Chercher la vie et rendre le monde meilleur…

Chercher la vie et rendre le monde meilleur…

Le Vicariat pour le Développement Humain Intégral du diocèse de Tournai a invité le Père Raphaël Buyse, prêtre du diocèse de Lille et formidable orateur, pour nous inciter à regarder le monde autrement, à semer de l’humanité au-delà de tous les égarements de notre société, à y retrouver une Bonne nouvelle.

Aumôniers d’hôpitaux et de prisons, visiteurs, acteurs des secteurs des solidarités et de l’écologie : ils étaient tellement nombreux à s’être inscrits à ce nouveau rendez-vous du vicariat du DHI qu’il a fallu investir la chapelle de la maison diocésaine de Mesvin pour les accueillir toutes et tous, ce 12 mars 2025. Le thème pouvait sembler un peu mystérieux: «La fin du monde n’est pas pour demain! Chercher la Vie». Mais l’intervenant du jour, lui, est bien connu en Belgique, même s’il nous vient de l’Hexagone.

«Raphaël est prêtre du diocèse de Lille, membre de la fraternité diocésaine des parvis, accompagnateur de l’équipe diocésaine de la pastorale de la Santé», a précisé Sr Valérie Vasseur, responsable pendant 17 ans du service Santé du diocèse hennuyer et qui passe aujourd’hui le flambeau pour relever d’autres défis avec sa communauté (lire le portrait de Valérie Vasseur). «Tu es un homme pétri de l’Évangile, à l’écoute des hommes et des femmes de notre temps. Tu aimes passer la frontière et c’est avec joie que nous te recevons.»

En proclamant que «la fin du monde n’est pas pour demain» et qu’il faut essayer de rendre le monde meilleur, Raphaël Buyse a d’emblée annoncé qu’il ne comptait pas faire une conférence sur «les déclarations de Trump et de ses petits amis» ou sur les conflits qui déchirent notre monde, mais simplement regarder dans notre vie. «Ce n’est pas toujours facile de commencer, de vous parler; je ne vous connais pas, je ne sais pas comment vous vivez votre foi, vos doutes, vos engagements. Mais je suis persuadé qu’on peut entendre du côté de Jésus une Bonne nouvelle.»

Naître à nouveau

Avec beaucoup d’humour, de douceur et d’une empathie palpable pour celles et ceux à qui il s’adresse, le Père Raphaël explique combien deux textes tirés de l’Évangile de Jean l’inspirent tout particulièrement et l’amènent à redécouvrir la profonde humanité du Christ.

Il y a la rencontre de Nicodème, d’abord. Ce Pharisien zélé, érudit, qui a grandi dans la grande tradition du peuple d’Israël, sans doute assez âgé. Membre du Sanhédrin (assemblée législative traditionnelle d’Israël) «qui a toujours des réponses, même parfois aux questions que personne ne se pose… comme dans l’Église…», sourit l’orateur. «Une nuit, Nicodème vient à la rencontre de Jésus. Peut-être qu’il ne savait plus très bien où il en était… Comme nous. On a tous dans notre vie des moments où on n’y voit plus clair, dans notre vie, notre mission,…»

Nicodème aurait probablement voulu entamer une discussion, mais Jésus l’interrompt, lui dit qu’il faut naître à nouveau. «Le Christ nous place dans l’ordre de la rupture, dans la naissance de quelque chose de radicalement neuf. Il ne s’agit pas de continuer, de reprendre le même chemin, de redire les mêmes choses. Chercher la vie, c’est consentir à naître. C’est une question essentielle à se poser quand on travaille dans l’Église. Quand je vais visiter des malades, à domicile, des personnes âgées dans un home, je ne peux pas repartir comme je suis arrivé. Comment ma foi se modifie-t-elle, comment naît mon humanité? (…) La vie avec le Christ, c’est un commencement.»

Être libres et reconnus

Et puis il y a la résurrection de Lazare. «Moi j’ai de la misère avec cette histoire», avoue Raphaël Buyse. «Un homme sorti du tombeau après quatre jours, qui commence à se décomposer, à sentir…» Sans imposer une lecture qu’il définit comme très personnelle, mais curieux d’aller examiner les textes sous un autre angle, avec un autre regard, l’orateur choisit de s’éloigner d’une lecture littérale de ce texte célèbre.

Pour lui, trois «morts» touchent Lazare. Le manque de reconnaissance de ses sœurs, qui ne le nomment jamais par son prénom: «Si on n’est pas nommé par quelqu’un, on ne peut pas vivre; il y a des gens transparents, on s’y habitue sans plus les voir. Nommez les personnes, lors de vos visites!» Chercher la vie, c’est sortir les autres de l’anonymat, de l’oubli, y compris dans l’Église: «On ne peut pas vivre notre vie de croyant si nous ne sommes pas reconnus pour ce que nous sommes.» 

Lazare est également prisonnier d’un certain conformisme familial. «Quand Jésus arrive, les deux sœurs lui disent exactement les mêmes mots, on dirait quelque chose d’appris par cœur. Comme on récite parfois des choses apprises par cœur dans nos célébrations. Est-ce que faire partie de l’Église, c’est répéter les mêmes choses indéfiniment ou bien accueillir une parole et la redire avec nos propres mots? Comment ne pas se sentir prisonnier quand ‘rien ne doit dépasser’, quand tout le monde doit répéter les mêmes paroles ‘amidonnées’? On est toujours dans l’ordre de la naissance, jamais de la répétition.»

Trouver la vie

Enfermé dans un tombeau, Lazare est aussi sans doute prisonnier de son passé. «Il y a même une pierre sur le tombeau, pour être sûr qu’il ne sorte pas de son passé. Quand on va visiter des gens malades, âgés,… on rencontre souvent des gens enfermés dans leur passé, rongés par la culpabilité. Il n’y a pas d’avenir possible pour quelqu’un qui est enfermé dans sa mémoire, dans son histoire. La bonne nouvelle de l’Évangile, c’est que Jésus sort les gens de leur passé. La personne est toujours plus grande que ce qu’elle a fait, il y a toujours un avenir possible.»

Et d’oser une image forte et magnifique à la fois: «Comme visiteurs de malades, aumôniers de prison,… on est un peu comme des sages-femmes, notre mission c’est de mettre des gens au monde, au nom de Jésus. ‘Vous ferez cela en mémoire de moi’ ne veut pas dire ‘vous ferez la messe en mémoire de moi’, mais ‘vous ferez votre vie en mémoire de moi’. Nous ne sommes pas des représentants en religion, des marchands d’assurance-vie, mais nous pouvons dire à des gens ‘c’est l’heure de naître’.»

Pour trouver la vie, le Père Raphaël lance quelques pistes: être là dans l’aujourd’hui des gens; se tenir à l’écoute, donner la parole aux autres pour les rendre vivants; ne jamais se tenir comme «des gens qui savent et regardent les autres de haut» mais s’asseoir à hauteur d’homme; et surtout, aimer la liberté de l’autre plus que tout. «C’est infiniment touchant, dans l’Évangile, de voir combien Jésus est passionné par la liberté de l’autre. À quelques-uns il dit ‘Suis-moi’ mais souvent il dit ‘Rentre chez toi’. Il laisser aller les gens, il n’oblige personne à le suivre…»

Agnès MICHEL

«L’heure est grave»

Alors que l’orateur termine son intervention, chaudement applaudi et remercié, le vicaire épiscopal Giorgio Tesolin, en charge du Vicariat pour le Développement Intégral, intervient: «Si le vicaire prend la parole aujourd’hui, c’est parce que l’heure est grave. Je ne vais pas vous annoncer la nomination de notre nouvel évêque. Mais je voudrais, au nom de l’évêque et de toute l’équipe du DHI, remercier celle qui pour la dernière fois participe à cette formation, Sr Valérie Vasseur.»

L’abbé Tesolin a remercié sa collaboratrice en partance pour tous les bons fruits qu’a portés tout au long de ses 17 années au sein de la pastorale de la Santé. Il a salué sa grande simplicité et son humilité, son sens des responsabilités et de l’organisation, son humanité. Et a invité l’assemblée à partager au cours d’un moment de pause un verre à la santé de celle qui, par des petits gestes et des encouragements, a travaillé pendant toutes ces années au bien de tant de personnes.

La saveur du sel

Lors de ces temps de rencontre-formation, l’équipe diocésaine du DHI aime offrir aux participants un petit cadeau, un signe en lien avec la thématique abordée. Il y a eu des graines de moutarde, un cierge, un haricot ou encore un lumignon. Cette fois, c’est un joli petit sac rempli de sel qui a été remis à chacun. «Le sel, c’est un signe simple mais profondément significatif. Dans presque toutes les cultures, le sel a une signification positive», a insisté Mariya Hovhera, coordinatrice de l’aumônerie des hôpitaux généraux depuis l’automne 2024.

Arrivée d’Ukraine, l’animatrice pastorale a souhaité partager avec l’assemblée la signification du sel dans sa culture. «En Ukraine, nous accueillons les invités avec du pain et du sel. Le sel symbolise l’accueil de la personne telle qu’elle est et dans le respect de ce qu’elle est. (…) Tout comme le sel donne de la saveur, notre mission donne du sens à notre vie. (…) Que ce petit sachet vous rappelle que vous êtes importants, vous êtes uniques, et vous êtes appelés à rendre ce monde meilleur.»

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