Journée des prêtres : entre ressourcement, émotion, joie et espoir
À l’occasion de la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus, les prêtres de notre diocèse étaient invités à rejoindre Mgr Harpigny à la Cathédrale de Tournai. Bonheur de se retrouver, témoignage émouvant et espérance d’une paix retrouvée pour l’Ukraine, moments d’intériorité et de partage se sont mêlés au cours de cette journée de prière pour la sanctification des prêtres.
Plusieurs temps forts rythment habituellement la traditionnelle « journée des prêtres » du diocèse de Tournai. Possibilité de vivre le sacrement de la réconciliation, moment d’adoration du Saint Sacrement, partage d’un témoignage, célébration et bien sûr un moment convivial autour d’un repas. En ce 24 juin 2022, tous les prêtres présents ont été particulièrement attentifs et émus par le récit à la fois terriblement digne et difficile du père Michel Dymyd, revenu un jour plus tôt d’Ukraine.
Prêtre gréco-catholique né en Belgique et ordonné en 1994 à Lviv, marié et père de famille, Michel Dymyd réside depuis quelques mois à Charleroi, pour assister sa maman souffrante. Alors que le père Dymyd faisait un bref séjour en Ukraine, son fils Artem, âgé de 27 ans, est tombé lors d’une attaque russe alors qu’il combattait pour son pays. Si Michel Dymyd s’est demandé s’il devait comme prévu venir apporter un témoignage au cours de cette journée, alors qu’il venait à peine de célébrer les funérailles de son fils, le besoin de faire savoir ce qui se passe dans ce pays martyrisé et de porter un message de joie et d’espoir, au-delà de toute douleur, a été le plus fort.
Le sacrifice conduit à la résurrection
« Quand la guerre a commencé, Artem était aux États-Unis. Il a acheté un casque et un gilet pare-balles, et il est allé se battre pour son pays. Comme prêtre et comme papa, j’ai béni mes deux fils quand ils sont partis au combat. Artem a sacrifié sa vie pour sa patrie mais aussi pour le Seigneur. » Pourtant, malgré la brèche qui s’est désormais ouverte en lui avec cette perte, le père Dymyd voulait que l’espérance reste au cœur de son message. « Pour les funérailles d’Artem, il y avait 30 prêtres, plus de 1000 personnes, le maire de Lviv, une ville de 800.000 habitants, n’avait jamais vu autant de monde pour les funérailles d’un soldat. Mais l’idée principale que je souhaite partager est que le sacrifice mène à la résurrection. Et c’est ce qui se ressentait au cours de la célébration. La joie et le partage sont ce que le Seigneur nous a offert en cadeau. »
Mais le témoin du jour ne voulait pas consacrer toute son intervention à la mort tragique et aux funérailles d’Artem. Avec pédagogie, comme il l’a fait en diverses occasions au cours des mois précédents dans notre diocèse, il a évoqué l’histoire de l’Ukraine, une russification qui a commencé il y a déjà plusieurs siècles sous le règne des tsars puis du communisme, l’indépendance du pays. Il a insisté aussi sur le chemin énorme parcouru en 30 ans seulement par un peuple épris de liberté, de paix, de démocratie.
« Quand j’ai demandé à quelques frères d’arme d’Artem le message qu’ils souhaitaient que je ramène ici, il y avait le fait que l’Ukraine n’était qu’une première étape pour la Russie, qui veut aller plus loin. Ils m’ont dit aussi qu’ils restaient confiants dans la résilience et la résistance des Ukrainiens. » Et le père Dymyd a encore demandé à tous les prêtres présents de continuer à porter ce pays dans leurs prières…
Faire confiance
Dans son homélie, Mgr Guy Harpigny a incité lui aussi la bonne septantaine de prêtres qui avaient répondu à son invitation pour cette solennité à faire la part belle à la confiance. Vue de l’extérieur, l’Église est en crise. On évoque l’implosion du catholicisme français, on s’interroge sur le financement des cultes chez nous, on pointe un peu partout l’écart entre les droits humains et les pratiques ecclésiales. Au sein de l’Église-même, certains rêvent de rendre tous les pouvoirs aux mains des curés, des prêtres, de gommer le Concile Vatican II.
Au même moment, le processus synodal fait surgir un appel à une plus grande proximité au plan pastoral, à des ensembles territoriaux moins vastes, à une liturgie revue, dépouillée de codes que peu connaissent encore.
Alors comment réagir ? Pour Mgr Guy Harpigny, il faut avant tout ne pas croire que Dieu abandonne les chrétiens en Europe, relire l’itinéraire de vie avec l’appel qui a été perçu, avec tous les visages qui nous ont fait grandir. Il ne faut pas avoir peur des questions posées au plan théologique, examiner ce que demandent les chrétiens, voir ce qui peut être proposer.
Enfin, « au plan pastoral, le premier critère est d’aimer les personnes, les gens, avant d’imposer une ligne personnelle. Le deuxième est de s’intéresser à ce que les personnes vivent. Ensuite de les accompagner sur le chemin de la foi. Et enfin de manifester concrètement qu’on est membre d’une communauté de foi. » Notre évêque insiste : « L’essentiel, pour nous, prêtres, est de continuer à faire confiance. Nous devons juger le réel à partir d’un Dieu qui nous aime, qui est capable de donner sa vie pour chacun et chacune de nous. Nous avons à progresser, mais jugeons et discernons à partir de ce Dieu qui nous aime… »
Agnès MICHEL