Une messe de Pâques très spéciale à la prison de Tournai

Une messe de Pâques très spéciale à la prison de Tournai

Alors que le pape François nous quittait quelques heures plus tôt, une célébration pascale présidée par Mgr Jean Kockerols, nouvel évêque référendaire pour les aumôneries carcérales, se tenait dans l’établissement pénitentiaire tournaisien.

Le pape François aurait sans doute aimé ce moment. Un moment de fraternité, vécu en toute simplicité parmi des exclus de notre société. Deux heures un peu hors du temps et du quotidien, tant pour les quinze détenus présents à cette messe de Pâques que pour les membres de la chorale venus de la paroisse Saint-Paul de Tournai et pour l’équipe d’aumônerie. D’ailleurs le pape François était là. Au pied de l’autel, d’abord. Une belle photo où l’on voit un François illuminé d’un large sourire, tenant un agneau sur ses épaules. Et dans toutes les pensées aussi. Parce qu’à 7h35, ce lundi 21 avril 2025, le Souverain pontife a rendu son dernier souffle. Et le premier détenu qui rejoint la chapelle, le point le plus haut de toute la prison, évoque tout de suite cette disparition pas complètement surprenante mais inattendue quand même: «J’ai appris pour le pape… C’est triste.»

Amélie Desclée, coordinatrice de l’aumônerie à Tournai, ne s’y trompe pas: «Aujourd’hui, nous célébrons une messe spéciale à plus d’un titre. Spéciale parce que vous avez certainement entendu que notre pape est décédé ce matin. Spéciale parce que c’est la fête de Pâques. Spéciale car nous avons pour cette messe un nouvel autel. Spéciale parce que nous accueillons Mgr Kockerols. Et aussi notre chère chorale que nous aimons tant!»

Des types formidables

Mgr Jean Kockerols vient pour la première fois au sein de l’établissement tournaisien. «Je suis très heureux de vous rejoindre ici pour célébrer cette messe avec vous. Hier j’ai célébré deux fois à la prison de Saint-Gilles, demain je serai à Ittre et jeudi à Haren. Je vais beaucoup dans les prisons parce que parmi les évêques –il y en a dix– je suis référent pour les prisons. Et je leur dis souvent que j’y rencontre des types formidables!»

D’ailleurs, il rappelle que le Jeudi saint, quelques jours avant sa mort, le pape François, malgré son état de santé fragile, était encore auprès des détenus dans la plus grande prison de Rome. «Il est certainement en communion avec nous et il prie pour nous.»

Après les lectures, le célébrant prend une chaise et s’assied au milieu de l’assemblée. «Il y a eu de longues célébrations pendant la semaine sainte, je suis un peu fatigué», avoue-t-il en souriant. Alors, il explique Pâques, ce tombeau vide, ce corps disparu. «Qu’est-ce que cela veut dire pour nous? Si nous croyons que le Père a ressuscité Jésus, l’a sorti de la mort, alors cela veut dire que la mort, le mal, la souffrance n’ont pas le dernier mot. La fin que Dieu souhaite, c’est la vie, la joie. C’est la vie qui aura le dernier mot!»

Une table de fête

Mgr Kockerols prend aussi le temps d’évoquer longtemps le guide de l’Église catholique qui vient de s’éteindre. Un homme qu’il a eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises et dont il se souviendra comme d’un homme d’une grande simplicité, humble et tendre, au service des autres. «Il n’aimait pas qu’on l’appelle ‘Très saint Père’ mais il préférait qu’on dise juste ‘Papa Francesco’ ou même seulement ‘Francesco’. C’est comme ça qu’il montrait la simplicité de l’Évangile. Et quand on lui demandait ‘Qui es-tu ?’, il répondait ‘Un pécheur pardonné’. Il avait conscience que tout le monde est pécheur mais qu’on reçoit la miséricorde. (…) Pardonner, c’est aimer par-delà toutes les erreurs qu’on peut faire.»

Il est ensuite temps de consacrer et bénir le nouvel autel (lire encadré) qui trône au centre de la chapelle. Cette fois encore, l’évêque référendaire se montre pédagogue. «Cela ressemble à une table mais c’est beaucoup plus qu’une table. L’autel ne sert que pour célébrer la messe, on ne dépose pas son verre dessus! Au début d’une messe, les prêtres l’embrassent car il représente le Christ au milieu de son peuple.» Avec le saint chrême, Mgr Kockerols consacre l’autel. Il y a de l’encens («la bonne odeur de notre prière qui monte vers le ciel»). Un détenu vient aider à poser une nappe blanche dessus («la couleur des baptisés»).

Et l’hôte du jour prie une fois encore: «Répands ta bonté sur cet autel, pour qu’elle soit une table de fête, autour de laquelle on vient te confier nos joies et nos difficultés, trouver le courage de repartir, un lieu de paix et la source de notre unité.»  

Agnès MICHEL

Un autel «de récup»

C’est l’association l’Étape atelier, dont les locaux ne se trouvent pas très loin de la prison de Tournai, qui a confectionné le nouvel autel de la chapelle.

Il est magnifique, en bois clair massif, soigneusement poli, les angles parfaitement assemblés. Il est arrivé à la prison de Tournai quelques jours avant cette célébration pascale, juste à temps. Petit clin d’œil de la vie, du destin, le bois de coffrage avec lequel il a été fabriqué a été récupéré… dans un poste de police! «Cette idée de bois de récup, c’est un symbole», explique Amélie. «Cela veut dire qu’on peut rebondir, être ‘récupéré’, tout ne s’arrête pas à la prison. Et puis nous voulions aussi travailler localement.»

Ce sont donc des stagiaires de l’association de réinsertion qui ont travaillé sur ce mobilier liturgique destiné à la chapelle pénitentiaire. Très lourd, il a fallu quatre personnes pour le porter jusque-là!

Outre le bois de récupération, l’autel est également orné d’une «pierre d’autel» provenant des caves de l’évêché de Tournai. Une première pierre avait d’abord été fournie mais avait malheureusement été cassée lors de son insertion dans le bois de l’autel. La seconde, qui contient une relique de martyr, a elle trouvé sa place sans dommages. L’autel servira désormais chaque lundi pour la célébration hebdomadaire de la prison tournaisienne.  

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