Coévaluer pour se renouveler

Ce mardi 30 janvier, l’Université catholique de Louvain a accueilli plus de 200 participants des diocèses de Liège, Malines-Bruxelles, Namur et Tournai, venus pour la 29ème journée pastorale coorganisée par la Faculté de théologie et d’étude des religions et par les Services de formation des diocèses francophones de Belgique.

Le thème du jour était: «Se renouveler en unités pastorales. Revisiter nos actions par la coévaluation». Il s’agissait de présenter, et de faire expérimenter, un outil réalisé par l’EcclesiaLab, observatoire des innovations ecclésiales et laboratoire de bonnes pratiques. La rencontre a été conforme à son sujet, articulant exposés théoriques, témoignages d’expériences et exercices pratiques.

Quelles sont nos images d’Église?

Après une introduction par le Professeur Henri Derroitte, Rick Van Lier, ecclésiologue et coordinateur scientifique de l’EcclesiaLab, a exposé la démarche de coévaluation. Soulignant que nous avons les pratiques de nos ecclésiologies et les ecclésiologies de nos pratiques, il a invité à prendre conscience de nos images de l’Église.

Si le Nouveau Testament en propose pas moins de quatre-vingt-cinq, trois d’entre elles se dégagent: peuple de Dieu, corps du Christ, temple du Saint-Esprit. L’insistance sur l’une ou l’autre colore la pastorale: par exemple, l’accentuation sur l’Esprit est plutôt liée avec la dimension de prière personnelle, l’importance accordée aux «périphéries» est associée au peuple de Dieu, tandis que la recherche d’unité et de communion renvoie à l’image du corps du Christ.

Ce qui vaut pour nos représentations spontanées influe aussi sur nos dispositifs ecclésiaux: un partage de la Parole, une adoration eucharistique ou une distribution de vivres sont des activités d’Église mais dans des «styles» différents. D’où l’importance de disposer d’un outil d’évaluation des pratiques.

Un radar pour la pastorale

Cet outil a été expliqué par le Professeur Arnaud Join-Lambert. «Radar ecclésiologique», il n’a pas pour objectif de distribuer des bons ou mauvais points aux diverses activités ecclésiales, mais celui, essentiel, de qualifier ces pratiques, en vue de les améliorer afin que l’Église devienne toujours plus ce pour quoi elle est faite. Il consiste en une grille d’analyse de récits.

Un ou plusieurs responsables d’une activité racontent ce qui est fait devant des écoutants bienveillants. Ces derniers discernent ensemble jusqu’où les différentes dimensions de la vie de l’Église sont rencontrées par l’activité: quelle place est faite à la prière personnelle, à la liturgie, à la convivialité, au service, à l’ouverture à tous… Il en résulte une «carte» avec des insistances et des absences. Par exemple, telle messe des familles privilégie la fraternité, l’ouverture et la Parole de Dieu, mais ne met pas en avant la transmission de la foi ou prend quelques libertés avec la liturgie.

Se former en s’exerçant

Deux ateliers ont permis d’apprivoiser l’outil en se frottant à des cas concrets. Six exemples étaient proposés, chaque participant pouvant en entendre et en discuter deux: communauté du Béguinage de Cornillon, pôle jeunes à Tubize… Ces deux séquences d’une heure et demie furent suffisantes pour convaincre de la pertinence de ce «radar», et pour donner les moyens de l’utiliser dans l’évaluation de nos dispositifs ecclésiaux. Ce qui était le but des organisateurs, comme l’a indiqué en finale Philippe Hugo, à qui il avait été demandé de relire la journée.

Le directeur du Centre catholique romand de la formation en Église, par ailleurs diacre, a insisté sur la nécessité d’avoir une pratique réflexive, selon ce que l’on pourrait nommer un cercle vertueux où l’expérience est mise en récit puis analysée (grâce au radar) dans un récit sur le récit, analyse qui est ensuite reprise par les porteurs d’expérience afin d’améliorer leur pratique.

Un temps d’hommage

La journée a été suivie d’un très agréable temps d’hommage au Professeur Henri Derroitte, qui accédera dans quelques mois à l’éméritat. Plusieurs collègues de l’UCL et d’ailleurs –Arnaud Join-Lambert, Geert Van Oyen, Catherine Chevalier, Gilles Routhier et Olivier Riaudel– ont rappelé l’importance du travail effectué par Henri Derroitte au long de sa carrière: professeur à l’UCL, où il est encore vice-doyen, il a enseigné à l’Institut International Lumen Vitae, ainsi qu’à l’Île Maurice, dans le Jura Suisse, à Liège, Montréal, Ottawa et Paris, il a animé trois revues, dirigé cent-cinq mémoires et vingt-cinq doctorats.

Il a aussi joué un rôle déterminant dans la mise sur pied du Certificat d’université en Didactique de l’Enseignement Religieux et du Certificat d’étude en Théologie Pastorale. Et il a fait cela avec un souci des autres, du bien commun et de l’Église qui l’honore. Un livre d’hommage lui a été offert, qui fait écho à ses travaux: Une Église se lève. Figures d’avenir, Éditions jésuites-Novalis, 2024.

Stanislas Deprez

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