Mons: une journée du migrant aux couleurs de l’Ukraine

«Libre de choisir d’émigrer ou de rester». C’est le thème qu’avait choisi le pape François pour cette 109e Journée mondiale du migrant et du réfugié. Dans la collégiale Sainte-Waudru, à Mons, l’édition 2023 de la JMMR s’est organisée avec et autour de la communauté ukrainienne.

Émigrer est rarement un choix. Que ce soit pour fuir un pays en guerre, une famine, des répressions politiques ou encore une situation économique précaire, la grande majorité des migrants quittent leur terre natale le cœur lourd, contraints de laisser derrière eux leur famille, leurs amis, leur maison. Ce qui devrait être un choix libre se transforme souvent en une solution de survie subie et semée d’embûches. À laquelle viennent se greffer l’indifférence, les attitudes de peur, de repli voire de rejet des pays de transit ou de destination de ces voyageurs du désespoir…

Samedi 23 septembre, la communauté ukrainienne de la région montoise est venue partager sa foi, ses traditions, ses chants et même sa gastronomie dans la paroisse de Sainte-Waudru. Dans l’assemblée très fournie venue prendre part à la «Divine Liturgie» de rite gréco-catholique, nombreux étaient les fidèles arborant des vêtements aux broderies colorées typiques des pays de l’Est. Le père Vasyl Hovhera, entouré notamment des quatre autres prêtres ukrainiens de notre diocèse, du vicaire général Olivier Fröhlich, du doyen de Mons-Borinage André Minet et de l’abbé Claude Musimar, responsable du service pastoral des Migrations, a présidé cette liturgie recueillie, nourrie de chants doux et mélodieux. Ukrainien et français se sont longuement entremêlés dans le chœur de la collégiale paré de jaune et de bleu.

Marcher ensemble

L’Évangile du jour était particulièrement adapté à cette journée d’ouverture et d’accueil. Les ouvriers de la 11e heure… Ces ouvriers qui, quelle que soit l’heure à laquelle ils ont commencé à travailler, reçoivent la même somme par le maître de la vigne pour leur labeur. «Dieu accueille sans distinction tous ceux qui frappent à sa porte», a relevé l’abbé Musimar. «Le thème de la migration suscite toujours le débat et des fractures dans la société. Cela devrait nous faire réfléchir sur cette parabole, elle nous interroge sur la société d’aujourd’hui. Nous sommes parfois comme les ouvriers de la 1ère heure, qui récriminent de ne pas être payés plus que les derniers arrivés dans la vigne. Nous avons des regards désapprobateurs envers les chômeurs, les migrants, les personnes défavorisées. Mais Dieu aime tout le monde.»

Ce n’est pourtant qu’en marchant ensemble qu’on atteindra notre objectif commun, a souligné le pape François dans son message pour cette 109e Journée du migrant et du réfugié. Un pape qui était au même moment à Marseille, pour secouer un continent européen parfois trop frileux dans ses politiques d’accueil et de solidarité, indifférent au sort des milliers de migrants qui périssent noyés dans les eaux hostiles de la Méditerranée.

Un climat de peur permanente

Le doyen André Minet a ensuite donné la parole au père Michel Dymyd, prêtre auxiliaire à Charleroi et qui avait atterri quelques heures plus tôt, de retour d’un séjour en Ukraine où se trouve une partie de sa famille. «Il est important de mettre des visages sur le drame vécu en Ukraine», a relevé le doyen. «Dans l’exposition qui vous est présentée dans la collégiale, les icônes ont été écrites sur des restes de la guerre [ndlr: des couvercles de boîtes de munitions]. Si le bois est marqué, le cœur de Dieu l’est aussi.»

Avec beaucoup de dignité mais sans mâcher ses mots, le père Dymyd a évoqué les sources historiques du conflit, qui remontent bien loin dans le temps. La volonté d’expansion de Vladimir Poutine.  La résistance et la résilience d’un peuple qui lutte pour conserver sa liberté et son indépendance. La déportation d’enfants vers la Russie. Les familles divisées. Un fils tombé sous un bombardement russe tandis que le deuxième est toujours au combat. Une fille encore adolescente qui devrait envisager l’avenir avec joie et légèreté mais qui se voit envahir par la haine de ceux qui ont pris la vie de son frère. «Merci à vous tous qui êtes présents, à ceux qui prient pour l’Ukraine, à ceux qui accueillent des Ukrainiens, à ceux qui cherchent des chemins de paix.»

Un peu de douceur(s)

C’est sur un ton plus léger que l’après-midi s’est poursuivie, dans le foyer Sainte-Waudru, juste en face de la collégiale. Le père Ihor Nakonechnyy a tour à tour fait résonner guitare et accordéon, présenté les jeunes artistes qui ont chanté, joué du violon, fait découvrir la bandoura, étonnant instrument ukrainien à 56 cordes. Dans le public, les Ukrainiens présents ont repris les chants traditionnels. On pouvait les voir fiers, émus et joyeux tout à la fois. De partager ce moment, de faire connaître leur culture, de vivre peut-être quelques instants sans trop penser au conflit qui déchire leur pays, aux familles encore là-bas.

Dans la pièce attenante, un buffet impressionnant attendait les participants, pour terminer la journée en douceur. Des tables remplies de spécialités pleines de couleurs et de saveurs inhabituelles pour nos palais. Quel meilleur moyen d’aller vers l’autre que de le découvrir dans sa culture, ses habitudes, et ce qui le fait vibrer!

Agnès Michel

Pour aller plus loin, nous vous proposons ‘Paroles de migrant’, neuf podcasts de l’Église Catholique à Bruxelles, avec les moyens techniques de RCF-Bruxelles. Le témoignage fort et porteur d’espérance d’hommes et femmes, venus du monde entier, qui vivent aujourd’hui à Bruxelles.