Des enseignants «debout sur le rebord du monde»
Une bonne quarantaine de profs ont pris part à la Journée diocésaine annuelle de la pastorale scolaire. Quelques heures pour réfléchir ensemble autour de l’encyclique Laudato Si’, échanger des idées et se reconnecter à nos cinq sens, à soi et aux autres. Et surtout une occasion de (re)faire le plein de motivation avant de retourner en classe.
L’équipe de la Pastorale scolaire du diocèse de Tournai avait donné rendez-vous ce 10 octobre 2023 aux enseignants des écoles catholiques dans le grand théâtre de l’Institut Saint-Luc à Ramegnies-Chin, à quelques kilomètres à peine de la cité aux Cinq clochers. Ils sont venus de Charleroi, de Chimay ou encore de Gerpinnes, issus de l’enseignement général ou spécialisé, pour cette journée de formation axée sur la transition écologique, sur les petits gestes encouragés dans les écoles et tous ces gestes encore à inventer, sur le monde dans lequel on vit et qu’on voudrait plus beau, plus durable, plus respectueux de la maison commune qui nous accueille mais aussi de chaque humain qui y habite.
Plusieurs ressources s’étaient unies pour construire cette journée. La Pastorale scolaire emmenée par Bernard Ghislain, bien entendu, mais aussi le service des Jeunes pour animer en musique les moments d’intériorité et Dolorès Fourneau, du «pôle jeune» d’Entraide & Fraternité, venue guider les participants dans leur quête de ressourcement.
S’émerveiller, constater…
L’échange d’idées et le partage d’expériences en petits groupes ont été mis au centre de cette session 2023. Ensemble, les enseignants se sont d’abord «émerveillés»: Qu’est-ce qui me porte actuellement dans mon métier d’enseignant? En quoi le thème de cette formation me rejoint-il? Qu’est-ce qui m’émerveille en ce moment? Puis vint le temps des constats devant ce monde tel qu’il est. «Les constats sont là, on se les prend de plein fouet», reconnaît Dolorès Fourneau. «On aurait pu vous diffuser une vidéo qui se demande si notre terre est vraiment foutue. Mais nous avons choisi de faire autrement et de susciter la réflexion sur comment nous pouvons aller dans le sens de Laudato Si’ dans nos écoles.»
Stimulés par de courtes histoires, les profs ont réfléchi ensemble sur la société qu’ils veulent construire avec leurs élèves. Voulons-nous d’un monde dans lequel une puce serait injectée sous la peau des enfants pour tout connaître de leur état de santé, de leurs émotions ou de leurs faits et gestes? Souhaitons-nous être placés dans une «bulle», privés de tout contact si ce n’est celui de la télé et boostés par un sérum antidépresseur? Que pensons-nous du «bonheur d’avoir»? Des récits au trait volontairement forcé pour secouer les consciences… mais où parfois la réalité se rapproche dangereusement de la fiction.
Puisque tout est possible
«Ces histoires ont été testées avec des élèves», explique encore Dolorès Fourneau, qui se rend jour après jour dans les écoles francophones pour sensibiliser à l’entraide et à la fraternité. «Il existe des ados éco-anxieux car il est difficile de vivre avec tous ces constats. Et vous, maintenant, comment vous sentez-vous face à cela?»
En venant se regrouper devant les smileys disposés dans la pièce, les participants expriment leur peur, leur déception, leur motivation ou leur révolte. «C’est difficile de gérer tous ces sentiments, on ne va pas tout régler avec une journée diocésaine, mais nous pouvons alimenter notre motivation, faire percoler des idées, utiliser ces animations dans les écoles, faire entrer Laudato Si’ dans les classes. Le pape François n’a pas écrit cela pour rien!»
Et des projets, il y en a dans les écoles. Plusieurs profs ont témoigné de leurs utopies et de ce qu’ils essaient de mettre en place avec leurs élèves, parfois déjà désabusés devant un avenir qu’on leur annonce sans espoir mais pourtant enthousiastes quand il s’agit de passer à du concret. En faisant face parfois à des contraintes et des blocages, certes. En devant convaincre des directions aux moyens financiers limités. Mais s’approprier et faire rejaillir l’appel du pape François reste possible.
Nécessaire reconnexion
Pour passer au concret, justement, Dolorès Fourneau a emmené tous les participants dans le parc qui entoure l’Institut Saint-Luc. Chacun à son rythme, seul ou en groupe. En se promenant entre les arbres, en marchant sur les feuilles ou sur les graviers, en prêtant l’oreille au chant des oiseaux ou au passage du train tout proche, en touchant une écorce rêche ou un peu de mousse, en respirant à pleins poumons, l’animatrice a invité à la reconnexion à nos cinq sens.
Des sens qu’on oublie parfois un peu, dans la frénésie du quotidien, et qui pourtant nous ancrent si fortement dans notre environnement. Qui suscitent des émotions, font remonter des souvenirs comme un parfum d’enfance, la beauté d’une rencontre, une parole d’Évangile qui nourrit. Et si parfois, plutôt que de rester debout sur le rebord du monde, il nous fallait y sauter à pieds joints?
Agnès Michel
Les objectifs de Laudato Si’ guident nos actions. Ils redéfinissent et reconstruisent notre relation les uns avec les autres et notre maison commune. Ils appellent à une révolution spirituelle et culturelle pour réaliser l’écologie intégrale. (Tiré de la Plateforme d’action Laudato Si’)