Eloi Meva’a : « Trouve de la joie dans ce que tu fais »
Le dimanche 11 juin 2023 à 15h, notre diocèse vivra une ordination presbytérale à la Cathédrale de Tournai. À l’approche de ce grand jour, nous avons rencontré ce futur prêtre, Eloi Meva’a. Voici quelques extraits choisis de notre entretien.
Linus Eloi Meva’a Bekono – tel est son nom complet – est né à Yaoundé, au Cameroun, le 28 novembre 1988. Il est le 9e d’une famille de 10 enfants, dont le père est gendarme.
D’où vient votre vocation ?
Dans mon pays, au Cameroun, j’étais déjà bien investi dans l’Église, notamment dans les mouvements comme la chorale. Vivant alors à Mons, j’avais intégré la chorale Sainte-Cécile à l’église Sainte-Élisabeth de Mons. Je cumulais un petit peu, en allant à l’école et en célébrant le dimanche en chantant avec la chorale.
Pendant ma première année d’infirmier bachelier [à Courtrai, ndla], j’ai approfondi plus ou moins la réflexion de faire le pas avec l’accompagnement du doyen de Mons de l’époque, l’abbé Germain Bienaimé, avec qui j’ai eu plusieurs rencontres. Il m’a aidé à pouvoir y voir clair et à me décider à faire la demande d’entrer au Séminaire. C’est ainsi que pendant ma première année [à Courtrai, ndla], je frappe à la porte du Séminaire et que je suis reçu par l’abbé Daniel Procureur. Il est venu me voir à Mons, on a discuté. J’avais demandé un petit temps de réflexion, un séjour de deux trois jours, au Séminaire, ce qui m’a été accordé. Après cela, j’ai fait la demande officielle et je suis entré au Séminaire en septembre 2012.
Comment s’est passé votre parcours au Séminaire ?
Mon cheminement est assez atypique. D’abord parce qu’il est très long : il y a quand même plus ou moins onze ans que je suis entré au Séminaire. J’ai commencé mes études de propédeutique, c’est-à-dire le discernement, à Namur. Nous étions cinq, et aujourd’hui nous ne sommes que deux à avoir persévéré.
Après cela, j’ai fait mes études en philosophie. J’ai reçu mon baccalauréat et j’ai commencé la théologie. Au bout de la deuxième année de théologie, Mgr Harpigny a demandé que j’interrompe ma formation pour mieux discerner en vivant une autre expérience, qui n’était pas forcément une formation pour devenir prêtre. J’ai choisi de rentrer au Cameroun.
Vous avez enseigné pendant un an au Cameroun puis vous êtes rentré en Belgique. Comment s’est passé votre retour ?
Au bout de mon année, Mgr Harpigny a accepté ma demande. Étant donné que j’avais interrompu [mon parcours] à Namur, qui suit un peu un cours cyclique, Mgr a proposé de faire deux ans en étant inséré dans des lieux de diaconie. Quand je suis revenu en 2019, j’ai commencé à aller aider au « Chêne de Mambré » à Tournai, qui est une maison d’accueil de personnes vraiment précarisées, suite à des expériences malheureuses de la vie, et qui essayent de se relever. Il fallait vraiment beaucoup de patience, mais en même temps c’était une belle école de partager avec certains qui se sont retrouvés dans la m**** suite à de mauvais choix de la vie ou de mauvaises rencontres. Ça m’a beaucoup édifié.
Je cumulais en allant aussi à Namur pour suivre quelques cours, notamment de cours dit « ministériels ». J’allais donc au « Chêne de Mambré » quelques jours de la semaine, en fonction des cours qui se donnaient à Namur.
L’année suivante, j’assistais l’aumônier à la clinique Saint-Joseph de Mons. Nous allions rencontrer les patients et nous leur proposions le saint Sacrement, nous priions avec eux parfois, nous échangions avec eux. Tout cela aussi a été une période très forte et marquante pour ma formation.
Au bout de ces deux années de stage, j’ai été inséré à Mouscron en stage pastoral, auprès du chanoine Michel Vermeulen. Le Covid a fait que mes années de stage ont été interrompues suite au confinement et à la distanciation. Ça ne m’a pas empêché de vivre quand même des rencontres et des expériences assez fortes. Comme je n’avais plus vraiment beaucoup de cours, j’ai commencé à accompagner Paul Laurent, aumônier au Centre Régional Psychiatrique Les Marronniers, pour rencontrer des patients. (…) Derrière le fait de rencontrer l’aumônier, des gens qui venaient leur dire bonjour, je crois que cela leur donnait un peu d’humanité, ça faisait en sorte qu’ils se disent qu’ils ne sont pas des rejetés de la société. Paul Laurent avait d’ailleurs une expression : « ce sont des bien-aimés du Cœur miséricordieux du Père ».
Quel genre de prêtre voulez-vous devenir ?
De plus en plus, depuis cette année de stage diaconal, j’ai eu la chance d’être plongé dans le [travail de] terrain, de rencontrer des gens (…). De nos jours, on a plus besoin de prêtres sur le terrain et j’aimerai bien être ce prêtre-là, qui est là pour parler du Christ aux gens et de la manière dont ils peuvent le comprendre.
Être un prêtre en 2023, ça représente quoi ?
Beaucoup me l’ont dit, c’est osé. C’est une chance et une grâce que la Belgique aura d’avoir normalement cette année des ordinations dans les quatre diocèses francophones. Malheureusement, avec tout ce que les médias semblent présenter… (…) Être prêtre en 2023, c’est pouvoir appeler à ceux-là qui malheureusement tendant à vouloir prendre d’autres routes parce qu’on leur présente une société qui semble se déchristianiser. Être prêtre en 2023, c’est dire aux gens : non seulement il y a encore des jeunes qui veulent s’engager mais le Christ est toujours vivant et présent dans notre société. Même s’il y a une chute drastique des vocations, il y a encore des gens qui s’engagent et qui trouvent de la valeur dans ce qu’on appellerait aujourd’hui le « métier » de prêtre. Je ne pense pas que ça va s’arrêter de sitôt.
À un mois de votre ordination (ndla : le jour de notre interview), comment vous sentez-vous ?
Heureux. J’ai un retour très positif de mon entourage et c’est encourageant, réconfortant et même consolant. Depuis l’annonce officielle de mon ordination, je ne cesse de recevoir des félicitations, des encouragements. C’est vrai que durant mon parcours, il a fallu tenir bon. (…) Le Christ était présent durant toute ma formation et c’est lui qui m’appelle. Si ce n’est pas le cas, j’aurais eu peut-être l’intention d’abandonner. Il y avait toujours comme cette petite lumière qui me disait : « Eloi, continue, persévère, garde courage, trouve de la joie dans ce que tu fais ».
J’ai hâte que [mon ordination] arrive. C’est un grand jour. Chez nous, en Afrique, on dit toujours – et un prêtre dans ma jeunesse, le jour de son ordination, le rappelait aux uns et aux autres – qu’on pourrait le comparer au mariage. Le mariage est unique dans la vie – du moins dans l’Église – et je pense qu’une ordination aussi c’est une fois dans la vie. C’est un jour de joie, où on se consacre au Seigneur pour le bien des autres.
J’avoue, j’aimerai que ce jour arrive déjà et que toute l’émotion qui tourne autour soit aussi derrière moi (rires) ! En même temps, j’aimerai que ce jour soit mémorable et qu’il serve un peu de grand leitmotiv pour la suite de mon ministère, que j’espère, par la grâce de Dieu, fructueux.
Propos recueillis par Marie Lebailly