Visites ad Limina Apostolorum

Visites ad Limina Apostolorum

Le Code de Droit canonique (de 1983) dit au canon 399 §1 : L’Évêque diocésain doit, tous les cinq ans, présenter au Pontife Suprême un rapport sur l’état du diocèse qui lui est confié, selon la forme et au temps indiqués par le Siège apostolique ; §2 : Si l’année fixée pour présenter ce rapport tombe en tout ou en partie dans les deux premières années de sa présence à la tête du diocèse, l’Évêque peut cette fois-là ne pas rédiger ni envoyer son rapport.

Au canon 400 §1 : L’année où il doit présenter son rapport au Pontife Suprême, à moins de disposition différente du Siège Apostolique, l’Évêque diocésain se rendra à Rome pour vénérer les tombeaux des Bienheureux Pierre et Paul et il se présentera au Pontife Romain.

La visite ad limina Apostolorum consiste par conséquent en une visite sur les tombes des apôtres Pierre et Paul, à Rome, durant laquelle les évêques rencontrent l’Évêque de Rome, Successeur de Pierre, ainsi que les chefs des dicastères – des ministères chargés d’un aspect de la mission de l’Église – pour avoir des entretiens sur les différents rapports demandés par Rome sur chacun des diocèses. Ces rapports sont envoyés durant les mois qui précèdent la visite ad limina de telle sorte que chacun des dicastères puisse en prendre connaissance.

La visite dure une semaine. Chaque jour, les évêques célèbrent une liturgie dans un lieu différent : la basilique Saint-Pierre, la basilique Saint-Jean-de-Latran, la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs, la basilique Sainte-Marie-Majeure, et d’autres lieux, selon les années.

Les évêques participent aussi à un repas officiel à l’ambassade de Belgique près le Saint-Siège et à un repas festif au Collège belge. Cette année, le Cardinal De Kesel présidera un Te Deum à l’occasion de la Fête du Roi à l’église Saint-Julien-des-Flamands. Cette année encore, les évêques célébreront à l’église passioniste des Saints-Jean-et-Paul, église attribuée au Cardinal De Kesel, membre du Clergé de Rome.

La Belgique forme, d’après le droit de l’Église, une seule Province ecclésiastique. La visite ad limina est par conséquent vécue par tous les évêques de Belgique en fonction, durant la même semaine. La Belgique compte huit diocèses territoriaux et le diocèse aux Forces Armées. La tradition veut que vont à Rome pour la visite ad limina les évêques diocésains, les évêques auxiliaires et, si un siège épiscopal est vacant, l’administrateur diocésain de ce siège.

En 2022, nous serons onze évêques à participer à la visite ad limina. Nous serons accompagnés par Mgr Herman Cosijns, Secrétaire général de la Conférence épiscopale, et par les deux porte-parole du Cardinal De Kesel et de la Conférence épiscopale, le Père Tommy Scholtès, Jésuite, et Mr Geert De Kerpel.

Nous logerons à la Maison Sainte-Marthe dans la Cité du Vatican, le même immeuble que celui où réside le Pape François.

Visite de novembre 2003

J’ai été nommé évêque de Tournai le 22 mai 2003. La visite ad limina de 2003 était programmée du 17 au 22 novembre. Je n’ai pas dû faire de rapport du diocèse de Tournai.

J’ai participé en allant, avec tous les évêques ou avec quelques évêques, dans chacun des dicastères. La rencontre la plus intéressante avait lieu à la Doctrine de la Foi, un dicastère dont le Préfet était le Cardinal Joseph Ratzinger. L’entretien, très libre, abordait déjà le manque de prêtres pour assurer la liturgie dominicale dans toutes les paroisses ; une discussion très sérieuse abordait la manière dont l’Eglise avait à se situer dans une société sécularisée. Le gouvernement Verhofstadt avait encouragé le Parlement à voter une loi dépénalisant l’euthanasie et à officialiser les couples de personnes de même sexe. Tous les entretiens dans les dicastères se déroulaient en français.

La rencontre personnelle – seul à seul en français – avec le pape Jean-Paul II était émouvante. Le pape, très fragilisé par la maladie de Parkinson, ne parlait presque pas. L’entretien a duré dix minutes. Finalement, j’ai parlé presque seul pour manifester au pape que le diocèse de Tournai priait beaucoup pour lui. Le pape m’a demandé combien de séminaristes le diocèse comptait. La réponse : deux. La photo prise à ce moment-là me montre en présentant deux doigts de la main droite.

Outre la rencontre personnelle de chaque « diocèse » (l’évêque diocésain avec les évêques auxiliaires, s’il y en a), les évêques participent « ensemble » à une rencontre avec le pape.

La rencontre de tous les évêques avec le pape a été difficile. En effet, après l’allocution du Cardinal Godfried Danneels (en français), le pape a remis un texte qu’il n’a pas lu. Il en était incapable. Le message du pape répondait à l’allocution du Cardinal, saluait les nouveaux évêques nommés en Belgique depuis la dernière visite ad limina en 1997 (NN.SS. Jousten, De Kesel, Harpigny), et continuait par la situation particulièrement préoccupante de la Belgique à propos de la pratique religieuse (célébrations dominicales, baptême, réconciliation, mariage). La crise persistante des vocations, la diminution importante du nombre de prêtres sont des sujets à bien analyser. De manière positive, le pape encourageait la participation des fidèles laïcs à la mission de l’Eglise. Cependant, il ne fallait pas oublier la distinction entre le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ministériel. Le texte du pape revenait sur la sécularisation, les nouvelles lois du Parlement belge, l’éducation des jeunes et la nouvelle évangélisation. Les évêques ont accusé le coup. La vision que le pape avait de la Belgique était vraiment négative.

Visite de mai 2010

Une nouvelle visite ad limina a été programmée pour le mois de mai 2010. Cette fois, j’ai pu, avec mes collaborateurs, répondre aux questions envoyées par le dicastère des évêques, dix-sept chapitres qui couvraient les années 1997 à 2009.

Durant les deux semaines après la fête de Pâques 2010, j’animais, à la demande de Mgr Laurent-Désiré Monsengwo, archevêque Kinshasa, deux retraites pour les prêtres du diocèse de Kinshasa. Au terme de mon séjour à Kinshasa, un volcan s’est mis en route en Islande. Aucun avion ne pouvait prendre de voyageurs.

Le 20 avril, j’apprends par mail à Kinshasa que l’évêque de Bruges, Mgr Roger Vangheluwe, était soupçonné d’avoir abusé d’un de ses neveux. Je fais vérifier le contenu du mail. Le Professeur Peter Adriaenssens, responsable de la commission chargée des abus dans l’Église catholique (retenu en Egypte), confirme ce que le mail annonce. Je peux enfin revenir en Belgique. Le vendredi 23 avril 2010, je participe à la conférence de presse présidée par Mgr André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles depuis février 2010. Mgr Léonard annonce que l’évêque de Bruges a présenté sa démission au pape Benoît XVI. Pendant des semaines, pendant des mois, les médias, avec raison, ont fustigé la pédophilie dans l’Église catholique en Belgique.

Dans ce cadre, la visite ad limina du 3 au 8 mai 2010 a été très étrange. D’abord, il n’y avait plus d’évêque à Bruges. A Namur, que Mgr Léonard avait quitté pour Malines, le conseil des consulteurs avait élu le chanoine Jean-Marie Huet administrateur diocésain, alors qu’il y avait un évêque auxiliaire, Mgr Pierre Warin. Mgr Léonard avait demandé à Mgr Jozef De Kesel, auxiliaire pour Bruxelles, de rejoindre le Brabant Flamand. Les nouveaux évêques nommés depuis 2003 étaient NN.SS. Van Looy, Warin et Bonny.

A Rome, je m’attendais à ce que quelques dicastères posent des questions sur la pédophilie. Il n’en fut rien. La visite a eu lieu « comme d’habitude ». En revanche, la conférence de presse, à la fin de la visite ad limina, à laquelle participaient surtout des journalistes belges, n’a traité que de la pédophilie dans l’Église.

Beaucoup de dicastères avaient changé de préfet depuis la visite de 2003. L’atmosphère était cordiale, même si les sujets de préoccupation étaient souvent les mêmes. C’est durant la rencontre au dicastère des évêques, que j’ai demandé au préfet, le Cardinal Giovanni Battista Ré, si le Saint-Siège encourageait toujours la célébration de synodes diocésains. La réponse était très claire : oui, mais il faut que l’évêque s’y investisse personnellement et qu’il y prenne ses responsabilités. J’ai retenu la leçon. À mon retour de Rome, j’ai commencé à envisager l’éventualité d’un synode diocésain, qui a été finalement célébré en 2011-2013.

L’entretien avec le pape Benoît XVI – en seul à seul en français – a été d’un tout autre style qu’avec le pape Jean-Paul II. Benoît XVI était à l’aise. Il me connaissait par mes études en islamologie. Il posait beaucoup de questions. Il avait un regard bienveillant sur l’évolution de la pastorale en Belgique. Les vingt minutes de conversation m’ont fait beaucoup de bien. Sur la photo, je suis debout en train de montrer sur un atlas où se trouve la ville de Tournai.

La rencontre des évêques et des administrateurs diocésains avec le pape a été, elle aussi, très différente de la même rencontre de 2003. Mgr Léonard a, avec clarté, présenté la position des évêques belges face à la pédophilie et il a, avec raison, manifesté que l’Église en Belgique allait écouter les victimes d’abus. Ensuite, il a brossé un tableau presque complet des différents aspects de la pastorale de l’Église catholique en Belgique, sans oublier les liens solides avec les autres convictions religieuses.

En réponse, le pape Benoît XVI a lu un texte qui prenait acte de la description faite par Mgr Léonard. Il a évoqué positivement les Lettres des Évêques de Belgique, publiées depuis 2002, dans le cadre de Grandir dans la foi. Il a souligné l’importance de la canonisation du Père Damien De Veuster, ainsi que le témoignage des personnes engagées dans la vie consacrée. Il a rappelé que la liturgie manifeste le mystère de l’Église. Il a fait l’éloge de la mission des fidèles laïcs dans la société. Pour conclure, il a demandé aux évêques de bien vouloir transmettre à tous les fidèles de Belgique ses salutations affectueuses.

Visite de novembre 2022

Depuis 2010, la question de la pédophilie dans l’Église en Belgique a connu des étapes très importantes, grâce au concours de personnes très compétentes dans les instances ecclésiales ainsi que grâce à l’action énergique du Parlement belge et d’experts en tous genres. Tout n’est pas encore au point, mais on avance à grands pas.

Le paysage ecclésial a changé. Depuis 2010, plusieurs nouveaux évêques ont été nommés : NN.SS. Kockerols, Hudsyn, Lemmens (décédé depuis), Van Houtte, Delville, Aerts, Van Hecke. Plusieurs évêques sont, depuis 2010, désormais émérites : NN.SS. Jousten (décédé), Léonard, Vancottem, Van Looy.

La question des immigrés modifie profondément le visage de la population en Belgique. Beaucoup de personnes venues d’Afrique, du Moyen Orient, d’Europe orientale participent aux assemblées dominicales.

Les responsables pastoraux comptent, dans la partie francophone surtout, des personnes venues d’ailleurs.

Les défis de la vie en société sont à bien analyser, sans entrer dans des lamentations ou des condamnations.

La mentalité des jeunes catholiques modifie elle aussi le visage de l’Église.

La présence de communautés musulmanes très diversifiées invite à bien discerner les nouveaux contours de la mission de l’Église.

Prier, célébrer, partager avec le Successeur de Pierre et ses collaborateurs immédiats est toujours un moment important et, pour certains dossiers difficiles, décisif. Le pape François ne reçoit pas chaque évêque diocésain individuellement. C’est l’ensemble des évêques de Belgique qui aura une rencontre avec le pape François. Ce sera certainement un moment de grâce.

+ Guy Harpigny,
Évêque de Tournai

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