Funérailles à l’église: la place de la musique et du chant
Réflexion conjointe du Service de la Liturgie et de la Pastorale sacramentelle du diocèse de Tournai et de l’A.D.P.F.E. (Association Diocésaine du Personnel des Fabriques d’Église).
Depuis quelques temps, une réflexion s’est engagée en écho au vécu de certains prêtres, diacres, membres des équipes et personnes de contact dans les unités pastorales, organistes ou sacristains, dans le cadre des funérailles à l’église.
On note d’emblée que l’étroite collaboration qui existe dans notre diocèse entre les équipes d’accompagnement de la pastorale des funérailles et les entreprises de pompes funèbres est précieuse et souvent très cordiale.
On note aussi qu’aux quatre coins de notre diocèse, la qualité des célébrations de funérailles permet à de nombreuses personnes de vivre leur deuil avec foi, dans l’espérance chrétienne. Cette qualité repose largement sur l’expérience pastorale non seulement des prêtres mais aussi de tous les acteurs pastoraux impliqués dans les funérailles.
Toutefois, à certains moments ou en certains endroits, il arrive qu’on puisse se trouver démunis face à une certaine «disproportion» dans l’utilisation de musiques ou chansons sur supports enregistrés (clés USB, CD,…), souvent suggérée par les pompes funèbres lors de leur premier contact avec les familles.
C’est précisément dans ce cadre-là que s’inscrit notre réflexion qui consiste simplement
• à s’approprier le sens d’une célébration de funérailles à l’église
• à s’interroger sur la place qu’occupent la musique et/ou le chant
• et, partant de là, à donner des directives à suivre pour accueillir au mieux une éventuelle proposition musicale des familles.
Nous souhaitons que les célébrations ne soient pas «dénaturées» par une utilisation «disproportionnée» ou «aveugle» de musiques ou chansons enregistrées. Tout en respectant les règles liturgiques, il est à souligner l’importance du discernement pastoral que requiert toute situation, de façon personnalisée.
Quel est le sens des funérailles à l’église?
L’Église partage la peine engendrée par la perte d’un être cher en exerçant un ministère de consolation.
Au creux de cette communion, elle célèbre le mystère pascal du Christ avec foi. Dieu, en ressuscitant le Christ, a ouvert un passage de la mort à la vie. Le rôle de la communauté chrétienne est d’accompagner le défunt dans sa Pâque et de le remettre entre les mains du Père.
«La liturgie des funérailles, et tout ce qui l’entoure, a pour but de recommander à Dieu les défunts, mais encore (et ce n’est pas moins important) d’encourager l’espérance des assistants et développer leur foi au mystère pascal et à la résurrection des morts» (Rituel des funérailles, Notes doctrinales et pastorales, 8).
Quelles sont les fonctions de la musique et du chant aux funérailles chrétiennes?
Voici ce que dit le Concile Vatican II, dans la Constitution sur la Sainte Liturgie (n°120):
«On estimera hautement l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel. Quant aux autres instruments, selon le jugement et le consentement de l’autorité territoriale compétente, (…) il est permis de les admettre dans le culte divin selon qu’ils sont ou peuvent devenir adaptés à un usage sacré, qu’ils s’accordent à la dignité du temple et qu’ils favorisent véritablement l’édification des fidèles.»
Dans la Présentation Générale du Missel Romain (n°313), nous lisons:
«L’orgue et les autres instruments de musique légitimement approuvés seront installés dans un endroit approprié pour qu’ils puissent soutenir le chant aussi bien du peuple que de la chorale, et, s’ils jouent seuls, qu’ils puissent être bien entendus par tous.»
Le Rituel des funérailles (25) rappelle explicitement ceci:
«La musique aura un double rôle: celui de créer le juste climat de paix au-delà de la douleur, en aidant à la cohésion d’une assemblée unanime; celui d’exprimer la prière de supplication et de foi pascale.»
Il importe ainsi d’accueillir tout le monde et de favoriser un chemin de prière et de paix.
Tout est symbolique dans la célébration: au service de la liturgie, la musique et le chant sauront créer le climat adéquat, en lien avec l’action qui se déroule.
Certains chants liturgiques font pleinement partie du rite (rite d’entrée, rite du dernier adieu,…): dans ce cas, pour qu’ils correspondent aux paroles et aux gestes rituels, il est important qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres chants (chant marial, chant profane,…).
La musique et le chant au cœur de la préparation de la célébration
Sous la responsabilité du curé, c’est au prêtre, au diacre ou aux deux laïcs célébrants qu’il revient de rencontrer la famille du défunt et de préparer la célébration des funérailles, en collaboration avec l’organiste. Parfois des musiciens, membres ou amis de la famille, apportent leur contribution. On veillera à ce que leur démarche s’intègre bien à l’ensemble de la célébration.
On comprend que, dans la pratique, ce sont les pompes funèbres qui ont les premiers contacts et cela est nécessaire pour tout ce qui concerne la prise en charge du corps du défunt, pour les démarches administratives,… Par contre, la préparation de la célébration liturgique ne leur incombe pas. Dès lors, il ne convient pas qu’elles suggèrent aux familles de choisir des musiques ou des chants enregistrés.
Bouleversées par le décès et prises par l’émotion, les familles n’ont pas toujours ni le temps ni le recul suffisant pour prendre conscience de l’enjeu de la célébration, ni de la musique et des chants qui lui sont appropriés. Même si elle part majoritairement d’une bonne intention, la démarche des pompes funèbres conduit à retrouver deux, voire trois musiques ou chansons enregistrées souvent des «tubes» profanes –au cœur même de nos célébrations et pas forcément à des moments adéquats. Ces enregistrements peuvent interrompre le climat de prière et de paix obtenu au fil du déroulement de la liturgie. Ils suscitent parfois un retour abrupt de la charge émotionnelle en cours de la célébration.
Cependant, dans les funérailles, l’accueil de l’émotionnel des familles est un élément non négligeable et il est tout aussi essentiel que délicat : les acteurs pastoraux connaissent l’importance de l’évocation de la personnalité et de l’histoire du défunt dans le processus du deuil. Ils savent aussi que le fait d’entendre une musique ou une chanson que le défunt aimait ou qui rappelle un temps fort de sa vie conduit souvent à une belle communion humaine entre toutes les personnes rassemblées.
L’important est toujours de discerner la place la plus adéquate de cette proposition musicale des familles et d’éviter toute disproportion par rapport aux musiques et aux chants qui accompagnent le rituel des funérailles. Les familles qui ont demandé le «passage par l’église» peuvent ainsi goûter l’espérance chrétienne que véhicule la liturgie.
Quelques directives plus précises:
• Ce sont les acteurs pastoraux et liturgiques qui, lors de leur contact avec des membres de la famille de la personne défunte, les écoutent et envisagent avec eux la célébration des funérailles; ils sont garants du caractère judicieux de la réponse à donner à leurs demandes.
• La plupart du temps, le premier contact avec la famille a lieu avec les pompes funèbres. Pour éviter qu’elles ne fassent des suggestions en amont, il convient de les informer sur la manière dont les choses vont se vivre à l’église (le déroulement, le rôle de la musique et des chants liturgiques, la place d’une proposition musicale de la famille).
• Les membres de l’équipe funérailles qui ont visité la famille (ou la famille elle-même si elle le souhaite) se concertent avec l’organiste pour le choix de la musique et des chants, l’organiste pouvant ainsi pleinement exercer sa mission au service de la liturgie. Dans ce cadre-là, il est important que l’organiste soit lui-même correctement formé au sens d’une célébration de funérailles, et que les répertoires des chants soient appropriés et régulièrement renouvelés.
• Tout en accueillant les demandes de la famille avec bienveillance et respect, il importe d’opérer, en chaque situation particulière, un discernement pastoral et liturgique. Quand par exemple quelqu’un de la famille souhaite interpréter une chanson en hommage au défunt, il faut s’assurer que les paroles de la chanson soient adaptées à la circonstance.
• Parfois, en l’absence d’organiste ou d’un remplaçant, on peut proposer une alternative musicale, sous forme d’enregistrements, mais toujours dans le respect de la spécificité de la célébration.