L’année sainte : une histoire de plus de sept siècles …

L’année sainte : une histoire de plus de sept siècles …

Depuis 1300, l’Histoire retient vingt-huit années saintes. La vingt-neuvième est annoncée pour 2025. Qu’est-ce qu’une année sainte ? Qu’est-ce qui justifie pareille appellation ?

C’est en 1300 que le pape Boniface VIII instaura la première année sainte. Et ce sont les pèlerins eux-mêmes, nombreux cette année-là à Rome, qui le lui ont demandé. Le climat était propice. Sous l’influence des spirituels franciscains et de leur maître à penser, Joachim de Flore (12e siècle), la chrétienté occidentale vivait alors une période de tension eschatologique et apocalyptique. La bulle papale du 22 février 1300 accordait à tous ceux qui, après s’être confessés, visiteraient chaque jour, pendant deux semaines, les basiliques romaines de Saint-Pierre et de Saint-Paul la rémission complète de leurs péchés et la levée des peines encourues. Pour ne priver aucune génération des bienfaits de cette indulgence exceptionnelle, Boniface VIII fixa l’intervalle entre deux jubilés à cinquante ans. Cette décision a introduit dans l’Église latine d’Occident l’usage du jubilé, période d’un an marquée par une surabondance de la miséricorde divine et qualifiée, pour cette raison, d’ « année sainte ».

À partir du milieu du 15e siècle, les jubilés se succédèrent tous les vingt-cinq ans. Les conditions de l’obtention de l’indulgence jubilaire s’étaient déjà élargies par l’ajout des basiliques du Latran et de Sainte-Marie-Majeure aux deux précédentes. Le rite de l’ouverture et de la fermeture des portes saintes des quatre basiliques majeures remonte au pontificat d’Alexandre VI Borgia (1499).

La dimension spirituelle de l’année sainte s’accrut encore à partir de 1575, à la faveur de la Réforme catholique. Le pèlerinage du jubilé devint une vaste entreprise de pénitence et de mortification collective autour du pontife romain. Il en fallait du courage aux pèlerins ! Aux dangers du voyage se greffaient les difficultés sur place : trouver un logement, se nourrir, circuler dans la Ville, éviter le vol à la tire… Après la grande fracture du protestantisme, l’accueil et l’hébergement se développèrent à la mesure de l’ampleur du pèlerinage qui ne cessait d’attirer à Rome les foules des nations européennes restées fidèles à l’Église catholique romaine.

La lente déchristianisation du 18e siècle, les révolutions du 19e, le déclin puis l’effondrement du pouvoir temporel des papes provoquèrent l’arrêt du jubilé pendant un siècle (1825-1925). Les années saintes de 1850, 1875 et 1900 furent proclamées mais non célébrées. Six jubilés, dont deux extraordinaires, ponctuent le 20e siècle : 1925 et 1933 (1900e anniversaire de la Passion du Christ, Pie XI), 1950 (Pie XII), 1975 (Paul VI), 1983 (jubilé de la Rédemption) et 2000 (Jean-Paul II). 

Depuis 1300, les papes ont progressivement amplifié la portée du jubilé. C’est en 1950 que Pie XII proclama le caractère universel de l’indulgence jubilaire. Désormais, il n’est plus nécessaire de rejoindre Rome. L’année sainte apparaît bien comme un temps fort – temps de conversion, de pénitence, de pardon mais aussi d’action de grâce – dans la vie de l’Église et comme le fruit d’une politique pontificale visant à rassembler les fidèles autour de la personne du pape.

Monique Maillard-Luypaert

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