Du 11 septembre 2001 au 11 septembre 2021 : vingt ans de guerre contre le terrorisme

Du 11 septembre 2001 au 11 septembre 2021 : vingt ans de guerre contre le terrorisme.

La souffrance de nos frères afghans

Le 11 septembre 2001, des attentats simultanés organisés par Al Qaïda (Oussama Ben Laden) détruisent des sites à New York, Washington et ailleurs ; ils entraînent la mort de 2977 personnes.

Vingt ans plus tard, en 2021, l’opinion mondiale est sous le choc du départ des Américains d’Afghanistan (31 août 2021).

Certes, nous savons bien que ces événements ne peuvent se comprendre que dans le cadre d’une lecture géopolitique, dont le cadre fondamental relève de la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique. Sans entrer dans les multiples points de vue en présence au plan international (Chine, Russie, Turquie, Arabie Saoudite et alliés), j’essaie de présenter ce qui concerne directement l’Afghanistan.

Selon une méthode bien éprouvée, il est bon de ne pas commencer l’approche d’une région à partir des décennies qui précèdent le moment présent, mais bien des millénaires qui ont forgé les mentalités dans cette région du Moyen Orient.

Au premier millénaire avant l’ère chrétienne les populations de l’Afghanistan actuel étaient reliées au Royaume des Mèdes.

Ensuite, du VIème au Vème siècle avant l’ère chrétienne, elles font partie de l’empire perse achéménide, avec les empereurs Cyrus II et Darius Ier.

Le Macédonien Alexandre le Grand occupe cette région en 323 avant l’ère chrétienne. Une colonie grecque est fondée : Aï Khanoun. Avec les royaumes gréco-bactrien de Bactriane et indo-grec, c’est la culture gréco-bouddhique qui se manifeste. Avant l’ère chrétienne, nous avons encore le royaume indo-scythe et le royaume indo-parthe.

L’empire Kouchan (du Ier au IIIème siècle de l’ère chrétienne) a une grande étendue géographique. Après la prédication du Prophète Muhammad (VIIème siècle), l’islam s’impose dans cette région. Les dynasties perse et turque gèrent les différents territoires.

Avec l’influence musulmane majoritaire, nous sommes en Khorasan, envahi par Gengis Khan et Tamerlan. Un petit-fils de Tamerlan fonde un royaume à Kaboul. Il sera à l’origine de la dynastie des Moghols qui auront autorité jusqu’en Inde.

En 1747, Ahmad Khan fonde la dynastie des Durrani, qui va régner jusqu’en février 1919. A partir du XVIIIème siècle, il faut compter avec les ressortissants du futur empire britannique (militaires, commerçants), qui influencent considérablement l’évolution politique du Moyen-Orient jusqu’aux Indes (Pakistan, Inde, Bengla-Desch). L’émirat et royaume d’Afghanistan change de régime en 1973. Nous avons ainsi une République qui va de juillet 1973 au mois d’août 1978. D’une autre tendance que le président de la République Mohammad Daoud Khan, Ahmad Shah Massoud entre en résistance en 1973, et prend le nom de Commandant Massoud.

A partir de 1978, le régime afghan est instable. En effet, le 25 décembre 1979, l’Armée Rouge (Soviétique) envahit l’Afghanistan. L’occupation par des ennemis communistes, athées, va durer jusqu’au 15 février 1989. Il s’agit d’une première secousse profonde de l’empire soviétique, dirigé par Gorbatchev. Le mur de Berlin s’écroule en novembre 1989.

Les Soviétiques partis, ce sont des idéologies jihadistes (guerre sainte) qui vont, à partir du Pakistan, s’imposer en Afghanistan. Nous avons également l’influence de l’Iran, au sud de l’Afghanistan, qui prône une république islamique shiite, tout en étant en guerre avec l’Irak de Saddam Hussein. Les Etats-Unis et leurs alliés entrent pour la première fois en guerre avec l’Irak au début des années 1990.

Les opposants musulmans à la politique américaine, les moudjahidins, s’installent en Afghanistan. Ils prennent le pouvoir en 1992. Ils sont supplantés par les Talibans en 1996. Les Talibans font partie de l’héritage des écoles islamiques fondées dans l’empire britannique des Indes au XIXème siècle. Ces écoles ont une vision de l’islam qui est en dehors de la tradition. Elles sont opposées à tout ce qui pourrait ressembler aux droits humains : liberté de religion, égalité de l’homme et de la femme, éducation proposée à tous, distinction entre le droit religieux et le droit de l’Etat de droit.

Cette situation, qui est gérée par les Talibans, entraîne la première guerre d’Afghanistan en 2001, une guerre civile dont on ne voit pas la fin.

Le 9 septembre 2001, le Commandant Massoud est assassiné. Peu de jours après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis inaugurent la guerre contre la terreur des Talibans le 7 octobre 2001.

En 2003, l’OTAN veut gérer la région afin d’instaurer un régime démocratique en Afghanistan et dans les Etats voisins. Les citoyens américains envoyés en Afghanistan éprouvent d’immenses difficultés à imposer la démocratie. Les morts au combat, les mutilés sont très nombreux. Le Président Barack Obama envisage le retrait des troupes américaines. Le vice-président Joe Biden partage cet avis. Le nouveau Président Donald Trump annonce en 2018 que les Etats-Unis se retirent de ce conflit. Cette annonce est mise sous forme juridique dans les accords de Doha en février 2020.

Le nouveau Président Joe Biden applique ces accords en août 2021.

La démocratie n’est pas instaurée en Afghanistan. Les Talibans, chassés du pouvoir en 2001, reviennent diriger le pays dès le départ des troupes américaines.

Depuis leur intervention du 7 octobre 2001, les Etats-Unis d’Amérique n’ont pas réussi leur objectif. C’est vrai. En même temps, la géopolitique a, elle, considérablement changé. La Russie de Vladimir Poutine, la Chine, la Turquie, l’Iran, l’Arabie et Israël ont beaucoup évolué.

Les médias européens ne cessent de dire que l’Union Européenne devrait avoir une diplomatie commune, et une armée pour défendre ses intérêts partout sur la planète. C’est possible. On oublie parfois qu’il y a, entre différents Etats européens, des vues historiques très différentes sur les relations avec le Moyen-Orient, l’Etat d’Israël, la Turquie et la Russie. D’où la nécessité de dialoguer sans cesse pour discerner, et prendre des décisions.

Dans ce contexte, l’intervention du Pape François ne varie pas. Dans des moments de crise, la première chose à faire est d’accueillir les personnes, les familles qui, si elles ne quittent pas leur pays d’origine, sont irrémédiablement destinées à la mort violente. En d’autres termes, avant de refaire le monde à 4000 kms de distance des événements, soyez responsables et aidez les frères et sœurs en humanité.

L’Afghanistan, 652.225 km², compte 35 millions d’habitants. Les statistiques sont peu fiables. La grande majorité est musulmane (99 %). 80 % sont sunnites. On compte quarante langues en Afghanistan. Deux langues sont officielles : le persan (dari) et le pashtu.

Il y a quelques années, j’ai baptisé, en la Cathédrale de Tournai, tous les membres d’une famille de réfugiés afghans. Ils représentent, pour moi, l’immense souffrance d’un peuple qui vit en guerre depuis 1979.

+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai

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