Homélie de la Messe Chrismale du 31 mars 2015 à la Cathédrale de Tournai

L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction (Luc 4, 18). Après avoir ouvert le livre d’Isaïe et trouvé ce passage, Jésus referme le livre, le rend au servant et s’assied.

Geste habituel sans doute, mais l’évangéliste Luc met une note particulière : Tous, dans la synagogue de Nazareth, avaient les yeux fixés sur lui (Luc 4, 20). Et Jésus de dire : Aujourd’hui
s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre (Luc 4, 21).

Le passage d’Isaïe parle d’un héraut de Dieu, qui présente sa mission à ceux qui sont passés par l’exil à Babylone. Le héraut est envoyé pour annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu. Au terme de la mission de ce héraut, la ville de Jérusalem chantera la louange de Dieu.

Jésus a reçu l’Esprit du Seigneur le jour de son baptême. L’évangéliste Luc écrit : Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : Toi, tu es mon Fils Bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie (Luc 3, 21-22).

Le ministère de Jésus est par conséquent exercé sous l’action de l’Esprit Saint ; le ministère de Jésus est la manifestation du Fils de Dieu, en qui le Père trouve sa joie.

Au terme de leur mission, les 72 disciples reviennent tout joyeux en disant : Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. Jésus leur dit : Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux (Luc 10, 17-20).

A l’heure même, continue l’évangile de Luc, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler (Luc 10, 21-22).

Puis Jésus se retourna vers ses disciples et leur dit en particulier : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu (Luc 10, 23-24).

Voir Jésus, écouter Jésus, accueillir Jésus parce qu’il le demande, ce sont des moments de grande joie qui entraînent la conversion. Lorsque Jésus traverse la ville de Jéricho, Zachée cherche à voir qui est Jésus. Lorsque Jésus lève les yeux vers Zachée grimpé sur un sycomore, il lui dit : Zachée, descends vite ; aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie (Luc 19, 5-6). A un certain moment, debout, Zachée s’adressa au Seigneur : Voici Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. Alors Jésus dit à son sujet : Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Luc 19, 8-10).

C’est après la mort et la résurrection de Jésus que les onze apôtres verront ce que personne n’avait osé imaginer. Lorsque les deux disciples d’Emmaüs reviennent à Jérusalem et racontent ce qui s’était passé sur la route avec le voyageur et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain (Luc 24, 35), Jésus lui-même est présent au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a
pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement (Luc 24, 36-41).

Après avoir mangé du poisson grillé, Jésus relit l’Ecriture et il leur dit : Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. A vous d’en être les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut (Luc 24, 46-49).

Ensuite, Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu (Luc 24, 50-53).

Frères et Sœurs,

Tous, comme membres du Peuple de Dieu, nous pouvons nous retrouver dans l’expérience des disciples de Jésus. Il y a dans notre tradition, qui relit sans cesse les Ecritures sous l’action de
l’Esprit Saint, une veine qui, depuis les premiers temps de l’annonce de l’Evangile jusqu’aux extrémités du monde, a pris des formes diverses : il s’agit de la vie consacrée.

Comme le dit le Catéchisme de l’Eglise catholique (931-933) : Livré à Dieu suprêmement
aimé, celui que le Baptême avait déjà voué à Lui se trouve ainsi consacré plus intimement au service divin et dédié au bien de l’Eglise. Par l’état de consécration à Dieu, l’Eglise manifeste le Christ et montre comment l’Esprit Saint agit en elle de façon admirable. Ceux qui professent les conseils évangéliques ont donc d’abord pour mission de vivre leur consécration. Mais puisqu’ils se vouent au service de l’Eglise en vertu même de leur consécration, ils sont tenus par obligation de travailler de manière spéciale à l’œuvre missionnaire, selon le mode propre de leur Institut.

Dans l’Eglise qui est comme le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument de la vie de Dieu, la vie consacrée apparaît comme un signe particulier du mystère de la Rédemption. Suivre et imiter Jésus « de plus près », manifester « plus clairement » son anéantissement, c’est se trouver « plus profondément » présent, dans le cœur du Christ, à ses contemporains. Car ceux qui sont dans cette voie « plus étroite » stimulent leurs frères par leur exemple, ils rendent ce témoignage éclatant « que le monde ne peut être transfiguré et offert à Dieu sans l’esprit des
béatitudes ».

Que ce témoignage soit public, comme dans l’état religieux, ou plus discret, ou même secret, la venue du Christ demeure pour tous les consacrés l’origine et l’Orient de leur vie : Comme le Peuple de Dieu n’a pas ici-bas de cité permanente, cet état manifeste pour tous les croyants la
présence, déjà dans ce siècle, des biens célestes ; il témoigne de la vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, il annonce la résurrection future et la gloire céleste (Lumen Gentium 44).

En cette année dédiée à la vie consacrée, je voudrais, avec toute l’Eglise, faire mémoire de deux personnes qui ont un grand rayonnement.

D’abord Thérèse d’Avila, née en 1515, il y a 500 ans. Dans une lettre adressée au préposé général des Carmes déchaux, pour toute la famille thérésienne, le Pape François dit que Thérèse est une guide sûre et un modèle séduisant du don total à Dieu. Le Pape appelle
à redécouvrir l’étincelle inspiratrice qui a donné l’impulsion décisive pour la fondation des premières communautés carmélites inspirées par la mystique espagnole, réformatrice d’un ordre dont les origines remontent au XIIIème siècle en Palestine, lorsque des frères avaient fondé sur le Mont Carmel une communauté d’ermites. Selon Thérèse d’Avila, ni la prière ni la mission ne peuvent se soutenir sans une authentique vie communautaire. Les communautés
thérésiennes sont donc appelées à devenir des maisons de communion, capables de témoigner de l’amour fraternel et de la maternité de l’Eglise, en présentant au Seigneur les difficultés du monde, lacéré par les divisions et les guerres, conclut le Pape François.

Comment ne pas exprimer ici notre affliction, et notre communion avec les chrétiens persécutés à cause de leur foi dans les pays à majorité musulmane.

L’autre personne qui a toujours un grand rayonnement est Jean Bosco, né en 1815, il y a 200 ans, dans le Piémont, à 27 km de Turin. Orphelin de père à deux ans, Jean vivait dans une
famille très pauvre. Il a dû compter sur des dons et sur son travail pour étudier et entrer au séminaire. Ordonné prêtre en 1841, Jean a visité des prisons et il a été très frappé par le nombre élevé de jeunes gens enfermés dans ces prisons. Jean a décidé de consacrer sa vie aux jeunes gens, laissés à eux-mêmes, sans travail, vivant dans la rue. Jean Bosco a voulu devenir le pasteur de ces jeunes, à la manière du Bon Pasteur, qui donne la vie en abondance. Don Bosco a fondé l’Oratoire à Turin, la Société de Saint-François de Sales, l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice et il a organisé les Coopérateurs salésiens. Jean Bosco a montré des dons exceptionnels pour la pédagogie dans ses contacts avec les jeunes gens de rue. D’autres ont mis cette pédagogie en forme théorique.

Comment ne pas exprimer notre désir à tous de soutenir ceux qui travaillent dans le diocèse à mettre en œuvre le synode des jeunes, selon ce que le synode diocésain a proposé. Dans une
province où il y tant de chômeurs, tant de jeunes qui ont été éduqués dans des familles mono-parentales ou recomposées, tant de jeunes qui ne parviennent pas à vivre dans un couple stable, je suis persuadé que l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ est aussi un chemin d’humanisation. Soutenons le synode des jeunes.

Ecoutons une nouvelle fois la prière d’ouverture de cette célébration avant la rénovation des promesses sacerdotales et diaconales, avant la bénédiction des huiles des malades et des catéchumènes, avant la consécration du Saint-Chrème :

Dieu tout-puissant,
Toi qui as consacré ton Fils unique par l’Esprit Saint
Et qui l’as établi Christ et Seigneur,
Nous te prions :
Puisque tu nous as consacrés en lui,
Fais que nous soyons pour le monde
Les témoins d’un évangile de salut.

+ Guy Harpigny,

Evêque de Tournai

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