Evêque de Rome, évêque successeur de l’apôtre Pierre

Evêque de Rome, évêque successeur de l’apôtre Pierre

Le samedi 15 février 2025, j’ai eu la joie de recevoir les confirmands enfants de l’unité pastorale de Saint-Mutien-Marie (Gosselies, Pont-à-Celles, Les Bons Villers) à l’évêché.

Comme d’habitude, quand des confirmands rencontrent l’évêque diocésain, ils posent des questions jusqu’à épuisement.

Une des questions était : quelle est la différence entre un évêque et le pape ?

J’ai donné une réponse en peu de mots : le pape est l’évêque de Rome (le diocèse de Rome), et il est successeur de Pierre. C’est à Pierre que Jésus a dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (Matthieu, 16,18). Un autre évêque que celui de Rome est successeur des apôtres, mais il n’est pas « le » successeur de Pierre.

La question suivante posée par un confirmand : est-ce que vous intervenez dans l’élection du pape ? J’ai répondu : non. Au début de l’Eglise, c’était le clergé de la ville de Rome qui choisissait le pape. Plus tard, il a été décidé que des personnes extérieures au clergé de Rome y soient intégrées sous le titre de « cardinal ». Ce sont par conséquent les cardinaux qui élisent le pape. Le pape Paul VI (1963-1978) a modifié la loi, en stipulant que seuls les cardinaux de moins de 80 ans pouvaient élire le pape.

Dernière question sur le même sujet : y a-t-il un cardinal belge ? J’ai demandé aux catéchistes ce qu’ils en pensaient. Aucun ne savait répondre… On savait que Godfried Danneels (1933-2019) était cardinal. J’ai répondu : l’archevêque émérite de Malines-Bruxelles Jozef De Kesel (né en 1947) et l’archevêque de Téhéran-Ispahan en Iran Dominique Mathieu (né en 1963).

Je quitte les questions du groupe de confirmands de Saint-Mutien-Marie pour éclairer une question différente. Depuis quand l’évêque de Rome est-il appelé « pape » et est-il reconnu comme ayant autorité sur l’ensemble de l’Eglise ?

Sans entrer dans une longue présentation de type historique, je me réfère à une période très difficile, le IIIème siècle. Des persécutions locales contre les chrétiens existent depuis le Ier siècle. Mais, au IIIème il s’agit d’une mesure impériale de Dèce (249-251) qui veut rétablir l’ordre dans l’empire romain. En effet, des citoyens de l’empire refusent de célébrer le culte officiel. Dèce prescrit que tous les citoyens doivent s’associer à une cérémonie qui comporte un sacrifice ou un rite de la religion traditionnelle. Ce prescrit dit qu’il s’agit d’une obligation, dont des commissions locales doivent contrôler l’exécution. Ceux qui obéissent à la convocation reçoivent un certificat (libellus).

Le refus d’obéissance, qui implique ou entraîne l’aveu de christianisme, vaut condamnation. Ceux qui refusent sont envoyés en prison. De nouvelles comparutions entraînent l’exil, la confiscation des biens, la peine capitale. Ceux qui, finalement, acceptent de célébrer le culte officiel, sont relâchés. Les chrétiens les appellent des lapsi, des gens qui sont « tombés ». Une fois que la persécution s’arrête, que faut-il faire de ces « lapsi » ? Peut-on les réintégrer dans l’Eglise ? En effet, parmi les lapsi, on compte non seulement des chrétiens laïcs, mais aussi des prêtres et des évêques.

Cyprien est originaire de Carthage (en Tunisie actuelle). Il a un parcours d’études très solide et il devient chrétien à l’âge adulte vers 245-246. Il est un témoin de la partie latine de l’empire romain. Resté célibataire et ayant distribué à peu près tous ses biens, il est élu évêque de Carthage en 249. Pendant la persécution de Dèce (249-251), il reste loin de Carthage, pour que la police ne le trouve pas. Des chrétiens lui reprochent sa « fuite ».

A Rome, l’évêque Fabien (236-250) avait été tué le 20 janvier 250. Le clergé de Rome fait des reproches à Cyprien, obligé de se défendre. Son autorité en pâtit.

Les lapsi de Carthage sont, assez rapidement, réintégrés par des presbytres. Cyprien s’en indigne. Les confesseurs, ceux qui reçoivent les lapsi, estiment qu’ils peuvent les admettre dans l’Eglise. Une discussion sérieuse entre Cyprien et les confesseurs aboutit à une reconnaissance « du bout des lèvres » de l’autorité de l’évêque.

Cyprien renvoie toute décision au Concile, qu’il va convoquer. En seront membres les clercs et les laïcs, qui ne sont pas « tombés ». En même temps, il agit de concert avec le clergé et les confesseurs romains, dirigés par le prêtre Novatien, qui « remplace » provisoirement l’évêque de Rome, Fabien, décédé. Cyprien est « innocenté » par Rome.

Mais, à Carthage, un groupe de cinq presbytres, dirigé par Novat, s’oppose à Cyprien. Novat part à Rome au début de 251. De sa « retraite », loin de Carthage, Cyprien anathématise les rebelles.

L’empereur Dèce meurt en juin 251. La persécution s’arrête. Cyprien revient à Carthage et convoque le Concile. Le Concile pardonne à ceux qui avaient reçu un libellus, et impose une pénitence à ceux qui avaient offert un sacrifice dans la liturgie impériale. L’autorité de Cyprien en sort renforcée.

A Rome, Corneille est élu évêque en mars 251. Novatien, qui espérait être élu, est furieux. Il manifeste avec sévérité contre les lapsi. Il est soutenu par Novat de Carthage et envoie des messagers au Concile de Carthage. Le Concile refuse de recevoir les messagers de Novatien, mais se distance également de Corneille. Quelques évêques africains présents à Rome exposent au Concile la situation à Rome. Finalement le Concile se rallie à Corneille.

Ce n’est pas tout.

L’empereur Trébonien Galle (251-253) et ses successeurs Valérien et Gallien (253-260) exilent l’évêque de Rome Corneille (251-253), ainsi que son successeur Lucius (253-254). En mai 254, Etienne (254-257) succède à Lucius. Il accepte le retour dans l’Eglise de deux évêques d’Espagne qui avaient chuté. Le Concile d’Afrique désavoue Etienne. Cyprien invite Etienne à se séparer de l’évêque d’Arles, passé dans la mouvance de Novatien.

Ceci montre que Cyprien reconnaît la mission de l’évêque de Rome et, en même temps, il lui fait la leçon.

Se pose alors une question nouvelle. Ceux qui ont été baptisés dans des groupes de chrétiens, en dehors de la Grande Eglise, et qui demandent de l’intégrer, doivent-ils être rebaptisés ? La plupart des Eglises d’Afrique rebaptisent. A Rome, on ne rebaptise pas. L’évêque de Rome Etienne veut imposer la coutume romaine.

Cyprien conteste la coutume romaine et demande que soit reconnue la manière de faire en Afrique.

On le voit, Cyprien, qui a une autorité incontestée sur les Eglises d’Afrique, respecte l’autorité de l’évêque de Rome, tout en demandant qu’on accepte d’autres coutumes, comme le fait de rebaptiser ceux qui, venant de groupes dissidents, demandent d’être en pleine communion avec la Grande Eglise.

Le terme de « pape » est d’abord appliqué à quantité d’évêques. Le premier appelé « pape » serait Polycarpe, évêque de Smyrne (IIème siècle). Au IIIème siècle, le titre protocolaire de « pape » est progressivement attribué aux évêques qui ont une grande autorité : à Rome, à Carthage en Afrique et à Alexandrie en Egypte.

+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai

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