L’abbaye de Scourmont, là où le silence est d’or !

L’abbaye de Scourmont, là où le silence est d’or!

L’été est une période propice pour prendre un temps de retraite. Tout au long de l’été 2025, CathoBel a ainsi consacré une série d’articles aux lieux de retraite. Avec un passage par l’abbaye cistercienne de Scourmont, à Chimay.

En ce beau matin de juillet, j’ai rendez-vous avec le frère hôtelier de l’abbaye Notre-Dame de Scourmont, à sept kilomètres au sud de Chimay. Au-dessus de la grande porte en bois, une statue de saint Benoît accueille les visiteurs. Les moines de Scourmont –cisterciens de la Stricte Observance, ou trappistes– vivent selon la Règle de saint Benoît, qui invite à « recevoir tous les hôtes comme s’il s’agissait du Christ Lui-même ». C’est un bon indice: l’hôtellerie ne doit pas être loin.

Le silence? Il n’y a pas à négocier!

Dans les couloirs sobres mais lumineux de l’abbaye, dont les arcs s’ouvrent sur le jardin, des panneaux suspendus au plafond dictent la tonalité des lieux: « Silence à garder, en tous lieux communs et en tous temps. » Je m’inquiète déjà de savoir comment je vais parvenir à mener mes interviews dans un lieu où le silence est roi.

« Quand un hôte arrive, la première chose que je lui dis, c’est que c’est silence complet. Il n’y a pas à négocier », confirme le père Oswald, le frère hôtelier à Scourmont. « La spécialité d’une hôtellerie cistercienne, c’est cette primauté au silence: dans les couloirs jusqu’au réfectoire, on ne parle pas. C’est cette quête du silence qui pousse les gens à venir ici, loin du brouhaha: pour méditer, se recueillir, se reconstruire. » 

Ceux qui souhaitent échanger peuvent le faire dans les parloirs, la bibliothèque, le jardin ou encore la cuisine lors de la vaisselle commune. « Je fais comprendre aux gens que ce n’est pas un hôtel », insiste le frère hôtelier. S’il confesse que, parfois, certains pensionnaires contournent les règles, il ne joue pas au policier pour autant: « Je les renvoie simplement aux modalités d’accueil, reçues en début de séjour et établies pour le bien de tous. » 

L’hôtellerie, cœur battant de l’abbaye cistercienne

Dans son bureau, père Oswald me retrace l’histoire de l’abbaye de Scourmont, d’abord prieuré fondé en 1850 puis élevé au rang d’abbaye en 1871. « Dès la création d’une abbaye, on construit l’hôtellerie. Pour nous, cisterciens, l’hôtellerie ça fait partie de notre charisme monastique. Contrairement à d’autres congrégations qui ont des charges dans des paroisses, notre apostolat à nous se fait à travers l’accueil. Parce qu’on aide véritablement ces gens. »

Le frère hôtelier me confie alors plusieurs récits de reconstructions vécues ici: des femmes frustrées par une vie de couple lancinante qui repartent de l’abbaye « à nouveau bien dans leur peau »; des retraitants qui après avoir entendu le témoignage d’un moine de l’abbaye retrouvent l’envie de prendre la vie « à bras-le-corps »; ou encore de jeunes en quête de sens et de réponses spirituelles, qui repartent avec une foi ragaillardie…

« Cette hôtellerie, elle agit comme une thérapie pour les gens », se réjouit-il. Il m’apprend d’ailleurs qu’un jeune, qu’il voyait souvent en retraite ici, a décidé d’embrasser la vie monastique et est actuellement aspirant à Scourmont.

Un travail de fourmi

Lors de notre discussion, père Oswald est interrompu par un coup de téléphone. C’est un futur retraitant qui souhaite modifier son inscription à un repas. Le moine ouvre alors un fichier Excel sur son ordinateur, avec une liste kilométrique de noms, d’heures d’arrivée… Derrière chaque séjour se cache un travail de logistique intense.

« En semaine, je peux compter sur Jean-Marie, un laïc qui est hôtelier comme moi, pour m’épauler, répondre aux réservations et s’occuper de la comptabilité. Parmi les autres acteurs de l’ombre, nous avons des chambrières, des dames qui nettoient les chambres. Il y a aussi une cuisinière, un ouvrier et un frère qui m’assiste dans ma charge le weekend. On ne s’ennuie jamais! »

Théoriquement, l’hôtellerie a une capacité d’accueil de 50 personnes, « mais j’ai décidé de limiter à 30 maximum ». Devant combiner activités monastiques et accueil, le frère trappiste me raconte que le dimanche, il doit se lever pour les vigiles de 4h30 et, juste après, partir préparer seul le petit-déjeuner des retraitants, « car il n’y a pas de personnel le week-end ».

Le père Oswald me conduit à l’étage pour visiter les chambres fraîchement rénovées. Lumineuses, modernes et avec salles de bains privatives, elles contrastent avec les anciennes installations. « On avait la volonté de faire de bonnes chambres, parce que je trouvais que les précédentes n’étaient plus adaptées pour accueillir confortablement. » Rien à voir avec une cellule de moine à laquelle on pourrait pourtant s’attendre. « On ne doit pas imposer notre simplicité monastique aux autres. »

Une chambre est même prévue pour accueillir un évêque, avec bureau et coin salon.

Et voici que résonnent les cloches de la Sexte, l’office de midi. C’est alors, et alors seulement, que moines trappistes et visiteurs se retrouvent. « On évite les interactions pour préserver au mieux notre vie communautaire », glisse le père Oswald. « Reste que si quelqu’un souhaite parler à un frère, il me le dit et on convient d’un entretien. »

Dans l’église abbatiale en pierre, je retrouve plusieurs retraitants, carnet de psaumes en main. « Qu’ils soient musulmans, athées ou catholiques pratiquants, je ne leur impose pas d’assister à tous les offices avec nous, mais au moins de venir voir une fois ce que nous faisons. »

Certains vont même jusqu’à participer aux sept offices! « Parfois, s’amuse-t-il, la rançon de la gloire est qu’il y a tellement de visiteurs assidus, que nous frères, on ne s’entend plus chanter! »

L’hospitalité pour tous, mais vraiment pour tous!

Véritable carrefour d’humanité, l’hôtellerie accueille des sans-abri, des groupes de catéchisme, des étudiants en blocus… Le week-end précédant ce reportage, vingt personnes en situation de handicap mental et leurs encadrants ont séjourné à l’abbaye de Scourmont. « C’est une de nos spécificités: ici, on a l’infrastructure pour les accueillir. L’objectif de notre hôtellerie n’est pas l’argent, c’est l’hospitalité pour tous. »

Cette ouverture se reflète également dans les tarifs proposés: « Notre montant de référence est de 40€ par jour par personne, repas compris. » Mais l’argent ne doit jamais constituer un frein au séjour: « Celui qui ne possède pas ce montant, il donne ce qu’il a. D’autres, à l’inverse, donnent plus que le prix demandé. » L’hôtellerie dispose d’une salle de conférence flambant neuve. De quoi accueillir des retraites, conférences ou activités de catéchisme dans des conditions optimales.

Une Chimay aux œufs d’or

Après l’office, les hôtes se retrouvent pour le dîner. Le succulent repas (boulettes, purée, haricots) a été préparé en partie avec des produits du potager. Le tout arrosé d’une bière de table, une Chimay dorée. Cette petite bouteille, à l’apparence anodine, permet de faire tourner l’économie de l’hôtellerie: « La seule contribution des hôtes ne suffirait pas. A moins d’augmenter fortement les tarifs, mais ce n’est pas notre volonté. Nous ne recevons pas de subsides non plus. Fort heureusement, nous avons les recettes des bières et des produits estampillés Chimay. »

Et quid du futur? « Il est vrai que dans certaines abbayes cisterciennes, le maintien de l’hôtellerie se trouve menacé par le déclin des effectifs. Parfois, les frères parviennent à déléguer la tâche à des laïcs, quand ils en trouvent, mais dans d’autres cas, le monastère doit fermer. » Rassurez-vous, à Scourmont, pas de risque immédiat: « Tant qu’on a des frères à qui on peut assigner cette charge, il n’y a pas de problème. »

Article Clément LALOYAUX (CathoBel)

👉 Envie d’effectuer une retraite à l’abbaye de Scourmont? Toutes les infos sur: www.scourmont.be

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