

Saint-Alfred : une institution pleine d’énergie, d’idées et de projets
Pendant un demi-siècle, on l'appelait le « home Saint-Alfred ». A la fin des années 80, la structure située à Casteau, en région montoise, est passée sous la houlette de l'asbl ACIS pour devenir « les projets Saint-Alfred ». Ce service résidentiel accueille plus de 60 personnes, hommes et femmes, atteintes d'un handicap mental modéré, sévère ou profond. Et à Saint-Alfred, on n'est jamais à court d'idées !
Aujourd'hui, le bâtiment qui accueille résidents et personnel n'est plus le château du 19e siècle des origines mais un grand H, plus fonctionnel et adapté aux besoins quotidiens. Michèle Capouillez, éducatrice depuis plus de 36 ans à Saint-Alfred, se souvient d'une exposition montée en 2007 pour retracer l'histoire de la bâtisse : « En 1935, le château a été légué par M. Alfred Dupont aux Frères de la Charité de Gand, qui ont d'abord accueilli des orphelins de guerre et ensuite des enfants dits 'inadaptés'. Dans les années 70, ce château a été démoli pour des raisons de salubrité et des questions pratiques car les personnes hébergées étaient de plus en plus des personnes porteuses de handicaps physiques et mentaux. Les nouveaux bâtiments datent donc de la fin des années 70. »
L'intérieur a ensuite encore évolué dans le temps pour former quatre entités de 14 personnes, avec des projets individualisés selon le type de personnes hébergées. « Lors de la reprise par l'ACIS (Association Chrétienne des Institutions sociales de Santé), il y a vraiment eu une envie d'ouvrir les portes de l'institution et de créer des projets plus ouverts sur l'extérieur », se souvient Michèle.
C'est ainsi par exemple qu'un appartement dirigé a vu le jour, dans lequel plusieurs personnes ont commencé à se préparer pour quitter l'institution et vivre une expérience d'autonomie et d'intégration sociale au sein de quartiers dans la région de Mons. « Par la suite est né un service d'accompagnement auquel les résidents pouvaient s'inscrire pour une activité bien spécifique comme aller faire des courses, être suivi pour retrouver un logement. Et on a aussi mis sur pied un centre de formation par le travail, en collaboration avec le Forem et l'Onem. »
Brasserie, informatique et calumets
Pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas l'occasion de vivre de façon plus autonome, de très nombreuses activités émaillent la vie à Saint-Alfred : une brasserie (avec lavage des bouteilles, brassage, conditionnement de la bière, étiquetage, participation à des marchés de Noël,...), un atelier bois, un atelier poterie, un atelier informatique, la réalisation d'un petit journal interne, des activités sportives (marche, athlétisme, tennis de table, natation,...) ou encore - mais la liste est loin d'être exhaustive - la confection de « calumets ».
« Nos résidents ont eu l'autorisation de la Suisse, une sorte de brevet, pour assembler des allume-feu, des allume-barbecue », explique Béatrice Hergot, également éducatrice à Saint-Alfred. « Il y a beaucoup d'étapes par lesquelles nos personnes peuvent participer, parfois par un tout petit geste, à ce calumet tout-à-fait biologique et naturel. Il y a la recherche et le démontage de palettes, il faut les fendre pour obtenir des bâtonnets qui sont ensuite passés dans un calibre, il y a aussi un trempage dans la cire et l'insertion d'une mèche. »
Deux espaces privilégiés, très appréciés des résidents, ont par ailleurs été aménagés : la Parenthèse et la Ressource. « Ce sont deux lieux où on essaie d'arrêter le temps, de le structurer, car pour nos personnes le temps est une notion très difficile à intégrer », insiste Béatrice. « Elles ne se retrouvent plus toujours dans un atelier de 'production', ce rythme n'a plus aucun sens, leur chemin ne donne plus de sens à 'faire' quelque chose, mais elles sont bien dans l'être. Là, elles arrivent avec leurs demandes, leur humeur du jour, leur douleur du jour. »
Au cœur des quartiers
En 1991, un projet de logements supervisés voit le jour à Saint-Alfred. Les résidents qui en ont exprimé le souhait et qui se sont préparés à cela pendant plusieurs mois se voient offrir l'opportunité de vivre un projet d'autonomie sur la région de Mons. Un gros changement pour eux car même si une présence éducative régulière est assurée, il faut désormais savoir prendre le bus seul, se faire à manger, aller faire des courses, gérer un peu d'argent. « Le constat était qu'il y avait à Saint-Alfred des personnes très compétentes. S'il n'y avait pas eu la guerre, s'il y avait eu l'enseignement spécial à l'époque, s'il y avait eu toutes les conditions qu'il y a maintenant, elles n'auraient pas dû se retrouver en institution. Elles auraient pu avoir une vie la plus normale possible, être mariées, peut-être même avoir des enfants. », estime Michèle Capouillez.
Michèle Capouillez, éducatrice depuis |
La première maison s'est ouverte à Mons, dans le quartier du Béguinage. « Cela a été une expérience splendidement enrichissante, non seulement pour nos personnes mais aussi pour le quartier. Au départ, quand on est arrivés, les questions ont fusé parmi les habitants. Mais dès qu'on a pu mettre un prénom sur la tête de ces nouveaux arrivants, la mayonnaise a pris à toute vitesse, et il n'a pas fallu deux ou trois mois pour que certaines personnes handicapées se voient confier des responsabilités dans le quartier comme faire des courses pour des dames âgées ou même tenir des stands au marché du dimanche pour permettre aux commerçants de s'absenter un moment. »
Aujourd'hui, les projets Saint-Alfred comptent 19 maisons implantées à Mons ou dans les environs immédiats. Une intégration et une ouverture sur le monde plus que réussies.
- Retrouvez l'intégralité de l'interview de Michèle Capouillez, Béatrice Hergot et Gisèle Moreau
dans le podcast ci-dessous :
-
Créé parDiocese de Tournai