Le patrimoine funéraire du Hainaut

À la découverte du patrimoine funéraire du Hainaut

Rares sont les églises de nos régions qui n’abritent pas de monuments ou de dalles funéraires. Et pourtant, cette catégorie de patrimoine religieux est souvent oubliée ou peu valorisée. Afin de lui redonner l’attention qu’elle mérite, cet article vous propose de partir à la découverte du patrimoine funéraire hennuyer et de toute sa richesse, avec un focus sur l’époque moderne.

Élise Philippe
Doctorante en histoire de l’art (FNRS/UCLouvain)

Au fil des siècles, la sculpture funéraire s’est implantée dans les cimetières mais aussi dans les églises, conservant la mémoire des personnages marquants de notre histoire locale. Les monuments funéraires représentent également des jalons intéressants en matière d’étude de la sculpture, et permettent de (re)découvrir tant des artistes, que des techniques anciennes ou des matériaux. Ils permettent également d’appréhender le rapport à la mort de nos ancêtres et son évolution, grâce à des éléments à la symbolique forte. À la croisée de l’histoire, de la culture et de la foi, la sculpture funéraire a de multiples facettes qui n’attendent que d’être explorées.

Une typologie hennuyère : les taulets

Parmi les églises hennuyères, nombreuses sont les églises qui accueillent un ou plusieurs taulets, une typologie funéraire à laquelle appartient par exemple le monument funéraire de

Monument funéraire de Jean Dubos (†1438) et Catherine Bernard (†1463), cathédrale Notre-Dame, Tournai. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, a043979

Jean Dubos (†1438) et Catherine Bernard (†1463), conservé en la cathédrale de Tournai. Sculptée en pierre de Tournai, la composition est organisée en deux registres : l’inscription funéraire, et une représentation mettant en scène plusieurs personnages. Au centre se trouve une Vierge à l’Enfant, assise devant un drap d’honneur tenu par deux anges et sur lequel se déploient deux phylactères. De part et d’autre sont agenouillés les deux défunts, présentés chacun par leur saint patron, saint Jean-Baptiste (reconnaissable à l’agneau qu’il porte dans ses bras) et sainte Catherine d’Alexandrie (qui porte une roue, instrument de son martyre, et une palme). Derrière Catherine Bernard est représentée la fille du couple. Ce relief funéraire fait partie d’un groupe de huit qui ont été mis au jour en 1825 sur le site du couvent des Frères mineurs (et qui ont ensuite été déplacés à la cathédrale Notre-Dame).

Ce très bel exemple de sculpture tournaisienne du XVe siècle correspond en réalité à un type de monument funéraire très répandu dans le Hainaut à cette époque, qu’on appelle parfois « taulet ». Les premiers exemples connus apparaissent à Tournai dans les années 1370, et c’est là également qu’on en conserve le plus grand nombre (38 selon D. Brine, 2018). On en retrouve dans plusieurs autres villes du Hainaut, dont Mons, bien qu’ils se diffusent également plus largement, en particulier dans le nord de la France et dans les anciens Pays-Bas. Il s’agit très probablement d’une série de productions locales hennuyères, avec plusieurs ateliers exploitant la pierre de la région (il y avait entre autres une exploitation marbrière à Tournai à cette époque, de même que dans la région de Feluy-Écaussinnes).

Il est plutôt facile de reconnaitre ce type de monument funéraire, car les exemples conservés reposent sur des schémas de composition assez stables, et partagent souvent les mêmes caractéristiques formelles. Ils sont (ou étaient) insérés dans un mur ou un pilier et ont un format horizontal d’environ 80 sur 85 centimètres. Ils sont sculptés en pierre selon trois techniques principales : en relief, en taille d’épargne ou gravé en creux. Au centre de la composition se trouve presque toujours un personnage religieux (très souvent une Vierge à l’Enfant comme le taulet tournaisien, ou encore Dieu le Père ou le Christ en croix). De part et d’autre se trouvent les défunts agenouillés en prière et bien souvent introduits par leur saint patron ou leur sainte patronne. Les femmes sont toujours placées à droite, et les hommes à gauche (la place de choix, puisqu’à droite du personnage sacré). Il peut s’agir d’un couple, avec ou sans enfants, de membres de la même famille, ou d’une personne seule. Et en dessous de la scène sculptée se trouve une inscription funéraire, qui permet d’identifier les personnages représentés, de donner leur date de décès, et d’appeler aux prières pour leur âme. Les fondations de messes pour le salut des âmes des commanditaires peuvent également être citées, comme pour le relief de Jean Dubos et Catherine Bernard. Bien que de nombreuses appellations existent, on désigne parfois ces monuments funéraires sous le terme de « taulet », pour sa proximité lexicale avec le mot « tableau ». Et ils se présentent justement sous la forme de véritables tableaux de pierre, et ressemblent finalement à de nombreuses peintures datant de la même époque.

Monument funéraire de Nicaise de Grautwaut, Marguerite Gobierde, Jean de Grautwaut et Isabielle Le Mairesse, après 1423, église Saint-Christophe, Celles. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, a019523

Monument funéraire de Williames de Brouxelles, c. 1430, collégiale Sainte-Waudru, Mons. ©Elise Philippe

Lorsqu’on observe actuellement un de ces reliefs dans les églises, plusieurs éléments nous manquent par rapport à leur état d’origine. D’abord, ils étaient souvent placés à proximité de la sépulture des défunts, marquée probablement par une dalle. Comme ils ont été bien souvent déplacés au fil des siècles, la connexion entre les deux monuments funéraires a été perdue. De plus, les taulets, qui se présentent actuellement en pierre nue, étaient en réalité peints de couleurs vives, ce qui renforce encore leur analogie avec des tableaux. Si l’on observe attentivement, plusieurs exemplaires portent encore quelques traces de polychromie, ou de la couche de préparation.

Ces monuments funéraires répondaient à deux fonctions principales : conserver la mémoire des défunts au sein de la communauté des vivants, et d’assurer le salut de leur âme, ce qui se faisait principalement grâce à la demande de prières présente à la fin des épitaphes (« Priez pour leur âme »). Cela explique pourquoi les défunts choisissaient de dédoubler leur monument funéraire, et d’en avoir un peint de couleurs vives : un taulet polychrome placé à la hauteur d’œil avait bien plus de chances d’attirer les regards qu’une dalle insérée dans le sol, et garantissait donc la lecture de l’inscription funéraire.

Bibliographie :

Bavay (dir.), La collégiale Sainte-Waudru : rêve des chanoinesses de Mons, Bruxelles/Mons, Racine/ Académie Sainte-Waudru, 2008.

Brine, Pious memories. The Wall-Mounted Memorial in the Burgundian Netherlands, Leiden/ Boston, Brill, 2015.

brine., «Les reliefs votifs, un ensemble exceptionnel», dans L. Nys et L.-D. Casterman (eds.) La sculpture gothique à Tournai. Splendeur, ruine, vestiges, Bruxelles, Fonds Mercator, 2018, p. 183-212.

Delferière, «Monuments funéraires du XVe siècle conservés à Soignies», Revue Belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, 5, 1935, p. 141-167.

Nys, Les tableaux votifs tournaisiens en pierre 1350-1475, Bruxelles, Académie royale des Beaux-Arts, 2001.

Tondreau, «Les bas-reliefs funéraires du XVe siècle conservés dans l’arrondissement de Mons», Annales du Cercle Archéologique de Mons, 66, 1965-1967, p. 1-78.

Valentino, Les taulets des XIVe et XVe siècles conservés en Province du Hainaut : recherches quantitatives, iconographiques, stylistiques et attributions, Bruxelles, 2003 (mémoire de master non-publié, ULB).

Boussu, Howardries et Brugelette : trois ensembles funéraires seigneuriaux exceptionnels

Envisagés individuellement, les monuments funéraires ont pour fonction de commémorer la mémoire d’individus défunts, en particulier par le biais de leur nom, leur date de décès, quelques informations biographiques, leurs armoiries, et éventuellement une effigie ou un portrait. Mais certains monuments funéraires doivent s’envisager également comme des groupes, car ils s’inscrivent dans un contexte plus large, et célèbrent une mémoire collective, en plus de celle de particuliers. C’est le cas notamment des mémoriaux de certaines familles nobles. Et quoi de mieux que le Hainaut pour aborder cette thématique, puisque la province hennuyère, « terre de noblesse par excellence » (Fourez et Dubuisson, 1995), est le berceau d’origine de nombreuses familles nobles d’ancien régime.

L’église Saint-Géry de Boussu

Monument funéraire de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551), église Saint-Géry, Boussu. ©E. Philippe

Le cas de Boussu est assez unique, car une chapelle funéraire privée jouxte l’église Saint-Géry. Dédiée à la commémoration des seigneurs locaux, la famille de Hennin-Liétard, elle abrite quatre monuments funéraires, dont un taulet, celui de Thierry de Hénin (†1430). Le mur du fond, juste en face de l’autel, accueille le mausolée de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551), attribué à Jacques Du Brœucq (et Luc Petit). En plus de ses dimensions monumentales et de la richesse de ses matériaux (marbre et albâtre), il accueille aussi plusieurs statues en ronde-bosse, dont un gisant, et le couple représenté en prière devant un Christ en croix, accompagnés de leurs enfants, ce qui est une transposition en trois dimensions et à taille humaine des scènes sculptées sur les taulets.

La chapelle abrite également le monument funéraire de Maximilien de Hennin-Liétard (†1578), de sa femme Charlotte de Werchin (†1571), de leur fils Pierre (†1598) et de leur bru Marguerite de Croÿ (†1614). Ils sont tous les quatre représentés en prière devant une statue du Christ ressuscité, et au centre se trouve une représentation de la Vierge à l’Enfant.

Monument funéraire de Maximilien de Hennin-Liétard (†1578), Charlotte de Werchin (†1571), Pierre de Hennin-Liétard (†1598) et Marguerite de Croÿ (†1614), église Saint-Géry, Boussu. ©E. Philippe

Un dernier mausolée se dresse dans la chapelle, et remplit en même temps la fonction d’autel. Il est dédié à la mémoire de Maximilien II de Hennin-Liétard (†1625) et Alexandrine-Françoise de Gavre (†1650). Et une fois encore, les défunts sont représentés en prière devant une représentation de la Vierge à l’Enfant.

Monument funéraire de Maximilien II de Hennin-Liétard (†1625) et Alexandrine-Françoise de Gavre (†1650), église Saint-Géry, Boussu. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, x087950

Enfin, bien qu’elle ne puisse plus être connectée à un monument funéraire, une dernière sculpture de la chapelle mérite d’être mentionnée. Il s’agit de « l’homme à moulons », daté du premier quart du XVIe siècle en pierre d’Avesnes. Il s’agit d’un transi, c’est-à-dire une représentation d’un corps mort entre l’état de décomposition et celui de squelette, en vogue en Europe entre le XVe et le XVIe siècle.

L’homme à moulons (détail), premier quart du XVIe siècle, église Saint-Géry, Boussu. ©E. Philippe

L’église Sainte-Marie-Madeleine d’Howardries

Monument funéraire de Guillebert du Chastel (†1570), église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, x020489

L’église d’Howardries présente plus ou moins une configuration similaire : un regroupement de monuments funéraires d’une même famille au sein d’un même lieu. Mais cette fois, il ne s’agit pas d’une chapelle privée mais de l’église paroissiale. Les monuments funéraires sont donc publics, et montrent à tous les paroissiens la puissance et la richesse de la famille du Chastel. L’église accueille plus d’une dizaine de monuments funéraires, c’est pourquoi seulement quatre d’entre eux seront présentés. Le premier est de dimensions modestes par rapport à ce qui a été décrit précédemment. Il a été érigé à la mémoire de Guillebert du Chastel (†1570), qui représenté cette fois tourné directement vers le spectateur, et plus agenouillé vers une image de dévotion comme sur tous les exemples vus précédemment. Il se trouve sous un portique de style classique, représenté en perspective, dans une scène de style Renaissance. Il s’agit d’un des rares monuments funéraires d’enfant/adolescent qui a été conservé.

De l’autre côté du transept, la taille du mausolée de Nicolas du Chastel et de ses deux épouses, Barbe d’Oignies et Antoinette d’Avroult, est bien plus imposante. On sait qu’il a été réalisé en 1592, car, fait rare, la date d’achèvement est inscrite sur le monument, en complément des dates de décès des défunts. Le mausolée a comme particularité d’abriter un très grand nombre de quartiers d’armoiries.

Monument funéraire de Nicolas du Chastel, Barbe d’Oignies et Antoinette d’Avroult, 1592, église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, x020463

Enfin, mentionnons encore les deux monuments funéraires dédiés à la mémoire de François (†1622) et Nicolas (†1631) du Chastel. Répondant exactement à la même composition, ils fonctionnent comme une paire, et se font face de part et d’autre du maitre-autel. Les deux frères sont représentés allongés sur une natte de paille, la tête reposant sur leur bras accoudé.

Ci-dessus : Monuments funéraires de Nicolas (†1631) (à gauche) et François du Chastel (†1622) (à droite) (détail des effigies), église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. CC-BY, KIK-IRPA, Bruxelles, x020480 et x020478

Que ce soit à Boussu ou Howardries, tous ces exemples de monuments funéraires ont ainsi une dimension politique et propagandiste, car ils insistent sur la puissance et la richesse des seigneurs du lieu, à travers une série d’éléments. On peut citer parmi ceux-ci leurs dimensions imposantes, la richesse des matériaux employés, leurs couleurs vives, mais encore les armoiries et quartiers de noblesse (présents parfois en très grand nombre), la représentation et les vêtements des effigies (armure, heaume, cotte, ceinture et tabard pour les hommes ; robes brodées, hermine, bijoux et coiffures sophistiquées pour les femmes). Plusieurs membres de la famille de Hennin-Liétard portent également le collier de la Toison d’Or. La place d’inhumation des défunts n’est pas non plus anodine : seuls les membres fortunés des communautés peuvent être enterrés dans les églises, et le chœur en particulier est réservé aux seigneurs, évêques et curés du lieu.

Ci-dessous : Monument funéraire de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551) (détails des priants), église Saint-Géry, Boussu. ©E. Philippe

En rassemblant également les monuments funéraires de plusieurs générations au même endroit, l’accent est également mis sur la continuité et l’unité entre les générations, ce qui est primordial pour les nobles lignages.

L’église Sainte-Vierge de Brugelette

Cet aspect est encore plus évident dans le cas de l’église de Brugelette. Elle accueille quatre monuments funéraires de la famille de Jauche, dont trois qui répondent à une composition identique (peut-être due au même atelier) bien que commémorant trois générations différentes. Il s’agit des monuments funéraires de Jacques de Jauche (†1499) et Philippote de Lannoy (†1500), d’Antoine de Jauche (†1533) et Josine de Flandre (†1535), et de Jean de Jauche (†1540) et Honorine de Melun (†1590). Chaque couple est à chaque fois représenté en buste, les mains jointes en prière. Il s’agit de représentations tout à fait inhabituelles et rares pour l’art funéraires du XVIe siècle dans nos régions.

Une hypothèse propose que les monuments de Jacques et Antoine auraient été commandés en même temps, par Antoine, qui aurait voulu prendre soin de sa mémoire et de celle de son père (Suykerbuyk, à paraitre). Ces deux monuments sont d’ailleurs les plus proches en termes de composition. Celui de Jean a ensuite été commandé dans un second temps. Mais tous les trois se conforment volontairement au même modèle, contrairement à ce qui a été fait à Boussu et Howardries. En plus d’insister sur la richesse et la puissance de seigneurs locaux, cela met en outre l’accent sur la continuité entre les générations et leur appartenance à une seule et même famille.

Monuments funéraires de Jacques de Jauche et Philippote de Lannoy (gauche) (c. 1527), Antoine de Jauche et Josine de Flandre (centre) (c. 1527, et de Jean de Jauche et Honorine de Melun (droite) (c. 1540), église Notre-Dame, Brugelette. CC-BY, KIK-IPRA, Bruxelles, x150279, x150288 et x150300

Bibliographie :

Bass, «The Transi Tomb and the “Genius” of Sixteenth-Century Netherlandish Funerary Sculpture», Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek, 67, 2017, p. 161‑87.

Capouillez, La chapelle funéraire des seigneurs de Boussu, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2006 (Carnets du Patrimoine, 43).

Fourez et P. Dubuisson, «Deux chapelles uniques en Hainaut. Les chapelles funéraires de Howardries et Boussu», Revue belge d’archéologie et d’histoire de l’art, XXIV, 1995, p. 165‑217.

Suykerbuyk, «Noble Expectations of Memorial Sculpture: commissioning the Jauche Monuments in Brugelette», dans J. Beckers et H. De Moor (eds.), Taking Shape: Sculpture of the Low Countries, 1400-1600, Turnhout, Brepols, à paraître.

Des vêtements liturgiques funéraires exceptionnels à Mons

Outre la sculpture, de nombreuses autres typologies funéraires sont trop souvent oubliées, comme les textiles. De nombreux ensembles de vêtements liturgiques de funérailles anciens sont encore conservés dans les sacristies mais ils sont particulièrement menacés. En effet, depuis Vatican II, c’est la couleur violette qui est privilégiée lors des funérailles et tous les vêtements de couleur noire sont depuis lors inutilisés et souvent oubliés dans les armoires
des sacristies.

Danse macabre : détail de la chape, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice.

Parmi ces vêtements de funérailles, un bel ensemble en velours est conservé
à Mons dans l’église Saint-Nicolas-en-Havré. Il se compose d’une chasuble, de deux dalmatiques et d’une chape, et daterait de la fin du XVIe – début XVIIe siècle. Il a été restauré par le CRECIT (Tournai) en 2022.

Le motif principal de cet ensemble de vêtements est une représentation
de danse macabre. Il s’agit d’un thème iconographique né à la fin du Moyen Âge et qui représente la Mort sous la forme d’un squelette qui entraîne dans une danse plusieurs personnages appartenant à des catégories « socio-professionnelles » différentes. Le message est simple : la mort ne fait pas de distinction entre les vivants. Peu importe que l’on soit riche ou puissant, les hommes et les femmes sont tous égaux devant la mort.

Sur la chasuble, on voit ainsi la Mort danser avec des religieux (pape, cardinal, évêque et abbé). Au dos, à la place principale, se trouve une représentation du Jugement dernier. Le Christ en gloire se tient au centre, les pieds sur un globe. Il porte les stigmates de sa Passion, indiquant qu’il a triomphé de la mort. De part et d’autre se trouvent la Vierge et saint Jean, tandis que des morts sortent de leur tombe.

Les représentations de la chape résonnent avec celles de la chasuble. On y voit d’autres représentations de danse macabre, mais la Mort entraîne cette fois des laïcs dans sa danse (empereur, duc, comte, roi, chevalier et noble). Sur le chaperon, on peut observer une représentation de la résurrection de Lazare.

Les dalmatiques sont plus sobres et ne présentent pas de scènes historiées. Les orfrois accueillent plusieurs évocations symboliques de la mort (crânes et ossements croisés), en lien avec la fonction de l’ensemble liturgique.

Ensemble liturgique de funérailles : dalmatique, chasuble (face et dos) et chape, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice. Les photos ont été prises juste avant la restauration des vêtements au CRECIT (Tournai) en février 2022.

Ces représentations de la mort peuvent sembler incongrues, voire macabres, pour notre époque. Elles étaient pourtant omniprésentes dans la culture visuelle du Moyen Âge et de l’époque moderne, et ce même dans les églises. Et surtout à partir du XVIIe siècle, ces représentations de la mort se multiplient également sur les monuments funéraires, sous la forme de crânes, d’ossements ou de squelettes, ou par des représentations symboliques comme des sabliers. Ces représentations n’insistent pas que sur la mort, mais sont également imprégnées d’un message d’espoir, celui de la vie après la mort. Ce message est très visible pour cet ensemble montois. La résurrection de Lazare est ainsi un épisode qui préfigure la résurrection des fidèles. Et le Jugement dernier, avec les défunts qui sortent de la tombe, met en scène directement la résurrection des Justes, qui est placée en lien avec la Passion du Christ (par le biais de la représentation de ses stigmates) et donc le rachat des péchés.

Détail d’une chasuble, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice.

Bibliographie :

I. LÜDERS, Der Tod auf Samt und Seide: Todesdarstellungen auf liturgischen Textilien des 16. bis 19. Jahrhunderts im deutschsprachigen Raum, Kassel, Arbeitsgemeinschaft Friedhof und Denkmal, 2009, p. 131-135.

Appel à collaboration

Un monument funéraire du XVIIe et du début du XVIIIe se trouve dans votre église paroissiale, et mériterait d’être étudié ? Nhésitez pas à me contacter à l’adresse mail suivante : elise.philippe@uclouvain.be. Dans le cadre de ma thèse de doctorat, je suis particulièrement à la recherche d’églises abritant des ensembles de monuments funéraires, ou des chapelles funéraires et des autels funéraires, mais aussi à la recherche d’églises conservant encore des documents d’archives d’Ancien régime en rapport avec le funéraire (obituaires, relevés de pierres tombales, fondations de messes commémoratives, etc.). Merci d’avance pour votre aide !

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