Fleurus : une journée avec et autour des migrants

Pour la 107e Journée Mondiale du Migrant et du réfugié, la Maison africaine de Fleurus était le lieu idéal pour célébrer, témoigner, sensibiliser et faire la fête. Un beau moment de rencontres et de découvertes sur le thème choisi par le pape François pour cette année 2021 : « Vers un ‘Nous’ toujours plus grand ».

JMMR Fleurus 2021 blaise

Blaise avait 17 ans quand il a quitté le Cameroun en 2008, avec ses vêtements et son sac d’écolier, l’équivalent de 40 € en poche. Parti à cause de la répression massive de manifestations pour plus de libertés et moins de pauvreté. Il n’a dit au revoir à personne. « L’objectif, c’était d’atteindre un pays avec une certaine liberté, la possibilité de s’exprimer. » Nigeria, Niger, Algérie. Contrôles, expulsions vers le Mali, à cinq reprises. Alors il faut choisir une autre route, 12 jours de marche dans le désert, la Libye. Des petits boulots, pour pouvoir continuer. La guerre, la fuite par la Méditerranée. Sur un bateau prévu pour une traversée d’une journée, qui tombe en panne d’essence après trois jours, sans réel pilote à la barre. La dérive jusqu’aux côtes maltaises… 18 mois de prison… et enfin une porte qui s’ouvre, un projet de réinstallation en Belgique. Blaise a repris des études, des formations. Aujourd’hui, il a une compagne et un jeune enfant.

JMMR Fleurus 2021 albertine

Le parcours d’Albertine a été moins long. Arrivée en 2003 de Côte d’Ivoire, en avion. En Belgique, elle ne connaît personne, introduit une demande d’asile. Malgré son master en communication, pas simple de trouver un travail. Elle refait un graduat en marketing, obtient aussi l’équivalence de son diplôme parce qu’elle a refusé de baisser les bras. « Je me suis dit que dans le privé, ma couleur de peau serait un obstacle, alors je me suis tournée vers le public. » Elle réussit les examens du Selor, le bureau de sélection de l’administration fédérale. Albertine est maintenant inspectrice pour le compte de l’Aviq, l’agence pour une vie de qualité.

A la recherche du bonheur

Ces deux histoires fortes, partagées au terme de la célébration avec l’assemblée dans l’église Saint-Joseph à Fleurus, se sont bien terminées. Ce n’est pas toujours le cas, le trajet est périlleux, parsemé d’embûches, et arriver en Europe signifie rarement la fin des difficultés. « Il faut humaniser la crise migratoire, sortir des termes techniques mais revenir à l’humain, déconstruire les préjugés », a lancé Marcelle Kom pour le Collectif Carolo des Africains pour la Diversité. Et batailler les idées fausses qui circulent souvent en matière de migration : « En 2020, il y avait 281 millions de migrants dans le monde », explique Raoul, étudiant camerounais à l’UCL et à l’UMons. « Malgré le pompage médiatique, la migration de l’Afrique vers l’Europe ne représente que 2% de ces migrants. »

Les causes de la migration – qu’elle soit choisie ou contrainte – sont multiples : pauvreté, conflits familiaux, guerres, manque de perspectives, violences et trafics, raisons politiques ou religieuses. Mais elles ont en commun une envie légitime d’accéder au bonheur, à une vie meilleure. « Je regrette que l’accueil de nos frères humains se fasse sous conditions », constate le bourgmestre de Fleurus, Loïc d’Haeyer, surpris et heureux d’avoir été invité à prendre part à cette journée. « Parfois il est impossible de trouver le bonheur près de chez soi. » A Fleurus, un projet d’accueil des mineurs non accompagnés tend la main à ces ados seuls, loin de chez eux, venus à pied, en bus, en bateau. « On leur donne un toit et une éducation, mais ce n’est pas juste de l’accueil, c’est un accompagnement vers le bonheur. »

Une Eglise accueillante

La problématique de la migration et de l’intégration des réfugiés n’est pas neuve, puisque c’est depuis 1914 déjà que l’Eglise a instauré cette journée qui lui est dédiée. Le pape François y est particulièrement sensible, rappelant sans cesse depuis le début de son pontificat combien l’ouverture à l’autre est primordiale, pour une Eglise accueillante et riche.

JMMR Fleurus 2021 olivier

Cette richesse issue de nos diversités, elle s’est reflétée tout au long de ce dimanche, à Fleurus. Dans une célébration pleine de couleurs, de joie partagée, de chants venus d’ailleurs, de lectures en plusieurs langues. Dans des témoignages sans démarcations géographiques ou philosophiques. « L’Esprit de Dieu ne s’arrête pas aux frontières de l’Eglise », a insisté le vicaire général Olivier Fröhlich dans son homélie« Tous ceux qui s’investissent dans l’aide aux migrants, croyants ou non, institutions publiques ou monde associatif, de gauche ou de droite, doivent être encouragés. (…) Les migrants qui s’impliquent dans nos communautés nous bousculent parfois, ils nous sortent de nos ronronnements. Ils sont une richesse pour l’Eglise et pour la société. »

C’est enfin en musique et au travers de saveurs du monde que la diversité a continué à s’exprimer, dans le jardin de la Maison africaine. Partage d’idées, de rires, d’histoires, découverte de goûts venus de Pologne, d’Italie et de plusieurs régions du continent africain. Et chacun, chacune, nous pouvons prendre notre part dans le dialogue des cultures, véritable chance pour l’humanité…

Agnès MICHEL

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