L’Évêque … un veilleur
Il y a, dans la vie de l’église, des moments privilégiés. Des instants où Dieu nous fait signe. Des événements où le projet du Père continue sans relâche à prendre Corps dans le Fils par l’Esprit. N’est-ce pas à un tel moment que les chrétiens du diocèse de Tournai sont conviés ?
Lorsqu’un diocèse » reçoit » un évêque, lorsque les chrétiennes et les chrétiens accueillent un nouvel évêque, que se passe-t-il réellement ? Quel est le rôle, la responsabilité d’un évêque dans un diocèse ?
Du diocèse à l’Église locale
Il est d’usage courant d’appeler » diocèse » la partie de territoire placée sous la juridiction d’un évêque. Est-ce à dire que le seul rôle de l’évêque est d’administrer les chrétiens qui vivent sur son territoire ? Certes non. Le terme de » diocèse » nous vient des structures administratives de l’empire romain, et s’il appartient au langage juridique, il est bien imprécis théologiquement et pastoralement. Vivre le ministère épiscopal en un lieu n’est pas gérer un territoire comme le ferait un bourgmestre ou un gouverneur de province. Nous sommes là sur un autre registre.
L’évêque assume pleinement le ministère apostolique. Membre du collège épiscopal, il succède aux apôtres comme pasteur de l’église. être appelé à un ministère dans l’église n’est pas une » promotion sociale « , c’est accueillir un don que Dieu fait à son église. Le ministère est au service de l’église. Il n’a pas, en lui même, sa raison d’être. Il existe pour le service de la communauté. Dès les premiers temps de l’église, les chrétiens ont éprouvé le besoin de se structurer, de s’institutionnaliser dans un profond respect de la conscience du don que Dieu leur fait chaque jour. Pour accueillir ce don, il fallait que le service de la Parole, des sacrements et de la charité soit assuré dans toutes les communautés. Au cours des siècles, des ministères ont été ordonnés au service de l’église. Nous les connaissons, il s’agit des » ministères ordonnés » : l’épiscopat, le presbytérat, le diaconat.
Au Concile Vatican II (1962-1965), les Pères ont clairement présentés l’épiscopat comme un ordre distinct du presbytérat : » la consécration épiscopale confère la plénitude du sacrement de l’ordre » (Lumen Gentium 21, Constitution sur l’église) et » C’est en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres que quelqu’un est fait membre du corps épiscopal » (LG 22). L’ordination épiscopale confère donc la plénitude du sacrement de l’ordre et agrège dans le collège épiscopal.
Aussi l’évêque est-il appelé pour rassembler un peuple, appelé, lui aussi, à grandir dans la foi au Père, par le Christ, dans l’Esprit pour devenir, à l’image de la Trinité, l’église de Dieu en un lieu… L’église de Dieu qui est à Tournai. L’évêque n’est donc pas un » super-prêtre « , qui ‘administre’ un diocèse. La mission de l’évêque est d’assumer en plénitude la charge pastorale de l’église locale qui lui est confiée, en communion avec tous les chrétiens de son église et en communion avec toutes les églises locales de l’église universelle.
Pour réaliser la mission, qui est la sienne, l’évêque n’est pas seul. Il y a tous les baptisés, hommes et femmes, adultes, jeunes, enfants, personnes âgées, malades… Parmi eux, quelques-uns sont appelés à un service ecclésial. Il y a plus particulièrement les prêtres » coopérateurs de l’ordre épiscopal » (LG 28). Ils sont chargés, en lien avec l’évêque, d’affermir la communion ecclésiale, dans le sillage de la mission apostolique. Avec l’évêque, les prêtres sont signes du Christ-Tête de l’église. Quelques baptisés sont appelés au diaconat. Collaborateurs de l’évêque, ils exercent, en communion avec les prêtres et tous les baptisés, le service de la communauté. Le diacre est, pour l’église, signe du Christ-Serviteur. Enfin, l’évêque peut aussi confier, pour un temps, une mission particulière à des laïcs, hommes ou femmes.
Au cœur de cette diversité, l’évêque est signe de communion. Signe, dans le sens où il réalise ce qu’il signifie : d’une part signe de communion dans son église, d’autre part signe de communion avec tous ses frères évêques pour l’église entière. En effet, l’évêque est le représentant de son église auprès de toutes les autres églises et le représentant de l’église entière auprès de son église. Il est donc un artisan d’unité, il est le garant de la communion de son église locale au cœur de l’église Une de Dieu.
C’est ainsi que l’évêque » veille » à l’apostolicité de son église, c’est à dire la fidélité à la foi des apôtres par delà les difficultés du temps et de l’espace. Cette fidélité à la foi des apôtres est fidélité au Christ, célébrée à l’eucharistie, sacrement de la communion. C’est pourquoi, les Pères réunis au Concile Vatican II pourront dire : » la principale manifestation de l’église consiste dans la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu, aux mêmes célébrations liturgiques, surtout dans la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l’autel unique où préside l’évêque entouré de son presbyterium et de ses ministres » (Sacrosanctum Concilium 41, Constitution sur la Sainte Liturgie). Un évêque dans un diocèse est un don que Dieu fait, pour que le diocèse puisse devenir pleinement église de Dieu en un lieu, église de Dieu qui est à Tournai.
Une Église de Dieu en un lieu
A l’image de la Trinité et à la suite du Christ, chaque église locale est appelée à devenir signe et moyen de communion par le témoignage, la célébration et le service. Ainsi, tous les baptisés, chacun selon sa condition, sont invités à vivre cette triple dimension de la vie en Christ. C’est pourquoi, l’évêque a la mission particulière d’enseigner, de sanctifier et de gouverner. Il a donc la charge de veiller sur l’église qui lui est confiée pour qu’elle devienne une église locale prophétique, qui célèbre la foi au Père, par le Christ dans l’Esprit et qui vit la solidarité.
Une Église locale prophétique
Une église locale est prophétique aujourd’hui, lorsqu’elle témoigne de sa foi dans le projet du Père » d’élever tous les hommes à sa communion divine » (LG 2) ; lorsqu’elle atteste de sa foi en Christ mort et ressuscité pour nous donner accès à ce projet du Père ; et lorsqu’elle se laisse animer (au sens fort d’insuffler la vie) par l’Esprit. Au cœur de l’église locale, l’évêque veille à la qualité prophétique des communautés ecclésiales. Il suscite des expressions de l’originalité chrétienne dans les débats autour des grandes questions de la vie sociale, politique et ecclésiale. Il veille aussi à donner accès aux moyens de formations tant humaines que spirituelles et théologiques.
Une Église locale qui célèbre
Comme nous l’avons déjà rappelé, l’église se construit principalement dans la célébration de l’Eucharistie. C’est pourquoi l’évêque veille à la sanctification de l’église locale, en s’impliquant pour que de véritables communautés puissent naître et grandir, animées par des ministres ordonnés et par tous les fidèles qui veulent bien s’y engager. L’avenir des paroisses et des équipes d’animation pastorale est un enjeu important de cette dynamique.
Une Église locale qui vit la solidarité
Une des originalités chrétiennes de la vie est d’accorder beaucoup d’importance à la qualité des relations humaines. A l’image de la Trinité, elles sont à penser dans la catégorie de l’Amour, du service et donc de la solidarité. L’évêque gouverne l’église locale qui lui est confiée en se souciant de tous les hommes et femmes de son diocèse, baptisés ou non-baptisés. Il veille à ce que toutes les formes de solidarités puissent se vivre réellement, en collaboration avec tous les services publics. Une église locale qui vit la solidarité, atteste de l’évangile !
M.-H. Lavianne