Homélie de la Messe chrismale en l’église Saint-Quentin, à Péruwelz, le 4 avril 2023
L’an dernier, à Mouscron, nous avons entendu le témoignage de nos frères et sœurs ukrainiens dont la patrie, l’Ukraine, avait été envahie le 24 février 2022. Un an plus tard, l’épreuve de la guerre en Ukraine n’est pas encore terminée. Parmi les armes pour rendre justice et faire respecter le droit, nous avons aussi la prière. Comme croyants en Dieu, nous savons que la prière est toujours efficace. Jésus a enseigné une prière qui contient cette demande : Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal. Continuons à demander la délivrance du mal. Continuons à intercéder pour le salut de l’Ukraine. Manifestons notre compassion pour les personnes blessées, les familles brisées, les victimes des combats. Implorons l’Esprit Saint qui est capable de convertir les cœurs pour chercher une paix juste.
Le même mois de février 2022, Olivier Vandecasteele était mis au secret dans un centre de détention en Iran. Les conditions de la détention sont inhumaines ; elles ne respectent pas le droit, les conventions internationales. Les motifs de la détention sont incompréhensibles. Depuis quelques mois, la famille d’Olivier, ses amis proches, ses collègues essaient d’éveiller les consciences, les institutions pour obtenir la libération d’Olivier. Ici encore, nous croyons que la prière est une arme efficace. Chaque soir, la maman d’Olivier dit une prière qu’elle a elle-même composée. Des bâches montrant le portrait d’Olivier sont progressivement suspendues dans beaucoup de villes. Des lieux de prière avec sa photo ont été installés. Ne désespérons pas. Dieu entend le cri des détenus et de leurs proches.
Depuis des années, à l’est de la République Démocratique du Congo, des combats meurtriers sont des signes de scandales, de mensonges d’État, d’implications de groupes occultes et de groupes qui ont pignon sur rue au plan international. Des enfants sont enlevés pour en faire des soldats. Des femmes sont systématiquement violées, blessées à vie. Des hommes sont éliminés par les moyens les plus infâmes. Finalement, qu’est-ce qu’on attend encore pour trouver les causes, pour chercher des solutions, pour permettre des négociations ? Quand trouverons-nous des responsables politiques et militaires qui osent prendre les choses en mains ? Quand comprendrons-nous que des puissances étrangères, en dehors du continent africain, estiment qu’elles demeureront immunes tant que des tribunaux spécifiques ne seront pas mis en place ?
Je prends ces trois exemples parce que, dans la province de Hainaut, dans le diocèse de Tournai, des familles sont blessées, éprouvées, désespérées par ce qui se passe en Ukraine, en Iran, en République Démocratique du Congo.
Durant le Carême, à deux reprises, les collectes du dimanche ont permis à des paysans du Brésil de maintenir leurs droits face aux entreprises agro-alimentaires organisées au plan continental. Ici encore, nous sommes devant le règne de l’injustice et du non-respect du droit.
C’est dans ce monde-là, notre planète terre, que nous participons à la Pâque du Seigneur. Du haut de la Croix, le Christ attire à lui tous les êtres humains. Par ses blessures nous sommes guéris. Lui, qui est sans péché, porte nos péchés. Par amour pour son Père ; par amour pour tous les êtres humains de tous les temps, Jésus, le Messie, le Fils de Dieu, le Roi des Juifs manifeste la miséricorde du Père et le don de l’Esprit Saint qui nous rend libres, sans entrave, délivrés du mal qui nous blesse.
La première huile, l’huile des malades, est signe de la guérison de nos faiblesses et de nos maladies. Par la célébration du sacrement de l’onction des malades, que seuls les évêques et les prêtres peuvent présider, les blessures du Christ guérissent les malades, ceux qui souffrent physiquement et moralement. Dans notre prière, nous penserons à tous ceux qui passent par l’épreuve de la maladie, en particulier l’abbé Christian Dubois, doyen du Centre-Soignies. Pensons aux prêtres fragilisés, aux diacres et à leur famille, aux personnes engagées dans la vie consacrée, aux animateurs en pastorale dont l’état de santé est très fragile.
Depuis des mois ; depuis la célébration de l’appel décisif à Marchienne-au-Pont, le premier dimanche de carême, les catéchumènes, désormais appelés élus, ont vécu les trois scrutins qui leur ont permis de voir jusqu’où le mal, le malin, peut les atteindre. L’huile des catéchumènes, dont ils sont ou seront oints, est signe de cette force qui fait comprendre plus profondément la Bonne Nouvelle, une force qui permet de s’engager de grand cœur dans les luttes de la vie chrétienne.
L’huile appelée Saint-Chrême est d’abord destinée à oindre ceux qui, par le baptême, sont plongés dans la mort avec le Christ pour ressusciter avec lui. L’onction se fait sur la tête. Portons dans notre prière la centaine de catéchumènes du diocèse. Pensons également aux nouveau-nés, enfants et enfants en âge de scolarité qui vont vivre ce sacrement.
Le Saint-Chrême est destiné aussi à oindre, sur le front, les baptisés qui reçoivent le sacrement de la confirmation. Portons dans notre prière les 114 ados et la centaine d’adultes qui sont prêts à recevoir la confirmation. Pensons à tous les enfants et aux jeunes qui vont recevoir ce sacrement entre la fête de Pâques et la fête de Pentecôte.
Le Saint-Chrême est destiné encore à oindre la tête des nouveaux évêques, à oindre la paume des mains des nouveaux prêtres. Pensons à Eloi qui sera ordonné prêtre au mois de juin à la Cathédrale.
Ensemble, les disciples du Christ baptisés et confirmés célèbrent la Pâque du Seigneur, l’eucharistie, dans des maisons, des lieux dits de culte. Formant un temple spirituel, ils font chacun de leur vie une offrande à Dieu, unie à l’offrande que Jésus a faite dans sa chair sur la Croix, une offrande sanctifiée par l’Esprit Saint.
Parmi les disciples du Christ qui répondent à un appel spécifique à la sainteté, nous avons les personnes engagées dans la vie consacrée : l’ordre des vierges consacrées ; la vie monastique ; les instituts de vie consacrée ; les sociétés de vie apostolique ; les instituts séculiers ; les familles spirituelles ; les nouveaux mouvements.
Lorsqu’un nouveau lieu de culte est inauguré, on en célèbre la consécration, la dédicace avec du Saint-Chrême. L’autel, qui représente le Christ, est oint avec le Saint-Chrême ; les murs du lieu de culte, qui ont pour fondations les apôtres, les douze apôtres, sont oints en douze endroits avec le Saint-Chrême.
Certains objets de la liturgie peuvent également être oints avec le Saint-Chrême.
Dans le diocèse, beaucoup de personnes bénévoles sont chargées des lieux de culte et de leur contenu. Les 530 fabriques d’église du diocèse veillent à ce que les bâtiments soient bien gérés. Les personnes chargées du patrimoine exercent de multiples tâches. Dans le cadre du service diocésain Art, culture et foi : commission des orgues, section archives et recherche historique, section création contemporaine, section églises, lieux de vie. Dans un autre cadre appelé Centre d’Histoire et d’Art Sacré en Hainaut (CHASHa) à l’abbaye de Bonne-Espérance. Dans un autre cadre encore : les bénévoles et les associations qui se dévouent pour la conservation et la valorisation du patrimoine, comme les Anges gardiens de la Cathédrale, les Amis de la Cathédrale, les Compagnons de Bonne-Espérance, et bien d’autres à travers le diocèse.
Ces associations, ces personnes individuelles, ces établissements publics ont une grande responsabilité. Pourquoi ? Parce que les œuvres du patrimoine permettent aux générations successives d’entrer dans le mystère de la foi chrétienne en se laissant initier à « comprendre » le sens des objets du patrimoine. Cela va du plan d’un édifice religieux, qui a un aménagement liturgique propre, jusqu’à la découverte d’objets, de tableaux, de sculptures, de fresques murales, de vases sacrés, de vêtements liturgiques, de reliquaires, de pièces musicales et de processions en tout genre.
Des paroles fortes ont été proclamées ce soir, à partir des textes bibliques.
Le prophète Isaïe parle de quelqu’un qui est consacré par l’onction : il est envoyé pour guérir ceux qui sont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération.
Le livre de l’Apocalypse parle d’un royaume et de prêtres pour Dieu.
L’évangile selon saint Luc parle de l’homélie que Jésus fait à la synagogue de Nazareth : il est celui dont parlait le prophète Isaïe.
Les textes bibliques de cette semaine sainte, les textes bibliques du triduum pascal font mémoire de l’offrande que Jésus a faite de sa vie. C’est là, sur la Croix, que Jésus est le seul prêtre, le seul grand-prêtre, qui nous fait entrer dans les cieux, le royaume de Dieu son Père. Cette offrande du Christ est sanctifiée par l’Esprit Saint.
Un seul prêtre, qui est le Christ :
Un peuple de prêtres qui participent à l’offrande du Christ :
Quelques-uns qui, par un ministère particulier, participent, par le sacrement de l’ordre, à la mission du Christ, pour annoncer l’Évangile, présider la liturgie, gouverner, servir.
Nous pensons à tous les prêtres qui vont renouveler leurs engagements ce soir. Nous prions pour ceux qui se préparent à recevoir ce ministère, et qui sont présents dans cette assemblée. Certes, comme dans tout corps humain, il y a des défections, des changements d’orientation, des abandons. Ne jugeons pas, ne condamnons pas, laissons cela à Dieu et à Dieu seul.
Au dernier repas, avant de passer de ce monde au Père, Jésus lave les pieds de ses disciples. Les diacres y voient un modèle de leur ministère. Pensons aux diacres du diocèse qui, de manière admirable, manifestent que Jésus est venu pour servir, et non pour être servi.
Comme le Christ, nous sommes tous au service de tous les êtres humains, toutes les sociétés légitimes d’êtres humains, quelles que soient leurs convictions, et même leur genre de vie. La parole de Jésus : le Royaume des cieux est tout proche, convertissez-vous et croyez à l’Évangile, cette parole est adressée à nous, les disciples de Jésus. Mais cette parole, nous avons à en témoigner, à l’annoncer, de telle manière que, comme le Ressuscité nous le demande, nous fassions de toutes les nations, des disciples. Dans la foi, grâce à la parole de Jésus, nous pouvons dire, annoncer : Le Royaume de Dieu est au milieu de nous.
+ Guy Harpigny,
Évêque de Tournai