S’approprier la synodalité
Pour la deuxième journée de formation permanente, les acteurs pastoraux ont continué à se pencher sur le document final du synode sur la synodalité.
« Tutti, Todos » le défunt pape n’a pas cessé d’aller auprès des plus marginalisés. C’est aussi le message que revêt le lancement du synode en 2021. Réfléchir ensemble pour faire vraiment corps avec Jésus. Il faut « Accompagner, discerner, intégrer » pouvait-on lire dans le chapitre VIII de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia du Pape François en 2016. C’est ce qu’on retrouve aussi dans le document final du synode Pour une Église synodale : communion, participation et mission : « le discernement ecclésial n’est pas une technique d’organisation, mais une pratique spirituelle à vivre dans la foi »
Au début de la journée, deux documents issus de ce document final ont été proposés aux participants afin de faire équipe pour mieux comprendre la notion de synode. Un moment de partage en petits groupes qui a permis d’aborder en profondeur la coresponsabilité de chacun, d’inclure les minorités ou encore, la mission d’une paroisse. « La synodalité est la marche commune des chrétiens avec le Christ et vers le Royaume de Dieu, une union avec toute l’humanité »
Synodalité et liturgie
À la suite de ces carrefours, Jean-Louis Souletie, docteur en théologie et auteur de La liturgie une piété moderne, a abordé la question de la liturgie synodale. Il a ainsi expliqué que le modèle de la synodalité est la base de la démarche du catéchuménat. En effet, le catéchuménat est un cheminement avec l’Esprit Saint où la personne discerne sa vocation à devenir un associé de Jésus. La liturgie prend son essence dans l’écoute de la Bible et la réponse à celle-ci. À la parole, on joint le geste. Par exemple, dans la messe dominicale, quand le prêtre dit : « Donnez-vous la paix », les membres de l’assemblée se font un geste de paix en se serrant la main. L’écoute de la Parole implique donc un geste.
Avec la synodalité, les croyants sont également amenés à prendre leur place dans l’Église, à être actif. Comme le corps et ses membres, chaque membre n’est pas interchangeable car on n’a jamais vu le foie faire le travail de l’intestin. La tête de ce corps, c’est bien évidemment Jésus. Et chaque personne est amenée à occuper sa place de membre pour former le corps tout entier qu’est l’Église.
La liturgie en ce sens, doit mettre en lumière ces différentes vocations qu’a chaque membre de la maison de Dieu. Ce serait une erreur de représenter celle-ci en un seul homme ayant tous les charismes ou confondre entre eux. Il faut croire que chacun a une mission sur cette terre, donnée par l’Esprit Saint au service de l’Église et qu’il faut d’aider celle-ci à être accueilli et accompagnées.
Dans son intervention, Jean-Louis Souletie a également proposé de redécouvrir la richesse de l’offre et la souplesse de la liturgie. Plutôt que de tourner sans cesse vers de nouvelles solutions ou de passer du temps pour en chercher, il faut revoir ce que propose déjà la liturgie.
Cheminer dans la Bible
Christophe Raimbault, vicaire général du diocèse de Tours et spécialiste d’exégèse biblique, a amené ensuite les participants à se questionner sur la notion de synodalité. Est-ce une nouvelle lubie du XXIe siècle ? Un concept novateur qui vient de notre réalité et de la société dans laquelle nous vivons ? Ou un terme que nous redécouvrons aujourd’hui, mais qui trouve son origine dans la Bible ?
« Le mot synodalité est absent de la Bible, mais en outre le vocabulaire de la famille de synode est très rare dans l’Écriture. Dans le Nouveau Testament apparaissent deux occurrences seulement. » Pourtant, d’autres familles de mots que l’on peut relier au synode s’y retrouvent :
- La notion de chemin est mentionnée vingt-deux fois dans l’Évangile de Matthieu, seize fois dans celui de Marc et vingt fois chez Luc. On retrouve le verbe cheminer dans la parabole du bon samaritain ( Lc 10,33) ou faire cheminer dans le récit des pèlerins d’Emmaüs. (Lc 24,32.35)
- Guider au sens d’accompagner se retrouve dans l’échange entre Philippe et l’eunuque éthiopien. (Ap 7,17)
Pour comprendre le synode, il faut savoir l’examiner à la lumière de ce qu’est l’Église. Mais que dit-on d’elle dans la Bible ? « Si le mot Église est très rare dans les évangiles (on ne l’y retrouve que deux fois.), il est en revanche très fréquent chez saint Paul » Il nous dresse effectivement un portrait de l’église à travers différentes métaphores :
- Le champs/La plantation du Dieu (1 Co 3, 5-9) : « Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu. » ( 1 Co 3,7) Les apôtres agissent ainsi selon leur charisme et leur compétence.
- La construction fondée sur le Christ, pierre de fondation (1 Co 3,10-17)
- Le Temple de l’Esprit ( 1 Co 6, 20)
- Le corps et les membres : chacun a reçu un charisme spécifique de la part du même Esprit Saint. ( 1 Co 12 ; Rl 12 ; Col 2,19 ; Ep 4, 6)
Toutes ces métaphores nous permettent de creuser le terme de synodalité. Pour ne prendre qu’un exemple : l’Église peut être comprise comme une construction. La pierre angulaire est le Christ et chaque pierre est un baptisé. Ensemble, tous les baptisés sont appelés ensemble à former ce qu’est l’Église. Chacun a sa place, son charisme propre. Le synode n’est donc pas un concept de plus inventé par l’Église mais puise sa source dans l’Évangile et dans l’exemple du Christ qui est un véritable pèlerin, cheminant à la rencontre de l’autre.
Un peu d’histoire …
C’est par une intervention de Mgr Harpigny que s’est conclue la journée et donc la session de formation. Il a notamment rappelé qu’un synode avait déjà été organisé du temps de Mgr Himmer. Les membres de ce synode étaient les premiers collaborateurs de l’évêque, c’est-à-dire les doyens, qui voyaient celui-ci annuellement. Comme pour la formation permanente, ce synode faisait venir des spécialistes pour enrichir les doyens de connaissances et les questionner sur leurs pratiques.
Le concile Vatican II a aussi bousculé son épiscopat. Les cardinaux et les évêques se posent beaucoup de questions à l’époque dans un monde qui est sans cesse en mouvement. On se recentre sur le cœur de la foi : quelle est la place l’Église dans la société ? Qu’est-ce qu’elle doit annoncer ? Les évêques n’ont pas rechigné à la tâche et ont essayé de rejoindre le peuple de Dieu sur des questions difficiles de leur temps comme l’ordination des prêtres mariés. Le Pape en fonction y était plutôt favorable mais le synode des évêques a tranché par un refus.
… D’évolutions…
Mgr Harpigny s’est positionné aussi sur l’ordination des prêtres mariés : « Oui, il y a une crise des vocations sacerdotales. On nous répète qu’il faut pour résoudre ce souci, ordonner des hommes mariés. C’est qu’on n’a pas saisi l’essence du presbytérat. »
Le concile met aussi en œuvre des directives, imposant par diocèse un conseil presbytéral constitué de prêtres élus par leurs confrères qui s’occupent de toutes les questions et propose un conseil pastoral rassemblant les membres baptisés.
Le cadre paroissial a aussi beaucoup changé ces dernières années. Certains s’obstinent à vouloir garder absolument la messe du dimanche malgré le manque de prêtre. Du coup, on pense à des alternatives farfelues comme une simple distribution de la communion ou une communion célébrée par des laïcs. C’est qu’on n’a pas compris qu’il est vain de se battre pour rester à tout prix dans le cadre. « À partir d’une solution insoluble, on fait preuve de créativité pour impliquer tout le monde dans la démarche. » L’évolution ne doit pas être réfléchie uniquement à partir d’un constat d’un évêque mais bien à partir d’une réalité.
Le ministère presbytéral a lui aussi évolué et « ne se réduit pas au ministère paroissial. » Il n’y a pas de prêtre dans l’enseignement catholique (primaire et secondaire) ou dans l’action catholique. Cela vaut la peine de s’interroger sur la question, surtout qu’il y a une demande et qu’énormément de tâches qui relevaient du prêtre sont maintenant assurés par des laïcs.
… et de synode
Lors d’une visite au Saint-Siège en 2010, Mgr Harpigny avait posé la question à un cardinal sur la position du Vatican vis-à-vis des synodes diocésains. La réponse étant favorable, il a décidé de créer un synode à partir de Lumen gentium, l’une des constitutions rédigées par le concile Vatican II. Le but étant de s’interroger ensemble sur la signification de l’Église plus particulièrement dans la société. Le synode diocésain ayant eu lieu de 2011 à 2013 atteignit son point culminant avec le rassemblement de 1500 personnes à la collégiale Sainte-Waudru. Un succès qui engendra le synode des jeunes puis celui des familles.
L’Église n’étant pas statique mais en mouvement, ce synode fit naître des idées pratiques comme la refondation en unité pastorale du diocèse. Un pari fou qui a pris une dizaine d’années et a permis aux membres du conseil épiscopal et à l’évêque de Tournai de découvrir les différentes mentalités et mouvements démographiques de son territoire. L’augmentation des catéchumènes et des confirmands a aussi poussé à se réinventer en réfléchissant à une formule pour accompagner cette réalité.
L’aspect synodal ne s’arrête pas non plus aujourd’hui car le synode sur la synodalité continue jusqu’en 2028, l’occasion de relire nos expériences ecclésiales, de nous mettre à l’écoute et découvrir une nouvelle manière d’être une Église synodale. Mgr Harpigny nous pousse aussi pendant ce synode, à avoir l’esprit ouvert aux nouveaux ministères et à redécouvrir ceux déjà existants. L’Église doit s’ouvrir à de nouvelles perspectives et se mesurer au challenge de l’évangélisation sur les nouveaux canaux de communication.
Anaïs Marescaux