Quand l’Église commémore les victimes d’abus

Quand l’Église commémore les victimes d’abus

L’Église catholique en Belgique a souhaité organiser une célébration de prière nationale en mémoire des victimes d’abus sexuels le 17 novembre 2024. Des moments forts ont eu lieu à Bruxelles, à Bruges, mais aussi à Tournai. À l’issue de l’eucharistie dominicale, Mgr Guy Harpigny a inauguré dans la Cathédrale Notre-Dame une œuvre réalisée par une victime d’abus.

Alors qu’avait lieu à la basilique de Koekelberg une célébration commémorative présidée par Mgr Luc Terlinden, les diocèses de Bruges et Tournai se sont eux aussi associés à l’initiative, en cette veille de Journée mondiale pour la prévention et la guérison de l’exploitation, des atteintes et des violences sexuelles visant les enfants. Les personnes victimes de violences sexuelles étaient invitées à se joindre aux cérémonies si elles le souhaitaient.

C’est un signe fort qu’a voulu poser Mgr Harpigny en accueillant une peinture réalisée par une victime d’abus dans la chapelle Saint-Louis de la Cathédrale Notre-Dame, où elle restera comme symbole commémoratif. « Elle témoignera, de manière symbolique, du mal qui a été fait, des blessures que ce mal a provoquées sur des mineurs, de la réaction du ‘silence’ souvent imposé, du chemin nouveau ouvert pour accompagner, prévenir et mettre fin à ce type de comportement », écrivait l’évêque de Tournai fin octobre. Il invitait par ailleurs tous les membres de l’Église à se recueillir et à prier pour cette intention, tout spécialement les 17 et 18 novembre 2024.

Une roue céleste

C’est un véritable travail intérieur qui a guidé dans son processus de création l’artiste de l’œuvre désormais exposée au cœur de la Cathédrale : « Chercher à créer une vibration par ces bleus. De la matière, aller vers l’Invisible. Être portée dans ce silence. La croix s’est imposée. De l’horizontalité, je passe à la verticalité. Le support en forme de cercle symbolise le mouvement qui représente l’élan de vie. » Une jolie manière de faire jaillir l’espérance dans la souffrance mais aussi de consacrer un coin de l’édifice pour prier pour cette cause.

Lors de sa visite en Belgique, le Pape lui-même a abordé à plusieurs reprises la thématique des abus sexuels. À travers ses actes et la rencontre des victimes d’abus. À travers des paroles sans équivoques, aussi. « Il n’y a pas de place pour les abus. Il n’y a pas de place pour la dissimulation des abus », a martelé le Souverain pontife lors de la messe du 29 septembre au stade roi Baudouin.

Pardon et justice

Ce dimanche 17 novembre, dans son homélie, l’évêque référendaire pour les problèmes de pédophilie au sein de l’Église belge, a annoncé une Église en mouvement, tournée vers l’écoute des victimes : « Les évêques de Belgique ont décidé de faire un geste symbolique. Ce n’est pas cela qui va guérir, qui va tout transformer. Ce n’est pas ça non plus qui va empêcher des gens de le faire. » Et il insiste plus loin : « Il faut être attentif pour que ça ne se reproduise pas. »

Les textes de la messe du 33e dimanche du Temps Ordinaire n’auraient pas pu être plus ajustés à cette journée de commémoration. Ils évoquaient le dernier jugement des morts et des vivants, des justes et des injustes, lors de l’Apocalypse. Les thèmes centraux de la justice et du pardon résonnaient avec le besoin de justice des victimes et la demande de pardon de l’Église.

Cette journée a permis aussi de mettre en avant ceux qui travaillent dans l’ombre pour faire entendre la voix des victimes, qui les écoutent, les accompagnent et les aident dans le chemin vers une forme de paix intérieure.

Anaïs Marescaux

  • Toutes les informations sur la manière de signaler un abus dans une relation pastorale sont regroupées sur cette page. Les rapports, brochures, code de conduite pour les personnes travaillant dans l’Église et autres informations y sont également disponibles.
  • Un aperçu de toutes les mesures prises par l’Église catholique en Belgique pour lutter contre les abus sexuels dans le cadre d’une relation pastorale est disponible ici.

Transformer les bleus de l’âme en bleus célestes

Préférant rester anonyme, la créatrice de l’œuvre «Roue céleste» a néanmoins bien voulu partager ses intuitions et nous laisser quelques pistes de réflexion…

Le point de départ du travail était d’exploiter un cercle. J’amorce le travail en ponçant cette roue en bois. Par analogie, phase de dépouillement, d’humilité. Ce décapage extérieur permet un décapage intérieur.

L’étape suivante consiste à placer trois couches de gesso blanc. Cette surface est un peu comme un linceul.  J’ai repensé au vécu de mon enfance où j’ai été abusée par un prêtre, ami de la famille. Le choix d’exploiter la couleur bleue apporte un autre sens. Transformer les bleus de l’âme en bleus célestes. Je choisis trois pigments de bleus différents et cherche à créer une vibration. De la matière, j’essaie d’approcher l’Invisible.  

Dans un silence monacal, durant huit jours, je me suis laissée porter par cette recherche picturale. La croix s’est imposée là où je ne l’attendais pas. Je choisis de la marquer en blanc, symbole de la pureté, de l’innocence. Chaque point blanc est marqué avec mon index pour y laisser mon empreinte. De l’horizontalité, je passe à la verticalité. Je pose huit points blancs au-dessus de la croix pour y inscrire un nouveau chemin vers l’infini. Je termine par une trace dorée. Ces pigments d’or symbolisent l’éclat spirituel, la Lumière Divine. 

Durant ce travail, je ressens une grande paix intérieure. Cela m’a permis de transcender une blessure profonde. Cette création m’a renforcée intérieurement. Le support en forme de cercle symbolise l’unité, la plénitude, le mouvement. Cette nouvelle « Roue Céleste » me rend un élan de vie. Je forme le vœu que cette œuvre puisse toucher les cœurs des croyants et des non croyants qui seront de passage dans cette magnifique Cathédrale, lieu sacré.

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