



Mois extraordinaire de la Mission - 20 octobre 2019
Homélie
XXIXème dimanche dans l'année
Mois extraordinaire de la mission
Cathédrale
20 octobre 2019
Chaque année, le mois d'octobre est consacré à la mission universelle de l'Eglise.
Cette année, le Pape François a demandé que le mois d'octobre soit un mois missionnaire extraordinaire. Nous fêtons en effet le centième anniversaire de la promulgation de la Lettre apostolique Maximum illud du Pape Benoît XV, en 1919. Cette lettre fait le point sur l'élan missionnaire et lance un appel à tous les chrétiens pour qu'ils deviennent missionnaires.
Pour les catholiques qui sont entrés dans le grand âge, les missionnaires sont des hommes et des femmes qui partent dans les pays hors d'Europe pour annoncer le Christ, planter l'Eglise du Christ, se mettre au service des populations locales par la construction d'écoles et d'établissements de soins de santé. Les catholiques qui vivent en Europe sont invités au moins une fois par an à donner de l'argent pour soutenir l'action des missionnaires.
Quand on regarde les différentes étapes de l'évangélisation depuis l'envoi en mission des apôtres par le Ressuscité, on constate plusieurs aspects :
- Dès le début, les apôtres ont annoncé le mystère pascal du Christ avec des collaborateurs hommes et femmes. Immédiatement sont nées des communautés de baptisés, qui ont célébré l'eucharistie et qui ont vécu la solidarité avec les plus pauvres.
- Dès le début, les apôtres, leurs collaborateurs et les membres des communautés de baptisés ont été persécutés, mis en prison et parfois mis à mort.
- Cela explique la ferveur des premiers chrétiens et leur assurance, leur conviction pour témoigner du Christ.
Cet aspect de l'évangélisation se manifeste encore aujourd'hui dans beaucoup de régions du monde. Ceux qui voyagent en Chine, en Corée ; ceux qui voyagent dans les anciens pays d'Europe centrale et orientale, autrefois sous le régime communiste, entendent des récits qui correspondent aux premiers temps de l'Eglise ; ceux qui voyagent dans les pays du Sud-Est asiatique et ceux qui suivent les événements dans les pays à majorité musulmane sont frappés par la violence des persécutions contre les chrétiens.
- A partir du moment où les communautés chrétiennes ont l'autorisation de pratiquer le culte en public, à partir du IVème siècle dans l'empire romain, l'annonce du Christ devient l'accueil d'adultes, de familles entières, qui demandent le baptême. Le visage de l'Eglise change. L'Eglise devient le seul lieu où l'être humain peut vivre une relation personnelle avec Dieu, une vie communautaire exprimée dans la liturgie et la solidarité. Cela a entraîné une transformation profonde de la culture des nations. En effet, tant le système éducatif que les soins de santé ont été investis progressivement par l'Eglise. Dans ce contexte, des hommes, des femmes inventent la vie monastique, la vie en communauté, comme célibataires consacrés au Seigneur.
- Lorsque l'empire romain s'écroule en 476, l'Eglise continue son action dans un contexte nouveau et met en place de nouvelles institutions. Dans la région de Tournai – Tournai faisait partie de l'empire romain – des évêques s'installent dès la fin du Vème siècle.
- Au fur et à mesure des changements politiques, l'Eglise transmet la culture de l'empire romain et se laisse transformer par des évangélisateurs qui viennent d'ailleurs. Chez nous, ce sont des moines irlandais.
- L'arrivée de l'islam en Europe provoque un grand élan missionnaire, avec, comme aux débuts de l'évangélisation, beaucoup de persécutions
- Le rejet de l'islam hors d'Espagne et la découverte du nouveau monde, les Amériques, en 1492, correspondent à la fondation de grands ordres religieux missionnaires, dont les membres vont aller jusqu'au Japon d'un côté et aux Amériques de l'autre, en passant par l'Afrique et ce qu'on appelait les Indes. Un peu plus tard, des missionnaires entreront une nouvelle fois en Chine.
- En Europe occidentale, on recrutera beaucoup de missionnaires pour partir à l'étranger jusque dans les années 1950. Au XIXème siècle, nous assistons à un immense élan missionnaire qui correspond à la colonisation d'une partie de l'Afrique et des Indes.
- Cela a eu des conséquences : des missionnaires ont été perçus comme des agents de puissances étrangères qui voulaient imposer une culture nouvelle dans des pays conquis.
La Lettre apostolique de Benoît XV en 1919 est un engagement de l'Eglise à respecter la culture locale des pays où travaillent de nombreux missionnaires. Benoît XV demande de continuer à appeler des personnes des pays évangélisés pour devenir prêtres ou religieux, religieuses.
Benoît XV ouvre un mouvement que son successeur, le Pape Pie XI, va poursuivre en ordonnant évêques des prêtres issus des territoires où travaillent les missionnaires. Le but de Benoît XV et de ses successeurs est d'implanter des diocèses, des Eglises locales ou particulières, avec leurs ressources, leurs projets, leur manière de vivre dans des peuples aux cultures tout à fait différentes des pays d'Europe qui envoient des missionnaires. En 1959 par exemple, au Congo belge, au Rwanda et au Burundi, le Pape saint Jean XXIII érige de nouveaux diocèses en transformant les vicariats ou territoires de mission en leur donnant un évêque, qui a les mêmes fonctions qu'un évêque en Belgique.
Le concile Vatican II avalise le mouvement initié par Benoît XV et donne les raisons théologiques, spirituelles, pastorales qui permettent de parler de la mission universelle de l'Eglise. Pas seulement des missions dans les territoires hors d'Europe, mais aussi les territoires d'où sont issus les missionnaires. L'Evangile est proclamé partout sur la planète.
- Un immense changement survient avec ce que l'on appelle la sécularisation de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord, le Québec en particulier. Une première réaction a été de se lamenter, en raison des conséquences visibles : pratiquement plus de missionnaires, de vocations de prêtres ou de religieux ; diminution des baptêmes, des mariages et des funérailles à l'église ; effondrement des connaissances religieuses des baptisés ; perte de l'influence de l'Eglise catholique comme institution dans la société.
Nous sommes en train de prendre la mesure de la sécularisation. Ce qui concerne l'Eglise est souvent présenté comme du folklore. Certains parlements veillent à éradiquer l'enseignement moral de l'Eglise. Le contenu de la foi, le témoignage de l'Evangile ne peuvent être communiqués que dans la sphère privée.
Les lamentations ne servent ici strictement à rien. Des catholiques prennent conscience qu'ils sont appelés à témoigner de l'Evangile, d'annoncer le Christ dans une société qui ne veut plus entendre parler de convictions religieuses.
Nous en sommes là. Au lieu de nous lamenter sur l'écroulement d'une société où l'Eglise catholique avait pignon sur rue, n'avons-nous pas à annoncer le Christ de telle manière que ceux et celles qui sont en recherche de sens puissent le rencontrer et avoir une relation personnelle avec lui ? N'avons-nous pas à fonder des communautés catholiques dans lesquelles tous les baptisés puissent se ressourcer, célébrer la liturgie eucharistique, discerner les services qu'ils peuvent proposer aux plus faibles dans la société, prendre part aux grands projets pour construire un monde meilleur, devenir des artisans de paix ?
Trois signes au moins sont donnés par le Seigneur pour nous engager sur ce chemin nouveau.
Le premier est l'augmentation du nombre d'adultes et de grands adolescents qui demandent le baptême, les sacrements de l'initiation chrétienne. Pour eux, avec eux, nous devons fonder des communautés de baptisés catholiques où ils sont accueillis et où ils peuvent apporter leurs compétences pour un engagement dans la société.
Le deuxième signe est l'arrivée de nombreux prêtres, de religieuses venus d'ailleurs pour annoncer l'Evangile en Belgique et fortifier les catholiques qui se demandent si l'Evangile a encore un avenir.
Le troisième signe est l'arrivée dans notre pays de réfugiés, exilés, qui ont fui des territoires en guerre. Parmi eux, il y a de nombreux chrétiens orientaux et latins qui témoignent, dans l'épreuve, de leur attachement à la foi de l'Eglise.
Comme évêque, il est de mon devoir d'annoncer l'Evangile, le Christ à toutes les nations. Comme évêque, veiller à ce que l'Evangile soit annoncé dans le diocèse de Tournai fait partie de ma charge. Depuis le Synode diocésain de 2011-2013, nous avons la chance de refonder des unités pastorales dans le diocèse. Cela fait partie de l'évangélisation. Nous avons la chance de franchir une étape nouvelle dans l'initiation chrétienne, pour les adultes, les jeunes, les enfants. Cela fait partie de l'évangélisation.
Les textes bibliques de ce jour parlent de l'efficacité de la prière d'intercession, la prière de demande. Avons-nous bien en tête ce que Jésus dit à ses disciples devant l'étendue des champs à moissonner ? Priez donc le maître de la moisson, qui est Dieu, d'envoyer des ouvriers à sa moisson. Peut-être que nous pourrions décider aujourd'hui de prier chaque jour le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans notre diocèse, et dans le monde entier.
La collecte de ce jour est versée à Missio, un organisme officiel de l'Eglise catholique qui récolte des dons, des offrandes, des collectes, pour les distribuer de manière équitable aux Eglises locales, aux diocèses qui ont réellement besoin d'argent pour les infrastructures au service de l'évangélisation ; pour la formation des séminaristes, des agents pastoraux, des catéchistes et des religieux ; pour l'éducation et les soins de santé des enfants de familles pauvres, les orphelins et les enfants des rues.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
-
Créé parDiocèse de Tournai