La solidarité au temps du confinement…
Dans une maison de quartier qui vient en aide à de nombreuses familles précarisées ou dans un institut qui accompagne des hommes et des femmes atteints d'un handicap mental, comment traverse-t-on cette pandémie de Covid-19 ?
En cette période de pandémie, notre quotidien est bouleversé, notre futur incertain. Privés de nos proches et de nos amis pendant de longues semaines, notre relation aux autres, notre rapport au travail et au temps ont changé, parfois de manière inconfortable ou déconcertante. Nous aspirons à reprendre le cours de notre vie, même si nous savons déjà que notre vie ne sera sans doute plus vraiment pareille. Mais dans le monde de la solidarité, de l'accueil ou de l'intégration, comment s'est-on adapté au confinement ? Comment se protéger, protéger les plus vulnérables ?
Retour dans deux structures actives dans notre diocèse que nous avions mises en avant fin 2019 et début 2020...
Une aide sur rendez-vous
L'espace de vie communautaire La Rochelle se trouve à Roux, à quelques kilomètres de Charleroi. Claudio Marini est coordinateur communautaire de ce projet ancré depuis un quart de siècle dans une région aux réalités économiques et sociales difficiles. Maison de quartier, banque alimentaire, vestiaire, jardin collectif, théâtre, sport, concerts : les actions menées « avec les pauvres contre la pauvreté » sont multiples à La Rochelle. Qu'en est-il aujourd'hui ?
« La Rochelle est notamment un service d'insertion sociale, c'est-à-dire qu'il sert vraiment à mettre des gens ensemble. Cette activité-là a complètement arrêté puisqu'on ne peut pas avoir de réunions collectives. Par contre pour ce qui est de la maison communautaire, dans laquelle on trouve une banque alimentaire et un jardin communautaire, les activités ont continué mais en appliquant les mesures préconisées par le gouvernement. C'est difficile parce qu'au lieu de faire communauté, on doit faire exactement le contraire, demander aux gens de s'éloigner. Pour la banque alimentaire, on travaille en individuel, les gens viennent sur rendez-vous. »
L'asbl a-t-elle reçu plus de demandes que d'habitude, en ces temps difficiles ? « Il y a quasiment autant de personnes, mais le problème c'est qu'il y a des gens qu'on ne voit plus parce qu'il y a quand même toute une peur liée à ce coronavirus chez des personnes qui ont déjà énormément de difficultés. Et il y a toute la difficulté d'appliquer les mesures de sécurité pour des personnes qui vivent parfois des situations très tendues. Il y a des personnes qui ont besoin d'aide mais qui ne savent pas se déplacer. On a donc mis en place un petit système de livraisons. »
Une distanciation difficile
A Casteau, entre Mons et Soignies, les Projets Saint-Alfred sont un Service Résidentiel pour Adultes agréé par l'AWIPH, l'Agence Wallonne pour l'Intégration des Personnes Handicapées. Il accueille plus de 60 personnes, hommes et femmes, atteintes d'un handicap mental modéré, sévère ou profond. Nous nous étions rendus il y a quelques mois sur le site de Saint-Alfred pour en savoir plus sur cette institution qui déborde d'idées et d'enthousiasme afin d'assurer le bien-être de ses résidents. Nous avons recontacté Gisèle Moreau, l'une des éducatrices qui nous avaient reçus lors de cette émission.
Comment a-t-on réagi chez les éducateurs quand le confinement a été déclaré ? « Au départ, on se demandait ce qu'il se passait, cela avait l'air terrible, comment on allait faire, on se disait qu'on n'y arriverait pas : la fameuse distanciation sociale avec des personnes handicapées, c'était utopique, on se fait des bisous à longueur de journée ! Donc au départ on était dans une sorte de déni. Puis au fur et à mesure, on a tous pris conscience de la gravité de la situation et de ce que cela allait entraîner comme changements dans notre quotidien. »
Des mesures ont alors été prises pour empêcher tout contact non indispensable avec l'extérieur qui pourrait faire entrer la maladie dans l'institution : plus de visites, plus de retours en famille, plus de stagiaires, activités modifiées, mise en place d'unités d'isolement pour les personnes touchées par le virus,... « Nous nous sommes basés sur le principe de précaution maximale, avec des procédures, des tenues de protection, désinfection des clinches, des clés, des sanitaires, se laver les mains. » Avec beaucoup de consignes reçues mais très peu de matériel et quelques craintes.
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Et demain ?
Bien sûr, dans ces deux structures comme dans l'ensemble de notre société, en Belgique et dans le reste du monde, cette crise aura des répercussions plus ou moins importantes. Sur la façon de vivre, de faire les choses, sur les projets futurs.
A Saint-Alfred, cela fait maintenant plusieurs années que « Cap 2020 » a été lancé. Un projet visant à permettre à des résidents et éducateurs de partir en pèlerinage ensemble, à Lourdes ou à Taizé, en 2020. « Nous, on a bien pris les choses », relativise Gisèle Moreau. « Si ce n'est pas Cap 2020, ce sera Cap 2021. Mais cela a plus de conséquences qu'on pourrait le penser. D'abord pour nos résidents, la notion de temps est quelque chose de très difficile à appréhender, quand on parlait de Lourdes, pour eux c'est comme si on partait demain. Ils nous demandent tous les jours quand on part. Ensuite, on a pas mal de personnes à la santé très fragile, âgées aussi, on se dit qu'elles ne seront peut-être plus là. On est tristes... mais on verra ! »
Et comment le public précarisé accompagné par La Rochelle vivra-t-il l'après-crise ? « Actuellement, c'est déjà la crise pour ces familles-là », constate Claudio Marini. « C'est terrible car elles subissent en plein les mesures de confinement. Quand on vient passer la journée à la maison de quartier, pas besoin de chauffage, d'eau ou d'électricité chez soi. Ici, des tas de familles sont confinées, consomment beaucoup plus. Les colis contiennent moins de produits. Et quand on vit les uns sur les autres, il peut y avoir des tensions... Demain, comment est-ce que cela risque de se passer ? Même s'il y a des aménagements de paiement pour le moment, les factures reviendront après. »
- Pour écouter ces interviews dans leur intégralité, découvrez l'émission « Près de chez vous en Hainaut », qui a été diffusée sur 1RCF :
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Créé parDiocese de Tournai