« J’étais malade, et vous m’avez visité »

«J’étais malade, et vous m’avez visité»

Chaque jour ils sont des milliers, à travers toute la Belgique et ailleurs dans le monde, à se rendre auprès de personnes malades, isolées, porteuses de handicap ou âgées. La plupart sont bénévoles. Avec les équipes d’aumônerie, ils constituent un vaste réseau d’écoute et de fraternité.
On les appelle de manière un peu trop générale les « visiteurs de malades ». Dans le diocèse de Tournai, ils se comptent par centaines. Ils se rendent dans les hôpitaux, dans les maisons de repos ou encore à domicile. Ils rencontrent des personnes fragilisées par la maladie, la solitude, le handicap ou l’âge. Ils écoutent leur ressenti, leurs souffrances, leur solitude, ils partagent leurs espérances, un sourire, une tasse de café. Mais aussi, quand les personnes visitées le souhaitent, ils peuvent entamer des discussions plus profondes et intimes sur la vie, la mort, la foi.Bien entendu, on ne s’improvise pas visiteur. Très souvent, c’est à un réel appel intérieur qu’un visiteur répond en s’engageant dans cet immense service d’Eglise. Mais qui nécessite formation et préparation : « Les gens à la base viennent vers nous avec tout leur bon cœur », explique Agnès Italiano, coordinatrice de l’Aumônerie des hôpitaux généraux au sein de la Pastorale de la santé du diocèse. « Mais on s’est rendu compte qu’il fallait pouvoir leur mettre un cadre, une structure, et donc on organise des formations. D’abord une formation à l’écoute et puis d’autres petits modules proposés chaque année, plus des formations sur comment gérer le stress, les conflits,… »

Une bulle d’oxygène

Depuis près de 20 ans, Jeannine Hainaut est impliquée en tant que visiteuse, coordinatrice d’abord pour les visiteurs de la région de Mons-Borinage puis pour l’ensemble du diocèse. Elle remonte dans le temps et l’histoire avec nous : « Cela fait près d’un demi-siècle que les visiteurs existent. C’est l’abbé Gielen, un prêtre de Bruxelles, qui a eu le souci de créer quelque chose et les premières équipes se sont constituées en 1961. Parce que c’est vrai que certaines personnes souffrantes avaient trois ou quatre visites et d’autres rien du tout. Il y avait vraiment une organisation qui était souhaitable. Cela a commencé sur Bruxelles puis ça s’est étendu aux diocèses wallons. »

Mais comment devient-on visiteur ou visiteuse ? « Un jour Jeannine Hainaut a lancé un cri du cœur au cours d’une célébration en disant qu’il manquait des personnes pour visiter les malades », se souvient Bernadette Mambourg. « Et ce jour-là, je ne sais pas pourquoi, cela m’a fort interpellée et je me suis dit que je devais faire quelque chose. » C’est comme cela qu’elle a commencé il y a trois ans à rendre visite aux résidents d’une maison de repos, à Ghlin. « C’est très important de les écouter, d’entendre leur désarroi. Ils n’ont pas toujours de famille pour les soutenir et les encourager. Parfois on est la seule personne extérieure à venir les voir. »

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Jeannine Hainaut, coordinatrice des visiteurs du diocèse, Bernadette Mambourg, visiteuse,
et Agnès Italiano, coordinatrice de l’Aumônerie des hôpitaux généraux et des équipes de visiteurs
en maisons de repos (dernière casquette qui sera bientôt reprise par Alix Tumba)

Répondre aux besoins spirituels

Dans les hôpitaux aussi, les patients peuvent recevoir des visites de bénévoles ou de la part des aumôniers. Céline Van der Beken, animatrice en pastorale, remplit ce rôle dans deux institutions hospitalières, à Mons et à Charleroi. « Le besoin spirituel n’est pas le premier souci d’un patient quand il arrive à l’hôpital ; il faut être honnête, les demandes claires d’aumônerie sont rares. Quand on en a ce sont soit des gens très pratiquants qui savent ce qu’ils veulent, soit on est appelés pour des fins de vie. Je me présente toujours comme l’aumônière catholique, la plupart du temps sur base de contacts spontanés. »

Et parfois, le dialogue se noue, la confiance s’installe : « Souvent quand on creuse, il y a encore quelque chose qui se joue, les gens n’osent pas tout de suite dire qu’ils sont croyants, mais en fait on se rend compte que c’est une dimension qui est présente. Et même si je rencontre beaucoup de gens qui ne se disent pas catholiques, ce besoin spirituel je pense qu’il est vraiment présent en chacun, et il se révèle d’autant plus dans la maladie. »

Au cœur des unités Covid

Cet accompagnement, il n’est pas destiné uniquement aux patients. Car les soignants sont eux aussi confrontés à des situations difficiles qui peuvent causer souffrance, incompréhension ou colère. « Eux-mêmes disent leur révolte par exemple face à un jeune patient qui a un cancer très avancé et dont on sait que le pronostic ne sera pas bon. » Céline passe du temps à prier avec les patients qui le souhaitent, ou parfois à simplement être à leurs côtés. « Le fait d’être un tiers, qu’ils ne verront peut-être qu’une fois dans leur vie, va parfois les amener à nous dire des choses qu’ils n’ont jamais dites à personne. C’est assez étonnant de voir la confiance que les gens peuvent donner spontanément, livrer qui ils sont et se laisser accompagner. »

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(Photo des soins intensifs : © CHU Tivoli)

La crise sanitaire actuelle a évidemment modifié l’action tant des bénévoles, souvent interdits de visite, que des aumôniers. « Je me suis retrouvée en première vague, de mars à juin-juillet, en service Covid. C’est très fatigant parce qu’il faut faire plus de démarches en termes d’hygiène. Ce qui est difficile, c’est que le covid est une maladie où on se rend compte que les gens peuvent se dégrader soudainement, surtout en gériatrie. Et c’est surtout ça qu’il faut accompagner, autant chez les patients que chez les soignants. » Mais au-delà de la solitude, de la souffrance et de la mort, Céline a aussi pu être témoin de multiples petites pépites de solidarité au quotidien, un don inestimable…

Agnès MICHEL

  • Pour écouter ces interviews dans leur intégralité, découvrez dans le podcast ci-dessous notre émission radio « Près de chez vous en Hainaut », diffusée sur 1RCF.

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