Jean-Baptiste Hategekimana: «Le chemin de l’exil et de l’hospitalité»

Né au Rwanda voici 55 ans, Jean-Baptiste Hategekimana est ordonné diacre en 2017 à Jemappes. Il est au service de l’unité pastorale Cuesmes-Flénu-Jemappes (doyenné de Mons) avec une attention particulière aux familles issues de l’immigration.

Diacre Jean baptiste en famille« Quand un migrant arrive en Belgique, c’est souvent après plusieurs années d’itinérance accompagnées de nombreuses souffrances et vexations. On ne quitte jamais son pays de gaieté de cœur. Ce fut d’ailleurs mon expérience personnelle pour enfin arriver ici avec mon épouse. Dans notre vie d’immigrés, en effet, nous avons vécu beaucoup plus de moments de douleurs que de joie. Des moments de douleurs liés à la nostalgie de notre pays que nous avons quitté pendant la guerre pour des raisons politiques – qui sont d’ailleurs loin d’être résolues – et à l’acceptation très difficile dans ce pays d’accueil. Des joies apportées par des gens bienveillants qui ne manquent pas heureusement.

Après les tracas administratifs d’obtention du permis de séjour, ce fut le tour des difficultés de trouver un logement, ce besoin de base pour tout être humain. C’était la période d’hiver et le gouvernement se disait confronté aux problèmes de logement des sans-abris et des immigrés. Partout où nous trouvions l’affiche ‘à louer’, nous téléphonions. Souvent, au bout du fil, on nous répondait gentiment que l’appartement était disponible et nous demandions un rendez-vous de visite. A trois reprises, un appartement nous a été refusé au moment de la visite en remarquant que nous étions de peau noire. On nous disait : ‘Désolé Madame, Monsieur, l’appartement a été loué ce matin ou hier’. Il y a même ceux qui nous laissaient croire que nous pouvions l’avoir et continuaient à nous poser des questions : ‘Avez-vous un emploi ?’, ‘Etes-vous mariés ?’, ‘Combien avez-vous d’enfants ?’, ‘Vous ne faites pas les fêtes les weekends ?’, ‘Savez-vous que l’eau coûte ?’, et beaucoup d’autres questions. Et pour finir, ‘J’attends d’autres visiteurs qui viendront demain, je vous téléphonerai’. »

Comment remercier le Seigneur ?

« C’est dans cette situation de frustration que nous avons ressenti le poids de l’exclusion dans notre société. Heureusement qu’il y a des femmes et des hommes que j’appelle les bons Samaritains ! Nous avons parlé de notre ras-le-bol à une famille de la paroisse de Jemappes, rencontrée à l’église Sainte-Elisabeth de Mons. Ces personnes ont manifesté de l’empathie et se sont chargées de nous trouver un logement.

Sans tarder, nous sommes arrivés à Jemappes où nous avons été bien accueillis par la communauté paroissiale. Une présence qui s’est déployée dans la durée du quotidien. Mon épouse et moi avons cherché comment remercier le Seigneur de tout ce que nous avons reçu et continuons à recevoir. C’est ainsi que j’ai entamé un cheminement vers le diaconat, afin de rendre grâce à Dieu en me mettant au service de la communauté fraternelle. »

Chaque migrant est un frère

« Aujourd’hui en tant que diacre, il me tient à cœur de rappeler à chacun sa mission d’accueil : chaque migrant est un frère ou une sœur en Jésus-Christ. Mieux encore, en chaque migrant, c’est Jésus lui-même qui vient à notre rencontre. Comme la Samaritaine a laissé Jésus, ce migrant juif en terre de Samarie, bouleverser sa vie, osons à notre tour ouvrir notre cœur au Christ qui vient comme un migrant. Suivons l’exemple de l’hospitalité d’Abraham (Gn 18,1-11).

Par ce témoignage, je remercie tous ceux qui se sont dépensés pour que ma famille puisse avoir un toit. Mes remerciements s’adressent également à tous ceux et celles qui ouvrent les portes de leurs cœurs et de leurs maisons aux immigrés. A tous ceux et à toutes celles qui ont malheureusement tendance à l’exclusion, je ne leur demanderais que deux choses : luttons tous ensemble contre les causes profondes de l’immigration car personne n’aime quitter sa terre natale et voyons plutôt dans le migrant et dans le réfugié non pas seulement un problème à affronter, mais un frère et une sœur à accueillir, à respecter et à aimer, une occasion que la Providence nous offre pour contribuer à la construction d’une société plus juste, comme le dit le pape François. »

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