Des diacres, pour quoi ?
Quelle est la signification du ministère des diacres ? Quel est leur rôle au sein d’une Eglise où tous les baptisés sont appelés à être partenaires de la mission ?
Au service du Christ Serviteur
Le diaconat ne se comprend bien qu’à la lumière de la diaconie de Jésus « venu pour servir et non pour être servi » (Mc 10,45). Le ministère diaconal renvoie à l’attitude et aux priorités de Jésus qui a rejoint l’humanité en se faisant serviteur de tous, en particulier des exclus de la société : les petits, les malades, les pauvres, les pécheurs.
Le ministère diaconal a mission de rappeler ce déroutant chemin du dépouillement et du don de soi que Jésus a choisi pour faire venir le Royaume et donner au monde le salut. Les diacres sont appelés à être signes du Christ toujours à l’œuvre et qui ne cesse de dire : « Je suis parmi vous comme celui qui sert » (Lc 22,27). Dans la diversité de leurs engagements, les diacres sont indissociablement serviteurs du Christ et témoins du Christ serviteur. Les diacres sont ministres de la charité de Dieu, telle qu’elle s’est révélée en Jésus ; il leur revient de porter le signe de l’amour du Christ qui a aimé jusqu’au bout.
Des diacres pour une Église servante
L’Eglise n’existe que pour servir. Hors du chemin de la solidarité et de l’attention aux pauvres et aux petits, l’Eglise ne serait plus l’Eglise de Jésus-Christ. Les diacres sont là pour rappeler que l’Eglise n’accomplira sa mission reçue du Christ que si elle se fait servante. En rétablissant le diaconat à la suite de la décision du Concile Vatican II, le pape Paul VI écrivait : « Le diaconat est l’animateur du service et de la diaconie de l’Eglise » (Lettre apostolique Ad pascendum).
Dans l’Eglise, tous les baptisés sont appelés à s’engager sur le chemin du service et quelques-uns, les diacres, sont en responsabilité pour que cette dimension essentielle soit assumée et vécue par tous. Le service n’est pas l’exclusivité des diacres, c’est la mission de toute l’Eglise. Aux diacres, il revient d’éveiller l’ensemble des chrétiens à cette dimension constitutive de la mission de l’Eglise qu’est la diaconie. Le diaconat rend compte de cette mission commune et il la stimule : il est un vivant appel pour que l’Eglise tout entière reste en tenue de service. A tous les baptisés, et parmi eux aussi aux autres ministres ordonnés, le diaconat rappelle que l’Eglise est conviée à se construire autour de la Bonne Nouvelle portée aux pauvres.
Un ministère de vigilance et de solidarité
La tradition n’a jamais défini le diaconat comme une présidence de la vie ecclésiale ; cette tâche est d’abord celle des évêques et des prêtres. Le Concile Vatican II dit que les diacres reçoivent l’imposition des mains « non en vue du sacerdoce mais en vue du service » (Lumen gentium, 29). La mission que l’Eglise confie aux diacres est présentée comme un ministère du seuil et non du centre. Leur ordination les investit dans une charge de vigilance pour aller au devant de ceux qui sont à la porte de l’Eglise ou loin d’elle et pour témoigner de la sollicitude de l’Eglise envers toutes les formes de pauvreté qui marquent la société (pauvreté économique, morale, relationnelle, spirituelle…). Le diaconat apparaît ainsi comme un ministère de proximité et de solidarité. Il trouve bien sa place dans la dynamique de cheminement et d’évangélisation qui anime la mission ecclésiale aujourd’hui.
Porter le signe du service dans tout ce qui fait la mission de l’Eglise
Le diaconat ne concerne pas le seul secteur de la diaconie. Les diacres ont mission de veiller à ce que les trois grandes dimensions de l’Eglise (Annonce de la Parole / Célébration / Charité) s’interpénètrent et soient vécus comme un service. Le Concile Vatican II note que « les diacres sont ordonnés pour servir le Peuple de Dieu dans la diaconie de la Parole, de la Liturgie et de la Charité » (Lumen gentium, 29).
Ces trois fonctions ne sont pas trois domaines réservés aux diacres : le Concile souligne bien que c’est la mission de tout le peuple de Dieu (mission prophétique, sacerdotale et royale) et que c’est aussi la mission des évêques, des prêtres et des diacres. Quelle est alors la spécificité des diacres ? Il leur revient de manifester que ces trois fonctions ecclésiales se tiennent entre elles et se vivent sous le signe du service. Par leur ministère, les diacres signifient que Parole, Liturgie et Charité s’articulent sous le signe commun du service afin que l’Eglise soit en tout, à la suite du Christ, servante de l’humanité.
C’est ainsi, par exemple, que le rôle des diacres dans la célébration de l’Eucharistie doit contribuer à souligner qu’on ne peut séparer le sacrement de l’autel du sacrement du frère. L’Eglise doit se garder d’oublier que le jour où Jésus a institué l’Eucharistie, il a lavé les pieds de ses apôtres. Les diacres sont appelés à manifester le lien nécessaire qui relie le culte et l’amour fraternel, le pain de l’eucharistie et le pain quotidien dont l’humanité a besoin pour vivre. Ce lien entre le culte et la vie est manifesté de manière particulière par le service du diacre. C’est lui qui prépare le pain et le vin sur l’autel ; et dans la tradition, ces offrandes étaient prises parmi les dons faits pour les pauvres. C’est aussi au diacre qu’il revient d’envoyer ses frères et sœurs : « Allez dans la paix du Christ ». Cet envoi est un appel afin que ceux et celles qui ont pris part à l’Eucharistie deviennent dans la vie de tous les jours des hommes et des femmes de communion.
Un ministère ordonné à la vie de l’Eglise
Le diaconat relève du sacrement de l’Ordre. Le ministère diaconal s’articule au ministère pastoral des évêques et des prêtres pour porter la charge apostolique de l’Eglise. Selon des formes diverses et coordonnées, les évêques, les prêtres et les diacres représentent le Christ Pasteur et Serviteur qui continue de rassembler et d’animer son Eglise.
Le rite central de l’ordination est l’imposition des mains accompagnée d’une prière à l’Esprit Saint. Ce rite est riche de sens. Le diaconat n’est pas conféré par une délégation de l’assemblée, il ne se fonde pas non plus sur la seule générosité du candidat ; il est fondamentalement un don de l’Esprit ordonné à la construction de l’Eglise comme signe vivant du Royaume au cœur de ce monde. Le ministère des diacres est donc d’abord une grâce pour la vie et la mission de l’Eglise avant même de l’être pour telle ou telle personne en particulier qui a reçu l’ordination.
Le diaconat a sa place dans une Eglise aux ministères variés, à côté du ministère pastoral des prêtres et des différents ministères et services pris en charge par des laïcs. Le diaconat a une signification propre qu’il convient de sauvegarder à tout prix. Ni super-laïcs, ni mini-prêtres, les diacres sont des entraîneurs dans une Eglise qui veut donner corps et visage à l’option préférentielle de Dieu pour les pauvres et les petits. Faire glisser le diaconat vers un ministère pastoral risquerait de lui enlever sa spécificité et d’envisager surtout le diaconat pour faire face à la diminution du nombre de prêtres. L’avenir du diaconat reste dans la complémentarité, non dans la suppléance.
André Minet