Homélie de l’ouverture du synode diocésain
Cathédrale, 17 octobre 2021
Le 24 avril 2021, le pape François a approuvé le programme qui accompagne une consultation mondiale en préparation au synode d’octobre 2023 à Rome sur la synodalité : communion, participation et mission.
Le 20 mai 2021, le Cardinal Grech envoie aux évêques du monde entier les documents qui permettent d’entrer dans l’itinéraire synodal approuvé par le pape François.
Le 10 octobre 2021, le pape François ouvre le synode à la basilique Saint-Pierre.
Le 17 octobre 2021, les évêques diocésains ouvrent le synode dans leur diocèse, un synode diocésain qui va d’octobre 2021 à avril 2022.
Ces synodes diocésains feront place à des synodes par continent. Ensuite viendra le synode d’octobre 2023.
Pourquoi cette consultation mondiale ?
Depuis le début de son pontificat, François est très attentif à rejoindre l’expérience des disciples du Christ. Dans les documents récents, comme Christus vivit (2019) ou Fratelli tutti (2020)¸ le pape propose un avis, une direction personnelle qui voudrait s’inscrire dans l’expérience du peuple de Dieu tout entier. Régulièrement, le pape parle de l’expérience synodale des baptisés.
A la base de cette conviction, le pape cite le concile Vatican II à propos du sens de la foi des fidèles catholiques. De quoi s’agit-il ? C’est simple. Les baptisés qui vivent de la grâce du baptême, qui sont attentifs à la Parole de Dieu, qui veillent à mettre en œuvre ce qu’ils perçoivent du don de l’Esprit Saint dans leur cœur pour discerner ce qui est demandé par le Seigneur pour témoigner de l’Evangile, ces baptisés ne peuvent pas se tromper quand, ensemble, ils découvrent, ils discernent à travers les signes des temps ce qu’il faut faire pour annoncer le Royaume de Dieu.
Discerner « ensemble » dans l’ordre de la foi, le sens de la foi, ne peut se faire au niveau de la planète que dans une écoute mutuelle, au niveau des diocèses, au niveau des continents, au niveau de l’Eglise toute entière en communion avec le Successeur de Pierre, l’évêque de Rome.
C’est pourquoi, le pape demande cette écoute mutuelle, sous l’action de l’Esprit, dans l’accueil sincère de la Parole de Dieu. Il ne s’agit donc pas de lobbies, de groupes de pression. Ceux-ci sont légitimes dans le fonctionnement d’organismes internationaux ou nationaux pour gouverner les sociétés dans le système démocratique.
Pour le synode, il s’agit du sens de la foi, en relation avec la Parole de Dieu accueillie dans le cœur de chaque fidèle baptisé, en relation avec le don de l’Esprit qui nous permet de voir les signes des temps à la lumière de la foi, de discerner la volonté de Dieu pour l’annonce de l’Evangile, la mission. Communion des fidèles dans le don de l’Esprit Saint ; participation des fidèles comme membres du Corps du Christ ; mission de tous les fidèles envoyés jusqu’aux extrémités du monde jusqu’à la fin des temps.
Nous savons que le pape François n’est pas enfermé dans des organismes ecclésiastiques classiques pour voir les signes des temps. Le pape ne se laisse pas seulement guider par des personnes, des groupes qui ne regardent que l’Eglise, qui estiment que la référence ultime est l’Eglise, quand il s’agit d’annoncer l’Evangile. Comme il l’avait bien exprimé aux cardinaux, avant d’être élu successeur de Pierre, le cardinal Bergoglio montrait du doigt une des lacunes de certains catholiques ; l’aspect autoréférentiel des questions théologiques, pastorales, spirituelles. On ne regarde pas le réel à partir de soi ; on ne prépare pas des projets pastoraux à partir des problèmes de l’Eglise, à partir des responsables de l’Eglise.
En fait, le pape demande de regarder le réel tel qu’il est, avec ses grandeurs, ses dérives, ses fragilités, ses peurs, ses souhaits. L’humanité, sept milliards d’êtres humains, ne se résume pas au milliard 400 millions de catholiques. Il faut ouvrir les yeux sur l’humanité, comme le Christ regarde avec miséricorde les sept milliards d’êtres humains.
Le pape Jean XXIII ouvrait les fenêtres de l’Eglise pour laisser entrer l’air frais dans ses appartements poussiéreux.
Le pape François nous fait sortir de nos habitudes, de nos chemins traditionnels, pour aller à la rencontre de tous les êtres humains.
Le pape le dit et il le fait.
L’encyclique Laudato si’ (2015) a été mûrie avec le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople, un orthodoxe. L’avenir de la planète, la construction de la maison commune, le respect de l’environnement, les questions sociales dues au dérèglement climatique, ne seront pas résolues par une portion de l’humanité. C’est l’affaire de tous, y compris de tous les disciples du Christ.
L’encyclique Fratelli tutti (2020) a été mûrie avec le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb, responsable de la mosquée d’al-Ahar au Caire, un représentant éminent de la tradition musulmane. Le pape parle de la fraternité universelle, en pensant bien entendu aux migrants, aux millions de réfugiés, de demandeurs d’asile, d’exilés avec un musulman. La fraternité universelle n’est pas l’apanage de catholiques, de chrétiens, mais de tous les êtres humains, y compris les musulmans.
Sortir de ses habitudes, de ses cercles habituels pour aller à la rencontre de tous, en particulier de ceux à qui on ne demande jamais leur avis.
Pour construire la maison commune, pour vivre en frères et sœurs, nous avons à marcher ensemble, ce que signifie exactement le terme de synode : marcher ensemble sur un chemin où tout le monde se retrouve bien.
Dans le diocèse, la consultation ne vise donc pas d’abord les catholiques des Equipes d’animation pastorale, les Conseils pastoraux, les asbl paroissiales d’entraide, les groupes de catéchèse, les catéchumènes, les fiancés qui se préparent à un mariage sacramentel, les groupes de vie montante, les acolytes, les fabriques d’église, bref, les personnes éminemment insérées dans le monde catholique.
La consultation s’adresse à tous les « secteurs » de la vie sociale, dont les plus importants n’ont pas beaucoup de relations directes avec ce qu’on appelle le monde catholique.
En cette journée mondiale du refus de la misère, quelles sont les associations proches qui accompagnent les pauvres sur le chemin de la survie, de l’exclusion des circuits habituels pour réussir au plan économique ?
Dans les prisons, que pensent les détenus de la mission de l’Eglise, de l’annonce de l’Evangile, de la proximité du Christ, le pasteur plein de miséricorde ?
Dans les IPPJ, que pensent les jeunes gens, les jeunes filles de ce que représente l’Eglise ? Quels sont leurs reproches, quels sont leurs souhaits ?
Dans les maisons ouvertes aux femmes battues, aux victimes de la traite des êtres humains, aux enfants traumatisés par leur expérience familiale, quels sont leurs souhaits par rapport à ce qu’ils ont entendu de l’Evangile ?
Dans les quartiers où les migrants se sont constitués en une sorte de ghetto, pour se protéger des règles incompréhensibles de la société occidentale, quels sont les souhaits, les récriminations, les opinions sur ce qu’ils apprennent de l’Eglise ?
Dans les maisons de repos, que pensent les résidents de la manière dont l’Eglise agit ou n’agit pas à leur égard ?
Dans les écoles de l’enseignement spécialisé, que pensent les jeunes, les parents, des initiatives qui sont, ou qui ne sont pas, prises à leur égard.
Regardons le monde dans lequel nous vivons. Soyons attentifs à ce que souhaitent tant de gens à l’égard des disciples du Christ.
En conseil épiscopal, nous avons, pendant plus d’une heure, partagé notre réaction à l’égard du rapport Sauvé sur les abus sexuels sur mineurs en France. Nous en avons déduit que la manière de gouverner un diocèse exige bien des changements, des attitudes radicalement nouvelles pour rejoindre les victimes et, surtout, pour prévenir le surgissement de nouveaux abus. Voilà ce qui va droit dans la démarche synodale demandée par le pape.
Tout le monde s’y met. Pas seulement le conseil épiscopal. Tout le monde.
Pour nous aider, une équipe a été suscitée. Stanislas Deprez en est le responsable. Je lui fais une totale confiance. Il est libre de faire des suggestions, des propositions.
Cette équipe va donner des pistes concrètes. Au terme du travail en avril 2022, un discernement sera opéré. Pas une synthèse de tout et son contraire, où tout le monde se retrouve dans une dizaine de lignes sur quarante pages. Cela ne sert strictement à rien. On fera un discernement pour mieux cerner, dans l’avenir, ce qui concerne la communion de l’humanité (Fratelli tutti) ; la participation (gouvernance, délibération, discernement des signes des temps) et la mission. Comme vivre avec tous en construisant la maison commune, en dialogue avec toutes les convictions, pour insérer dès aujourd’hui ce que le Seigneur nous demande en nous envoyant pour faire de toutes les nations des disciples.
Les prêtres qui président des assemblées liturgiques, les équipes liturgiques qui préparent la liturgie de ces assemblées sont invités à prendre, quand c’est possible, la messe pour un concile ou un synode, dans les messes pour intentions et circonstances diverses, n° 6, à la page 921 du Missel Romain, petit format. Ils peuvent aussi prendre la prière eucharistique pour des circonstances particulières, Préface II et Intercession II.
N’oublions pas non plus la prière des synodes, l’Adsumus, d’Isidore de Séville.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai