Olivier Vandecasteele parmi les siens

Pour la première fois depuis son retour en Belgique, après 455 jours passés dans les prisons iraniennes, l’humanitaire belge a pris la parole en public. C’est dans sa ville d’origine, Tournai, qu’il a choisi de remercier tous les amis ou les anonymes qui l’ont soutenu de loin. Et qu’il a symboliquement fait tomber la bâche réclamant sa libération depuis des mois.

Mercredi 28 juin 2023. Cela fait maintenant un mois qu’Olivier Vandecasteele a retrouvé la liberté, après des mois d’enfer et de souffrance, tant physique que morale. Pour ce retour dans la lumière, il a choisi de venir à Tournai, une ville qui comme d’autres en Belgique a espéré et agi pendant des mois pour essayer d’influer sur le cours des choses, pour ramener Olivier à la maison.

En fin d’après-midi, les Tournaisiens commencent à se rassembler au pied du plus ancien beffroi de Belgique. Pas mal de journalistes, de photographes, de caméramans aussi. La télévision locale, notélé, a même prévu un live sur Facebook pour que tous puissent prendre part à ce moment un peu irréel.

Une cicatrice dans la ville

Pendant des mois, grâce à l’énergie inébranlable de sa famille et de ses amis, les photos d’Olivier ont circulé sur les réseaux sociaux, se sont invitées sur les plateaux de télé, se sont affichées dans les journaux, mais aussi sur les murs, sur les vitrines, dans des pétitions. Pour que personne n’oublie, pour que personne ne baisse les bras, pour que personne ne cesse d’y croire.

À Tournai, une immense bâche réclamant la libération du travailleur humanitaire a été suspendue le long du beffroi, rappel quotidien du sort tragique d’Olivier, appel quotidien à lutter pour la liberté, la sienne et celle de tant d’otages à travers le monde. Cette bâche, il était temps qu’elle disparaisse. Pas juste pour «tourner la page», mais pour doucement laisser partir les mauvais souvenirs et penser à l’avenir, à la vie.

Le bourgmestre de Tournai, Paul-Olivier Delannois, avait lancé il y a quelques temps l’idée un peu folle d’inviter Olivier à venir lui-même descendre cette énorme banderole. En ce mercredi d’été un peu gris, devant plusieurs centaines de personnes, entouré de nombreux amis, de ses parents, de ses sœurs et d’autres proches, l’ex-otage a accompli ce geste symbolique dans un mélange de joie et d’émotion.

«Cette bâche, c’était comme une cicatrice sur le beffroi», a lancé le bourgmestre tournaisien. Une cicatrice face à toutes nos aspirations de liberté et de justice bien plus qu’une cicatrice architecturale. «Je t’invite à la faire tomber. Et si tu veux bien la reprendre, car c’est lourd et un peu encombrant, je n’ai pas de place dans les bâtiments de la commune pour la stocker.»  

En douceur, en amitié et en musique

Avant de grimper en haut du beffroi, Olivier Vandecasteele était apparu tout sourire, ému et presque timide, sur la petite scène dressée au pied de l’édifice. Avec un t-shirt blanc laissant apparaître un seul message, évident, plein d’espoir: «Vivre debout». Un petit morceau de guitare avec un ami musicien, et puis déjà il s’éloigne des regards pour aller se réfugier au sommet de cette grande bâche. Ses sœurs et sa maman ont adressé quelques mots de remerciement à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés, par de grandes ou de petites actions, et qui leur ont permis de tenir le coup.

Et puis Olivier, tour à tour en français, en néerlandais et en anglais, a dit son amour pour la Belgique, pour l’Europe. A remercié les amis et les anonymes. A parlé de ceux qui sont encore emprisonnés là-bas et qu’il ne faut pas oublier, pour qui il faut encore lutter. A pudiquement évoqué ces journées interminables, coupé de tout et de tout le monde. Des journées parfois traversées par le doute, mais jamais par le désespoir. Des journées qu’il a comptées et décomptées. 455 exactement. Les souvenirs de soirées entre potes ou au milieu des siens, comme des talismans et des sources d’énergie pour ne pas flancher. L’espérance qui a refleuri quand il a su la mobilisation déclenchée par ses proches dans son pays. Les pressions de ses ravisseurs pour qu’il demande à sa famille de mettre un terme à celle-ci. Mais sa confiance totale dans les choix et les actions de ceux qui l’aiment.

La voix d’Olivier s’est parfois tue, parfois affaiblie, a parfois vacillé sous le coup de ces émotions multiples, entre joie immense et évocations difficiles. Mais il l’a promis, il prendra le temps nécessaire, pour revivre. Le meilleur reste à venir, Olivier…

Agnès MICHEL 

(Photos AM et SJ)