Dialogue interreligieux : soyons Frères en humanité
Si la Covid a obligé par deux fois son report, la conférence sur « Le sens de la vie en questions » a finalement pu avoir lieu le 25 novembre 2021.
En ce jeudi soir, le Salon de la Reine de l’Hôtel de Ville de Tournai était tout illuminé. Des notes de musique jouées au violon et au piano accueillaient les auditeurs de cette conférence organisée par le groupe inter-convictionnel de Tournai.
L’abbé Michel Decarpentrie, Doyen de Tournai, a ouvert la soirée en rappelant l’historique de ce groupe qui a vu le jour en 2004-2005. Après dix années de standby, entre 2009 et 2019, le groupe « a retrouvé le chemin du dialogue » et a annoncé en février 2019 la reprise des conférences. Celle qui a rassemblé cette audience hétéroclite ce 25 novembre l’a été deux fois avant de pouvoir être organisées dans des conditions optimales.
Pour aborder la question du sens de la vie, trois intervenants : Corinne Poncin (avocate honoraire), Stanislas Deprez (chargé de cours à l’UCLouvain) et Rachid Laamarti (imam). Chacun d’eux était introduit par un membre du groupe et des interludes musicaux clôturaient chaque intervention, afin de permettre au public de méditer sur ce qui venait d’être dit.
Sans imagination, pas de « vivre ensemble »
Stanislas Deprez a été le premier à prendre la parole. Durant son intervention, il a notamment abordé la question du sens du récit biblique. La Bible n’est plus aujourd’hui perçue comme un récit historique, mais elle peut être considérée comme « significativement vraie ». De même, il a rappelé que si l’Eglise était autrefois intimement liée à l’Etat et au pouvoir, ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Il est aujourd’hui caduque d’avoir la prétention de donner des leçons », a-t-il ajouté, rappelant la triste actualité.
Faisant le lien avec le Synode sur la Synodalité qui vient de s’ouvrir, il a précisé que le terme même de « Synode » veut dire « Cheminer Ensemble ». Faisant un parallèle avec la religion égyptienne, il a souligné qu’une croyance peut ne pas être exacte mais malgré tout avoir du sens pour ceux qui y croient. « Il n’y a pas de vie humaine sans imaginaire », a-t-il ajouté.
Télécharger le texte de l’intervention de Stanislas Deprez (PDF)
Fondements du dialogue
L’intervention de Rachid Laamarti tournait davantage autour du dialogue interreligieux. Lui qui venait de France a souligné que « même si les distances sont petites, les frontières sont lourdes », faisant un parallèle avec la distance entre les différents courants de pensées.
Il a rappelé que chrétiens, juifs et musulmans ont en commun d’être des communautés détenant un livre révélé, dont la chronologie est différente. Il ne faut pas rejeter ce qui est venu avant, mais lui donner le respect dû à un aîné. Contredisant Jean-Paul Sartre, il a ajouté « l’enfer, ce n’est pas l’autre » : aller vers l’autre renforce la conviction, il est bon de demander à ceux qui sont venus avant soi.
Pour lui, il existe quatre fondements du dialogue interreligieux :
- « Point de contrainte en matière de religion » : on ne peut forcer quelqu’un à croire, il faut respecter le choix de l’autre.
- « Nulle existence sans l’autre » : pour exister, il faut aller vers l’autre.
- « La religion a une éthique » : dans un dialogue, il existe plusieurs éléments, dont les premiers sont la bonté envers son interlocuteur et la recherche de l’égalité. Il ne faut pas chercher querelle ou chercher à être le meilleur.
- Finalité : quand on va vers le dialogue, on a envie que l’on joigne sa pensée, même si on ne s’en rend pas compte. Pourtant, reprenant un verset du Coran, il souligne « Si ton Seigneur l’avait voulu, il aurait fait de vous une même communauté ».
Pourquoi vivons-nous ?
Dès le début de son intervention, Corinne Poncin a rappelé que le « Sens de la vie » ne se trouve pas dans le dictionnaire et que l’on grandit en cherchant des réponses à nos questions : « pourquoi vivons-nous ? », « Quelle direction prendrons-nous ? ».
« Nous possédons la connaissance de notre finitude depuis la nuit des temps » a-t-elle ajouté. A ce constat, il existe différentes réactions : « Elles vont du palliatif au rejet, de l’acceptation résignée à la révolte suicidaire, elles passent par la notion d’absurdité jusqu’à celle qui nous occupe ce soir, à savoir trouver un sens, une direction à sa propre vie, et peut-être aussi à celle de ses proches, à celle d’un groupe, à celle d’une société entière, à celle de tout ce qui nous entoure. »
Pour trouver matière à ce sens, dit-elle, « il nous faut admettre nos multiples ignorances, nos regrettables imperfections, nos outrecuidances destructrices. Ensuite, se posera la question de savoir comment éviter ces écueils, s’en éloigner, mais toujours les avoir à l’œil. »
Sa conclusion, qui rejoint les pensées des autres intervenants, est que « Nous sommes venus au monde. Nous ne sommes rien d’autre que nous- mêmes. Nous sommes frères en humanité, nous sommes solidaires des uns et des autres. Nous sommes conscients d’appartenir à un monde, complexe, varié, différent de nous. Nous sommes ici pour en débattre, pour trouver les meilleures solutions, pour contester les horreurs programmées et les destructions arbitraires. Nous sommes ici pour servir éventuellement de modèles à d’autres, lors de rencontres, risquées ou non, qui peut savoir ? En avant ! Cela donnera du sens à notre vie. »
Télécharger le texte de l’intervention de Corinne Poncin (PDF)