectif » de prière du lieu. Il est important d’avoir une icône peinte et pas une mauvaise reproduction qui va mal vieillir. Une icône n’a pas sa place dans un intérieur homogène d’un style très fort comme dans une église baroque flamboyant ou entièrement néo-gothique. La place de l’icône a de l’importance : pas au pied du lutrin ou de l’autel, ni sur la porte du tabernacle. Une icône peut être placée uniquement pour une fête particulière du calendrier liturgique, posée par exemple sur un chevalet. Il faut toujours mettre l’icône entière et pas uniquement un détail, pour que le message voulu soit compréhensible.

Rapporteur : Vinciane Groessens

L’atelier aménagement d’une chapelle (animé par Pierre-Emmanuel Dransart, l’architecte de cet aménagement)

Un peu d’histoire : Cette partie du bâtiment avait été aménagée en chapelle dans les années ’70. Elle vient d’être restaurée (2015 à 2019) pour la rendre plus confortable et mieux adaptée à notre temps. Elle est destinée aux Religieuses de l’Assomption, aux séminaristes quand ils sont à Tournai, aux prêtres, aux étudiants, aux tournaisiens et aux hôtes de passage.

L’expression de la foi : Les participants ont été invités à observer en silence pendant 15 minutes le sanctuaire avant de s’exprimer sur le ressenti du lieu. Ce lieu incite tant à la prière commune qu’à la méditation personnelle. Impression de sobriété mais aussi de douce chaleur crées par les rayons du soleil filtrés par les vitraux. Le grand Christ qui ouvre les bras semble enfoncé dans nos vies, à la croisée des chemins là où nous pouvons le rencontrer. Cette croix incrustée dans un plafond est le symbole d’incarnation. Les lignes (croix notamment) ne sont ni verticales, ni horizontales. Elles sont jonctions entre Ciel et terre. Les bancs en bois disposés tout autour de la chapelle font écho à une barque. Les 5 vitraux, qui symbolisent la parabole du semeur, sont de circonstances pour un séminaire : signe d’espoir et d’encouragement dans notre mission d’évangélisation au quotidien.

Les caractéristiques techniques : Le mobilier liturgique, en noyer sombre, a été simplifié au maximum. L’ambon, premier meuble visible quand on entre dans la chapelle, nous rappelle immédiatement les Ecritures et l’importance du message évangélique. Il n’y a pas de chemin de Croix car il s’agit ici d’une chapelle et que l’église du séminaire avec son Chemin de Croix n’est pas très éloignée.

Pour aller plus loin : Cette belle réalisation est le fruit de l’imagination d’un groupe retreint de personnes afin de ne pas retarder le travail en écoutant de trop nombreux avis. Ce qui a permis de ne pas avoir un résultat mièvre, sans personnalité, ni originalité. Cette belle réalisation prouve une fois de plus l’importance du VISUEL pour porter le message évangélique et pour l’éveil aux Mystères divins.

Rapporteur : René-Michel de Looz-Corswarem

L’atelier aménagement liturgique (animé par Lambert Duvinage, membre de l’EAP)

Un peu d’histoire : Plusieurs œuvres de l’artiste Georges GRARD (1901-1984) décorent l’église Saint-Brice et ont été réalisées fin des années 60 – début des années 70. Ces trois réalisations sont toujours aujourd’hui au centre de la liturgie : un baptistère, un autel et un tabernacle.

L’expression de la foi : Autour du baptistère, des éléments des premiers textes de la Genèse sont mis en résonnance avec le sens du baptême : la main de Dieu est tendue vers les hommes. Cette grande cuve cylindrique en bronze est ornée de bas-reliefs : un jeune homme et à l’opposé une jeune femme, assis et nus. Entre ces personnages, d’un côté un soleil et à l’opposé, l’obscurité. Deux grandes mains tendues sur le bord supérieur : l’une d’elle saisit la main du jeune homme, tandis que l’autre reste vide. Cette scène représente un passage ouvert entre les ténèbres et la lumière (symbolisée par un soleil). La décoration du baptistère illustre de manière symbolique et biblique ce qui s’y vit quand la personne est plongée dans cette grands cuve. Il y a peu de temps, ce baptistère s’est enrichi d’un couvercle moderne assorti au baptistère, dans un matériau translucide fumé orné d’un poisson, l’un des symboles majeurs qu’utilisaient les premiers chrétiens en signe de reconnaissance.

Pour poursuivre le chemin, l’autel sur lequel ce retrouvent deux poissons, le visage du Christ sur le suaire tenu par deux mains, et de l’autre côté deux grandes mains ouvertes. Que disent ces éléments de notre foi ? La vie de Jésus entièrement donnée pour nous tous, sans nier la souffrance : la table du partage pour tous ceux qui sont passés par le baptême…

Pour aller plus loin : Cet artiste athée, originaire de Tournai, a préalablement écouté des théologiens locaux avant de créer ces œuvres à la décoration symbolique, qui s’intègrent parfaitement dans un discours cohérent.

Rapporteur : Christine Merckaert

L’atelier aménagement liturgique (animé par Lambert Duvinage, membre de l’EAP)

Un peu d’histoire : Les vitraux du chœur de l’église Saint-Jacques représentent les sept sacrements, représentés dans le bas, avec des saints qui ont illustré ces sacrements dans le haut du vitrail. Saint Piat, par exemple, est celui qui a apporté la foi et le baptême dans la région de Tournai. Saint Rémi a baptisé Clovis, à l’origine du baptême de la nation franque. François Xavier au 16ème siècle est le premier à avoir apporté la foi et le baptême en Asie.

L’expression de la foi : Au départ d’une représentation figurative, les sept sacrements sont explicités de manière claire et visuelle : le baptême, la confirmation, la pénitence, l’Eucharistie, l’onction des malades, l’ordination et le mariage.

Pour aller plus loin : Les vitraux sont une réelle catéchèse en images. Porte d’entrée accessible à tous, ils permettent la mise en place de diverses activités (culturelles et cultuelles).

Rapporteur : abbé Henri Batalie

L’atelier les vertus (animé par le chanoine Philippe Pêtre, membre du service ACF- section Eglise, lieux de vie et chanoine de la cathédrale de Tournai)

Un peu d’histoire : Un cycle de statues relatives aux vertus théologales et cardinales (prudence, force, tempérance et justice) est présent dans la cathédrale de Tournai : vertus cardinales, évangélistes, saints, vertus théologales. Provenant de l’ancienne abbaye norbertine de Saint-Feuillin du Roeulx, elles font l’objet d’un programme de remise en valeur historique, esthétique, mais également théologique.

L’expression de la foi : Quel message l’agencement précis de ces statues propose-t-il ? Le décor des sanctuaires chrétiens, tant orientaux qu’occidentaux, ne vise pas tant à l’embellissement des lieux qu’à l’éveil aux Mystères divins. Les vertus cardinales sont à la portée de tous : ces inclinations humaines peuvent conduire à une qualité morale qui prédispose à la recherche et à la rencontre de Dieu. La Prudence ordonne à discerner le bien et choisir les moyens de l’accomplir ; la Justice donne la volonté de redonner aux autres ce qui leur est dû ; la Force assure la fermeté dans les difficultés et la constance dans la poursuite du bien ; la Tempérance modère l’attrait des plaisirs et cherche l’équilibre dans l’usage des biens. Une âme vertueuse et bien disposée devient alors comme la bonne terre de la « Parabole du Semeur » que rapporteurs les évangiles synoptiques. Les quatre évangélistes, grâce à qui le sommet de la Révélation nous ai transmis, prennent la succession des vertus cardinales dans le cycle narratif. Et qui mène une vie vertueuse et commence à se convertir au Christ et à la vie évangélique s’en trouve rapidement incapable par ses seules ressources naturelles. Le cycle narratif se poursuit alors avec des saints, exemples de vies vertueuses.  Enfin, rencontrer Dieu et grandir en sainteté requiert une condition initiale : l’accueil de l’œuvre de la grâce et la participation active de l’intelligence et de la volonté. Cette grâce se déploie dans le don gratuit des trois vertus théologales (= elles sont Dieu pour origine) : la Foi permet de croire en Dieu ; l’Espérance fait attendre Dieu avec confiance ; la Charité permet d’aimer Dieu par-dessus toute chose.

Pour aller plus loin : Il est intéressant dès lors d’explorer le sens de tout un cycle de statues et la décoration attenante. La disposition d’un aménagement décoratif a toute son importance pour en percevoir la logique théologique interne qui permet aux œuvres d’être comprises.

Rapporteur : chanoine Philippe Pêtre

L’atelier jubé (animé par le chanoine Philippe Vermeersch)

Un peu d’histoire : Un jubé médiéval précédait l’actuel : un jubé a vraisemblablement existé très tôt, peut-être dès le 12e siècle. Dans le contexte de la crise iconoclaste, la cathédrale – dont les reliefs du jubé – subit d’importantes déprédations le 23 août 1566. La décision est prise de remplacer le jubé. Le chapitre fait appel à Cornelis Floris de Vriendt, qui a déjà travaillé à l’Hôtel de Ville d’Anvers. Le contrat est signé en 1571. Dès le début, les chanoines demandent que la statue de Notre-Dame, protectrice de la cathédrale, soit en bonne place sur le jubé. On y ajoutera aussi les saints patrons du diocèse, Piat et Eleuthère. Le jubé, réalisé dans les années 1572-1573, introduit le style Renaissance dans la cathédrale (présence renforcée par le contraste entre la nef romane et le chœur gothique). Les statues de la partie inférieure (la Foi et la Charité) sont des œuvres de la fin du 18e siècle.

Le jubé est donc édifié dans une période de troubles (troubles religieux et peste).  À noter que le jubé est édifié alors que le Concile de Trente a déjà eu lieu. Or ce concile avait décidé que le peuple était désormais en droit de participer au Sacrifice : en appliquant les préceptes du Concile, on supprime les jubés. Mais les écrits du Concile prennent un certain temps à être diffusés et le nouveau jubé est déjà reconstruit à Tournai.

L’expression de la foi : Une phase d’observation est laissée face au jubé pour ensuite faire un partage de son ressenti face à l’œuvre. Le caractère imposant du jubé est mis en avant : impression de masse et d’écrasement, il représente une forte césure entre la nef et le chœur. Son caractère monumental et très visible marque également : de nombreuses scènes invitent à l’observer (jeu de correspondance entre Ancien Testament et Nouveau Testament et à en rechercher le sens. La puissance du monument versus la douceur de la statue de la Vierge qui en occupe le centre forment deux opposés interpellant.  Enfin, un sentiment de frustration apparait également : la difficulté à identifier certaines scènes. Ce monument liturgique qui regroupe deux fonctions : marquer une séparation entre le chœur (espace réservé au chapitre des chanoines) et la nef (espace du « peuple ») et constituer une élévation pour la tribune de lecture et de chant. Il y a en effet un espace derrière la balustrade, au-dessus du jubé. C’est de là que sont proclamées les lectures. Le terme « jubé » vient d’ailleurs d’une expression latine ouvrant la prière avant la lecture (jube, domine, benedicere…). Le mot lui-même est donc lié à la Parole.

Pour aller plus loin : Comment comprendre et faire comprendre le jubé aujourd’hui ? Quelle place lui donner aujourd’hui ? Peut-il encore parler et éveiller quelque chose aujourd’hui, au-delà de « l’amusement » à identifier les récits bibliques ?  Ces récits ont-ils toujours une certaine actualité ? Il faut avoir conscience de la difficulté à déchiffrer les scènes, pour lesquelles il est nécessaire d’avoir des clés. Il faut également d’autres clés pour pourvoir les comprendre, leur place et leur signification. Il est donc nécessaire de fournir des explications aux visiteurs autour de ces mots-clés: seuil vers le Mystère, étape de progression physique vers le chœur et cheminement vers le Mystère.

Autre question qui se pose pour l’avenir : il est prévu de réaménager le plateau liturgique, qui ne permettra plus guère de franchir la porte du jubé. Faut-il dès lors maintenir la possibilité de franchir cette porte, de maintenir ce rôle de seuil, même pour quelques occasions ?

Rapporteur : Hélène Cambier

L’atelier Pourbus (animé par Patrick Mory du service de l’initiation chrétienne et Monique Maillard, conservatrice du Musée du séminaire de Tournai)

Un peu d’histoire : Un important ensemble de 17 tableaux de Frans Pourbus l’Ancien est conservé au musée du Séminaire de Tournai. Récemment restaurés, cette collection unique et exceptionnelle en Belgique, ainsi que la grande qualité de conception et d’exécution des peintures et la réputation de l’artiste ont justifié son classement en tant que trésor de la FWB.

L’expression de la foi : Est-ce que le patrimoine, en l’occurrence ici les peintures du « Pourbus », donne du sens ? Est-il passeur de Foi ? Les détails obligent à réfléchir, ils surprennent. Si cela touche individuellement les personnes, alors cela peut toucher les autres et être vecteur. Cela aide à exprimer la Foi, même si certaines personnes n’ont pas besoin de la représentation. On peut avoir différentes interprétations en regardant les tableaux. Tous les détails dans les peintures sont extraordinaires et renvoient vers d’autres questionnements, tels que le vase métallique, les décors : d’où viennent-ils ? Le passage des ténèbres à la lumière est clairement évoqué et représenté. Le cycle dans son ensemble permet une démarche/spiritualité complète. Ces œuvres montrant une façon de représenter la vie du Christ, il s’agit d’une interprétation des textes. Le peintre a notamment choisir de nous faire entrer dans le tableau par Barabbas et d’insister sur la détresse de Marie-Madeleine au pied de la croix.

Rapporteur : Patrick Mory

Pour aller au-delà de la journée d’étude

Cette journée a été inaugurée par un film introductif réalisé par Cathobel en partenariat avec le service ACF, sur base d’un scénario écrit par le chanoine Patrick Willocq. Au gré des visites d’un pèlerin dans plusieurs églises du diocèse, le public est amené à s’interroger sur le sens du décor, de l’aménagement ou même de la présence et de la place du mobilier dans les églises. A visionner ici !

Et pour la suite……

Le service ACF va lancer un nouveau chantier de réflexion autour de la question du patrimoine, passeur de foi. L’objectif : rassembler les témoignages d’initiatives du terrain, rassembler la documentation existante et faire émerger de nouveaux outils pratiques exportables dans sa paroisse pour une interconnexion entre le patrimoine et la catéchèse. A suivre sur le site du diocèse.

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