Une Église synodale en mission

Une Église synodale en mission

Le récent synode des évêques à Rome (4-28 octobre 2023) sur la synodalité a été un événement passionnant avec des rencontres très riches. Les échanges ont abouti à un rapport de synthèse (Une Église synodale en mission) qui donne un aperçu de tous les thèmes qui ont été abordés. Il est impossible de résumer ici la richesse de ce rapport de synthèse. Après des impressions générales sur le synode suivront quelques lignes de force du rapport.

Pour les pères et mères synodaux le mois d’octobre à Rome a été fatiguant mais surtout encourageant. Dans le processus synodal initié en 2021 par le pape François, j’ai vécu le Synode des évêques comme une étape décisive dans le renouveau de notre Église. Dans un grand respect mutuel, nous avons connu des moments forts d’écoute et d’échange entre frères et sœurs dans le Christ. Nous avons parlé avec une grande ouverture d’esprit, sans tabous, de tous les thèmes formulés dans l’Instrumentum Laboris: communion, participation et mission. A la fin de cette première session du Synode il n’y a pas de conclusions telles que les médias les attendaient. Pourtant, je ne suis pas déçu mais content car j’ai pu constater qu’il y a quelque chose qui bouge dans notre Église. Elle est une Église en conversion. Elle reconnaît que le cléricalisme a été à la base de toutes sortes d’abus. Elle se veut désormais une Église plus synodale.

Égale dignité de tous les baptisés

Quelles sont les grandes caractéristiques de cette Église synodale qui se démarquent dans le rapport de synthèse ? Premièrement, il s’agit d’une Église qui reconnaît l’égale dignité de tous les baptisés, membres du saint peuple de Dieu. En même temps le Synode a beaucoup insisté sur la coresponsabilité de tous les baptisés dans la mission de l’Église. Dans cette perspective, le Synode ne se limite pas à stimuler l’engagement des chrétiens dans le monde (famille, profession, culture, économie, politique, etc.). L’assemblée synodale a fortement reconnu la contribution de tous les baptisés – dans la diversité de leur charisme et de leurs ministères institués ou de fait – à la vie et à la mission de l’Église. La place des femmes dans l’Église et dans les responsabilités pastorales n’est plus traitée comme une question ou un problème. Cette place a été largement reconnue comme une réalité croissante. L’assemblée synodale a demandé de conclure avant la deuxième session en octobre 2024 les études sur la possibilité du ministère ordonné du diaconat pour les femmes, tout en demandant une clarification de la théologie du diaconat permanent en général.

Un autre mode d’exercice de l’autorité

En deuxième lieu, une Église synodale ne considère pas les ministres ordonnés (évêques, prêtres, diacres) comme une catégorie à part ou un état avec ses privilèges, élevés au-dessus des baptisés non-ordonnés. Les ministres ordonnés ne sont pas des chrétiens plus élevés ou meilleurs en raison de leur ordination. En tant que baptisés, ils accomplissent un service spécifique dans et pour la communauté chrétienne. Leur responsabilité n’autorise jamais de traiter les autres chrétiens de façon autoritaire ou irrespectueuse. Le Synode et le pape François, dans une intervention très remarquée, veulent mettre définitivement fin au cléricalisme. Bien définir à l’avenir la spécificité du ministère ordonné reste un sérieux défi. Le rapport entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel doit être davantage précisé dans un langage compréhensible. Une Église plus synodale fait le choix d’un autre mode d’exercice de l’autorité par tout qui porte une responsabilité dans l’Église. Davantage de concertation, de prière et de discernement en commun sont nécessaires à tous les niveaux de l’Eglise. Les responsables doivent agir de façon plus transparente et être toujours prêts à rendre compte de leurs décisions.

Une Église inclusive

Troisièmement, une Église synodale veut devenir une Église inclusive où tous sont les bienvenus. Le ‘todos’ des JMJ à Lisbonne sonnait comme ‘tutti’ à Rome. Comment réaliser une telle attitude accueillante vis-à-vis des personnes qui n’arrivent pas à vivre à la hauteur de l’idéal de l’Évangile et qui se sentent parfois méconnues, même condamnées par l’Église ? S’inspirant de l’exemple de Jésus (qui n’a condamné aucun pécheur sans pour autant approuver le péché) l’assemblée synodale s’est clairement prononcée en faveur d’une pastorale telle que le pape François l’a présentée dans Amoris Laetitia : une pastorale qui écoute, accompagne, discerne et cherche à intégrer les personnes dans la vie ecclésiale. Quant à la tension entre une telle pastorale et la doctrine de l’Église, l’assemblée synodale a demandé que soit installé au niveau de l’Église universelle un groupe d’étude qui met en dialogue la théologie, la philosophie et les sciences humaines sur les questions d’anthropologie chrétienne. On espère en voir les premiers résultats avant la deuxième session en octobre 2024.

Enfin, il est clair dans le rapport de synthèse qu’une Église synodale ne peut être une Église auto-référentielle. Nous n’avions pas l’impression au cours du mois d’octobre dernier de nous occuper d’une série de questions intra-ecclésiales. Une Église qui veut grandir en synodalité le fait en ayant devant les yeux un meilleur accomplissement de sa mission : être témoin de l’amour de Dieu dans le monde. C’est pourquoi le titre du rapport final est double : une Église synodale, en mission. En annonçant l’Évangile dans le monde, une Église synodale compatira fortement avec l’humanité en route vers le Royaume de Dieu. Une telle Église sera aussi à l’écoute du monde, convaincue que l’Esprit Saint y est aussi à l’œuvre.

Au cours de cette première session du Synode sur la synodalité, la grande majorité des participants ont suivi le pape François dans les nouveaux accents qu’il a imprimé ces dix dernières années. J’espère qu’il y aura une forte suite pour octobre 2024. Nous prions pour que le pape François puisse accompagner tout le processus synodal et que nous puissions nous réjouir des fruits grandissants de ce grand événement. Nous ne devons pas attendre les résultats d’octobre 2024 sans rien faire. Nous pouvons déjà nous entrainer davantage à la synodalité dans nos rencontres et réunions ecclésiales. Dans une concertation respectueuse et un discernement commun nous pouvons grandir dans une responsabilité portée ensemble. Cela vaut certainement la peine de se réunir et d’échanger sur ce qui signifie pour nous tous être baptisés. Nous ne sommes d’ailleurs pas simplement en chemin ensemble, nous suivons ensemble le Chemin qu’est le Christ pour nous.

+Koen Vanhoutte
Représentant de l’Église belge au Synode des évêques  (octobre 2023)

Pour le rapport de synthèse du synode : cliquez ici

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