Les églises du Diocèse de Tournai face au défi des économies d’énergie
Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, les églises n’en font pas exception. Véritables passoires thermiques, elles tentent tant bien que mal de réduire leur consommation, pour limiter l’impact sur les finances des communes…
Ce n’est plus un secret pour personne, les coûts de l’énergie ont véritablement explosé ces derniers mois, impactant de manière significative les finances tant des ménages que des entreprises, des associations et des pouvoirs publics. Les églises et leurs fabriques ne sont pas en reste, face aux « passoires thermiques » que sont les édifices religieux, faisant indéniablement peser cette augmentation sur les épaules des communes…
« Les fabriques d’église, qui gèrent les bâtiments, sont en effet financées en grande partie par une dotation communale, rappelle Loris Resinelli, conseiller en gestion des Fabriques d’église à l’Évêché de Tournai. Face à des factures de régularisation, et aux nouveaux acomptes qui allaient dévorer la plus grande part du budget total, elles ont dû solliciter une modification budgétaire et une augmentation de la dotation communale… On peut comprendre que cela fait grincer des dents certaines communes ; mais comme pour un théâtre ou un ciné, il faut pouvoir chauffer le temps de la représentation ou de la séance pour le confort des gens. Il ne faut pas non plus oublier que des personnes travaillent dans les églises… »
« Votre lieu de culte, champion du monde des petits gestes »
Pour contenir l’augmentation des factures pour les communes, l’Évêché de Tournai appelle ses fabriques d’églises (au nombre de 220 pour le territoire de la Wallonie picarde) à redoubler d’efforts tant dans la recherche de nouvelles recettes propres que dans la manière d’utiliser ces énergies. « Nous avons lancé une campagne de communication et de sensibilisation pour inciter les fabriques d’églises à mettre en œuvre des solutions pour limiter l’augmentation des factures, mais aussi pour informer les fidèles quant aux efforts réalisés. Elle se concrétise par une affiche placée à l’entrée de l’église sur laquelle les fabriques d’église apposent des autocollants en fonction des mesures qu’elles ont mises en place: organiser le covoiturage, éclairer que si nécessaire, proposer des couvertures, diminuer la température, utiliser l’éclairage LED ou rationaliser l’espace. Avec pour apothéose: le trophée “Votre lieu de culte, champion du monde des petits gestes”. »
Le chauffage est sans doute l’aspect le plus difficile à contrôler pour les églises, des bâtiments hauts et imposants, aux toitures et vitraux non isolés. Il n‘y fait pas nécessairement beaucoup plus chaud qu’à l’extérieur. Les fidèles avaient déjà d’ailleurs l’habitude de garder leurs vestes lors des offices. « Certaines églises sont encore chauffées au mazout, donc l’impact de la hausse du prix de l’énergie est un peu moindre… Par contre, pour celles qui utilisent le chauffage au gaz, les factures ont triplé voire quadruplé ! De manière générale, elles ont baissé la température de quelques degrés, même si on ne leur a pas donné de température maximale parce que tout dépend d’un édifice à l’autre. Par contre, on ne peut éteindre complètement le chauffage, déjà pour le confort des fidèles, et la pratique du culte dans de bonnes conditions, mais aussi pour la préservation et le maintien en état du bâtiment. Si on passe un hiver sans chauffer une église, cela pourrait être pire que mieux… »
L’intérêt des chapelles d’hiver
L’Evêché de Tournai incite aussi à utiliser davantage les chapelles d’hiver (ou chapelles de semaine) plutôt que la grande nef. « Elles retrouvent un peu toute leur raison d’être et leur intérêt, relève Loris Resinelli. Auparavant, elles étaient en effet utilisées pour limiter le chauffage des églises ; aujourd’hui, elles redeviennent bien utiles ! »
D’autres fabriques d’église ont fait le choix de limiter le nombre d’offices et célébrations.
Bientôt productrices d’électricité pour leur voisinage
En plus de l’impact budgétaire, l’Évêché de Tournai n’en oublie pas que les énergies fossiles ont un impact négatif, en matière de dérèglement climatique. « Nous voulons aussi inscrire l’Église et nos fabriques d’église dans cette démarche du développement durable en implémentant “Laudato si”, l’encyclique du pape François qui se concentre sur la protection de l’environnement naturel et de toutes les personnes, ainsi que sur des questions plus larges concernant la relation entre Dieu, les humains et la Terre », ajoute Loris Resinelli.
Une réflexion est ainsi en cours quant à l’installation de panneaux solaires ou photovoltaïques sur les édifices religieux. « Jusqu’à présent, il n’était pas intéressant de placer des panneaux sur les églises, qui pourtant disposent de larges pans de toitures, mais qui ne consomment pas suffisamment d’électricité… Et comme on ne peut pas stocker le trop-plein d’électricité produit, cela n’avait pas d’intérêt. »
Des communautés d’énergie renouvelable
Par contre, un projet de la Région wallonne relatif aux communautés d’énergie renouvelable pourrait bien changer la donne. « Cela permettrait aux citoyens, aux associations, aux communes, et donc aux églises, de se mettre ensemble sur une zone et de mettre en commun leur production d’énergie. Ainsi, si les églises installent des panneaux solaires ou photovoltaïques, elles pourraient partager l’élection produite en alimenter le voisinage. »
Loris Resinelli ne voit pas de frein religieux quant à la pose de tels panneaux sur un lieu sacré. « Bien évidemment, ce ne serait pas sur les églises classées… mais sur les autres, cela pourrait être possible. Cela représenterait une belle symbolique: l’église produit de l’énergie verte et en fait bénéficier les autres… Cela rejoint les valeurs de l’écologie, de la solidarité et du partage. On montre que l’Église agit à son échelle et vit avec son temps ! »
Un article de Pauline Deneubourg («Le Courrier de l’Escaut» – 19 décembre 2022)