Julienne de Cornillon et la fête du Saint-Sacrement
Pour ce Carême 2023, le Séminaire de Tournai a intitulé son cycle de conférences «En Belgique aussi, il y a des Saints!». Après un premier rendez-vous autour de Jan Van Ruysbroeck, c’était au tour de la vie de sainte Julienne de Cornillon de dévoiler tous ses secrets.
Mardi 14 mars 2023 : l’orateur du jour est Mgr Delville. L’évêque de Liège a choisi de présenter l’histoire de sainte Julienne de Cornillon aux participants. Deux biographies existent sur cette sainte méconnue du grand public. La première biographie a été rédigée par la bienheureuse Ève, une amie de sainte Julienne. Malheureusement, celle-ci a disparu. Il ne reste donc aujourd’hui que la deuxième biographie, écrite par un auteur inconnu mais proche de sainte Julienne.
Née en 1192, Julienne devient orpheline de père et de mère à l’âge de 5 ans et est recueillie avec sa sœur, Agnès, par des religieux et religieuses du couvent-léproserie de Mont-Cornillon. Elle apprend vite à lire le latin grâce aux différents offices qui rythment la vie de cette communauté mixte. À 18 ans, elle commence à avoir des visions d’une lune avec une fraction en moins, qui lui apparaît régulièrement en rêve.
Grâce à l’aide d’une jeune fille avec qui elle se lie d’amitié, Ève, elle arrivera à comprendre après plusieurs années que cette fraction manquante représente le manque d’une fête dans l’Église catholique, dédiée à l’eucharistie. « La lune devait sûrement symboliser l’hostie », interprète Mgr Delville. Elle va alors se battre toute sa vie pour célébrer une nouvelle fête sur le saint sacrement.
Un évêque mène l’enquête
Nommée prieure de Cornillon en 1222, Julienne est suspectée de fraude et de détourner l’argent du couvent-léproserie pour célébrer et promouvoir sa fête. Suite au saccage de sa maison, elle fuit Cornillon avec d’autres sœurs pour se réfugier dans diverses congrégations religieuses. L’évêque de Liège de l’époque, Robert de Thourotte, est plutôt favorable à l’idée de fête défendue par sainte Julienne et fait donc sa propre enquête sur la fraude. Il découvre alors l’agitateur à l’origine de cette action et instaure la règle de saint Augustin pour restaurer le calme dans la communauté du Mont- Cornillon.
Robert de Thourotte va même jusqu’à écrire un décret pour célébrer une messe avec des oraisons spécifiques, le jeudi après la fête de la Trinité. Malheureusement, il meurt avant la première célébration, ce qui fait tomber son décret dans l’oubli. D’autant plus que le nouvel évêque, Henri de Gueldre, se préoccupe davantage de faire la guerre que de s’occuper des malades avec la léproserie.
Apprenant cela, Hugues de Saint-Cher, légat du Pape et favorable à l’idée de cette fête, décide de publier un édit pour rendre celle-ci obligatoire sous sa juridiction. Le Pape Urbain IV, ancien archidiacre de Liège, est aussi séduit par cette fête. Il publie après la mort de sainte Julienne une bulle pontificale pour rendre cette fête universelle et envoie le texte de la bulle à Ève, qui avait continué le combat de sainte Julienne après sa mort.
Une deuxième Pâques
À la fin de sa vie, sainte Julienne va fuir de monastère en couvent, formant une communauté de femmes autour d’elle, légitimant sa place dans l’Église. Très appréciée de ses sœurs cisterciennes, elle meurt en 1258 à Fosses-la-Ville mais est ensuite inhumée à l’Abbaye cistercienne de Villers-la-Ville, dans l’autel des saints.
De la vie spirituelle de sainte Julienne de Cornillon, on peut retirer quatre fondements essentiels: le renoncement au confort du corps pour une union mystique avec le Christ, le renoncement du travail pour se tourner vers la prière, la science infuse car elle a une conscience directe des mystères de la foi, le refus d’un rôle subalterne pour jouer un rôle actif dans l’Église.
La fête souhaitée par Julienne de Cornillon est encore célébrée aujourd’hui : il s’agit de la Fête-Dieu, aussi appelée Fête du Saint-Sacrement. Dieu signifiant Jésus-Christ à l’époque, c’était donc la fête du Seigneur. Sainte Julienne a toujours voulu que cette célébration ne soit pas contemplative mais une occasion pour communier au corps du Christ. Plus populaire que Pâques, la fête du Saint-Sacrement était comme une deuxième Pâques pour la population, qui pouvait mettre plus d’inventivité dans la manière de la célébrer que dans la fête de Pâques. Un autre fait marquant est que le soir de la fête du Saint-Sacrement, on peut observer la lune à laquelle il manque une fraction…
Anaïs Marescaux
Vous avez soif d’en connaître plus sur les saints de Belgique? Venez découvrir Guerric d’Igny, originaire de Tournai, à la prochaine conférence, ce 21 mars 2023 de 20h à 21h30, au Séminaire de Tournai.