«Une justice humaine ne sera pas suffisante»
L’abbé Simon Naveau, Thudinien d’origine, est présent en Terre Sainte pour quelques mois afin de travailler sur sa thèse. Il revient sur la situation sur place et se montre très pessimiste quant à l’issue du conflit. Découvrez son témoignage depuis Jérusalem (article Cathobel).
Le conflit entre Israël et la Palestine a pris une nouvelle tournure le 7 octobre 2023, jour où le Hamas a lancé depuis la bande de Gaza des milliers d’assaillants dans des villes et des kibboutz environnants, massacrant plus de 1.200 personnes.
Présent depuis septembre dernier en Terre Sainte, non loin de Bethléem, l’abbé Naveau dit ne s’être jamais senti en danger, malgré la situation tendue: “Les violences perpétrées par le Hamas ont été d’une violence inédite, c’est-à-dire d’une intensité encore jamais vue depuis l’indépendance d’Israël en 1948. Par ailleurs, la réponse d’Israël sur Gaza, et donc sur le Hamas, est grave. Et bien sûr que l’intensité de tout cela est variable et peut se vivre aussi dans les cœurs de cette manière-là. Depuis l’indépendance du pays, il y a régulièrement des moments plus tendus que d’autres. Les Israéliens sont traumatisés.”
Une situation qui n’empêche pas les citoyens de vivre, même si on sent qu’une chape pèse sur le pays: “Il est possible d’aller en excursion ou de se rendre au centre commercial par exemple. Il faut seulement faire avec le manque d’informations. Les étrangers (expatriés, missionnaires, touristes, pèlerins, etc.) sont partis dès le début de l’offensive, laissant les lieux touristiques, habituellement noirs de monde, complètement vides. Ainsi, l’église du Saint-Sépulcre est désertée, mis à part quelques touristes locaux.”
La situation en Israël et en Palestine attriste beaucoup le jeune prêtre, surtout en Cisjordanie, où la situation est plus complexe. Là-bas, le mur qui sépare le territoire est fermé et les checkpoints ne laissent pas toujours passer la circulation. “Cela ne veut pas dire qu’il est impossible de passer, mais c’est très compliqué, les checkpoints ne sont pas toujours ouverts. C’est plus intense, encore plus difficile de passer de l’autre côté du mur. Cela a de graves répercussions sur la situation économique: la plupart des gens ont perdu leur emploi, seuls les employés de l’Eglise ont encore le leur.”
«Il faut un miracle»
L’abbé Naveau a célébré les festivités de la Nativité à Bethléem. “L’église, normalement bondée, était uniquement peuplée avec les gens des environs. C’était une célébration poignante et les fastes de Noël étaient sobres.” Le père est toutefois peu optimiste quant à l’issue de ce conflit. “Il faut un miracle. A vue humaine, c’est impossible. Il y a de telles blessures de part et d’autre qu’il est nécessaire de passer par un pardon d’ordre divin. Une justice humaine ne sera pas suffisante car elle passe par la reconnaissance d’une même vérité. Or, une large frange de la population est dans le déni de la vérité. Et ça, on le voit aussi en Europe avec la montée des extrémismes. Il y a des défiances entre beaucoup de gens. Par exemple, depuis que je suis ici, on m’a déjà craché quatre fois dessus. Cela veut dire qu’il y a une haine, un mépris, entre les communautés. Et pour arranger cela, on ne peut espérer qu’une fin rapide des combats. On doit apprendre à se raconter l’Histoire, c’est une mosaïque à créer ensemble et non pas un tissu à tisser en blanc ou en noir. Vivre dans un pays en crise est un apprentissage. Beaucoup ont oublié que le péché est dans le cœur de l’homme. Le paradis n’est pas sur terre et il faut accepter les crises qui traversent notre vie, notre monde.”
Amélie Hypersiel (Cathobel)