La Dignité humaine, une Déclaration du Dicastère de la Doctrine de la Foi
Le 80e anniversaire du débarquement des forces alliées en Normandie, le 6 juin 1944, est célébré par une trentaine de chefs d’Etats et de têtes couronnées, ainsi que par près de deux cents vétérans, dont beaucoup ont entre 99 et 107 ans. En raison de la situation internationale, la Russie n’a pas été invitée, mais bien l’Ukraine. Quand on connaît un peu l’histoire de la deuxième guerre mondiale, et le rôle immense joué par les armées soviétiques contre l’Allemagne nazie après l’invasion de l’Union Soviétique par les armées du troisième Reich en juin 1941, on peut se poser beaucoup de questions.
La deuxième guerre mondiale a été de pair avec le grand élan de décolonisation de l’empire britannique, de l’empire français et, par après, des possessions portugaises en Afrique.
En même temps, grâce aux accords de Yalta en 1945, l’Allemagne est divisée en quatre zones d’occupation, l’Europe centrale va être gouvernée par le parti communiste inféodé à Moscou, et l’Union Soviétique entre en guerre contre le Japon. Celui-ci est déjà voué à s’avouer vaincu, depuis qu’il a attaqué la base navale américaine de Pearl Harbor en décembre 1941. Il faudra néanmoins utiliser des armes infiniment plus destructrices encore à Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945) pour mettre fin à la guerre.
Sans entrer dans la réflexion sur la souveraineté des Etats, le devoir de défendre la patrie, le combat contre les idéologies totalitaires qui détruisent l’être humain fragile, d’une race « inférieure » ou d’une « tradition religieuse interdite », on est amené à chercher en quoi consiste, pour le moment, ce qu’on appelle la « dignité humaine ».
Ce terme est en effet galvaudé, depuis qu’il est utilisé pour encourager l’euthanasie : mourir dans la dignité !
Le pape François dit régulièrement que nous sommes entrés dans la troisième guerre mondiale. Celui qui cherche à comprendre les relations conflictuelles entre les peuples, les nations, les Etats sait qu’il est question d’économie, de ressources naturelles, de commerce, comme on apprend quand on est étudiant. Mais il y a bien plus ! En fait, tout le monde estime-t-il que tous les êtres humains sont « égaux », « dignes de respect », « à protéger en cas de difficulté » ?
L’Eglise catholique balaie devant sa porte depuis que des abus sur mineurs ont été révélés. Elle-même a eu un langage en contradiction avec ce qu’elle « enseigne ». Où était la « dignité des victimes » ? Un chemin nouveau est à prendre quand l’Eglise parle de la dignité humaine.
En 2019, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi décide d’initier la rédaction d’un texte soulignant le caractère incontournable du concept de dignité de la personne humaine au sein de l’anthropologie chrétienne, et en illustrant la portée ainsi que les implications positives au plan social, politique et économique, en tenant compte des derniers développements du thème dans la sphère académique et de ses compréhensions ambivalentes dans le contexte d’aujourd’hui. Un texte est élaboré ; il est jugé insatisfaisant le 8 octobre 2019.
Un nouveau texte est examiné le 6 février 2023. Une nouvelle version est approuvée le 23 mai 2023. Le pape François demande de mettre certains éléments en valeur, le 13 novembre 2023. Le pape pense à ce qui est dit dans l’encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020).
Le 28 février 2024, un nouveau texte, qui répond aux demandes du pape, est enfin approuvé. Le pape lui-même approuve le texte le 25 mars 2024, une Déclaration, et en ordonne la publication. Le préfet du Dicastère de la Doctrine de la Foi, le cardinal Victor Manuel Fernandez présente la Déclaration « Dignitas infinita » sur la dignité humaine, le même jour. On est en présence de vingt-quatre pages.
Je ne reprends que les titres. L’Introduction apporte une clarification fondamentale sur ce qui est « compris » dans l’expression « dignité humaine ». La première partie évoque la prise de conscience progressive du caractère central de la dignité humaine. La deuxième partie expose comment l’Eglise proclame, promeut et garantit la dignité humaine. La troisième partie montre comment la dignité est le fondement des droits et des devoirs de l’homme. La quatrième partie donne quelques violations graves de la dignité humaine : le drame de la pauvreté ; la guerre ; le travail des migrants ; la traite des personnes ; les abus sexuels ; les violences contre les femmes ; l’avortement ; la gestation pour autrui ; l’euthanasie et le suicide assisté ; la mise au rebut des personnes handicapées ; la théorie du genre ; le changement de sexe ; la violence numérique. La liste, dit la déclaration, n’est pas exhaustive.
Certains diront que certaines violations graves mentionnées dans le texte ne le sont pas quand on examine la législation de certains Etats (avortement, euthanasie, gestation pour autrui, théorie du genre, changement de sexe, par exemple). C’est justement face à cette première réaction possible, que je me permets de proposer de bien lire ce texte et d’essayer d’en comprendre le « raisonnement ». Les « théologiens » distinguent bien ce qui relève de l’anthropologie chrétienne, de la dogmatique, de la morale. La grande majorité n’a jamais suivi des cours de théologie. C’est une des raisons, selon moi, pour bien entrer dans le raisonnement du texte. Par après, ou en cours de lecture, des éléments qu’on ne soupçonnait pas peuvent nous aider à réfléchir et, qui sait, à évoluer dans notre manière de comprendre.
On peut trouver ce texte sur le site du Vatican.
Bonne lecture !
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai