Noël, quelle espérance pour nous et pour notre monde ?

Noël, quelle espérance pour nous et pour notre monde ?

S’il y a bien encore une fête qui reste et restera toujours populaire, c’est bien la fête de Noël. Bien des gens aiment se retrouver en famille, pour fêter cet évènement. Qui dit Noël, dit illuminations, retrouvailles, repas et cadeaux. On ne peut que se réjouir quand les gens ont du plaisir à se retrouver et sont attachés aux liens familiaux… La famille est pour nombre de nos contemporains et pour nous-mêmes une valeur sûre. Encore que lorsqu’on creuse un peu, la famille est aussi largement le lieu de tant d’échecs : échecs dans le couple, conjoint parti ou décédé, conflits dans la fratrie ou dans la relation parents-enfants, célibataires qui ne l’ont pas choisi, couples désireux d’avoir des enfants, mais où la grossesse ne vient pas, jeunes et moins jeunes mal dans leur peau, … Et tant de familles vivent dans la précarité à tous points de vue. La joie de Noël semble être l’apanage d’un petit nombre de privilégiés.

Alors, quel regard de croyant pouvons-nous poser sur Noël ? Méditons encore et toujours, sur ce que nous fêtons en Eglise : l’étonnante décision de Dieu de venir vivre au milieu d’une humanité marquée par les divisions. Dieu aurait pu être à ce point déçu par l’humanité, par sa propension à faire le mal, au point de ne pas interférer dans l’histoire des hommes et rester à distance. Mais Dieu s’est fait homme. On ne pourrait trouver signe plus éloquent que celui-là ! Dans la Bible, il est dit du messie qu’on l’appellera « L’Emmanuel » ce qui veut dire « Dieu au milieu de nous » (Mt 1,23). Que Dieu décide de vivre au milieu des hommes, dans une société marquée par le bien et le mal, c’est très surprenant comme initiative. Et les conditions de sa venue, de son incarnation, sont tout sauf idéales. Dieu se fait homme dans une famille pauvre, où la suspicion s’installe lorsque Marie est enceinte avant son mariage (Joseph, qui était un homme droit, voulait la répudier en secret (Mt1,19)), où il faut se mettre en route vers Bethléem au neuvième mois de grossesse, où Hérode excité par la jalousie va faire massacrer des bébés (Mt 2,16) et forcer Marie et Joseph à s’exiler en Egypte (Mt 2,18). Ce qui est étonnant dans l’expérience de la Sainte Famille, c’est que Joseph et Marie accumulent tous les déboires possibles alors qu’ils sont les parents du Fils de Dieu. La promesse de l’Ancien Testament, celle d’un Dieu protecteur qui répand ses bénédictions sur l’homme juste, est mise à mal. Dieu ne protège pas les justes, au contraire, Il ne s’épargne et ne leur épargne pas les souffrances. Mais Joseph et Marie ressortent grandis et plus unis encore après toutes ses épreuves. Ils ont continué d’espérer, malgré les nombreuses incertitudes qui jalonnaient leur chemin. Ils ont découvert qu’ils pouvaient toujours s’aimer, être féconds et aimer Dieu quels qu’étaient les circonstances de leur vie. Leurs épreuves n’ont pas cassé leur couple et leur famille, elles leur ont fait prendre conscience que sans Dieu, rien n’est possible, mais qu’en mettant Dieu au centre de leur vie, tout a un sens, et que des chemins s’ouvrent dans leurs cœurs.

Grâce à eux, nous découvrons que Noël n’est pas la fête d’un idéal familial inaccessible, à la manière d’un conte de Noël où tout est bien qui finit bien. C’est dans notre réalité concrète, dans nos familles telles qu’elles sont et non telles que nous voudrions qu’elles soient, que nous sommes invités à aimer. Mais comment honorer Dieu à Noël comme chrétiens ? Tout d’abord en fuyant la superficialité, en rejetant les apparences et en cherchant à mettre des mots sur ce que nous vivons :  des mots d’amour vis-à-vis des gens auxquels nous tenons (Il nous faut être créatif et courageux pour se dire les uns aux autres que nous nous aimons, que nous sommes fiers et heureux de l’amour vécu avec nos proches), des mots de pardon quand nous avons laissé des situations négatives se dégrader (et dans ces cas-là, les mots ne suffisent pas toujours, il nous faut poser des gestes pour recréer le lien, là où il s’est distendu). Le but est de renforcer notre confiance en l’avenir que nous voulons construire ensemble. Mais notre bonheur ne peut se réduire à celui d’un petit cocon familial, uni bien que fragile à construire.  Il n’y a pas de famille heureuse qui ne soit tournée vers les autres, vers l’extérieur. La Sainte famille nous rappelle que le bonheur n’existe que couplé à la compassion et la générosité envers ceux qui souffrent. Joseph a accepté le sacrifice de devenir le père d’un enfant qui n’était pas le sien. Marie a voulu rejoindre sa cousine Elisabeth qui était déjà avancée en âge et se retrouvait enceinte. Joseph et Marie ont accueilli les bergers et les mages, les petits et les puissants, sans jugement, mais avec douceur et bienveillance. Ils ont partagé la condition d’immigrés en terre étrangère. La naissance de l’Enfant s’est réalisée dans des conditions bien difficiles, mais cela n’a pas empêché Marie et Joseph d’aimer en toute circonstance et de s’ouvrir aux joies et aux peines des gens que Dieu avait mis sur leur chemin.

Soyons honnêtes, nous vivons dans un monde qui est dur et où bien des gens vivent un Noël païen, insouciants de la misère qui les entoure, centrés sur eux-mêmes et indifférents au vrai sens de Noël, la venue du Sauveur du monde. Allons-nous vivre dans cette indifférence, cette dureté du cœur, cette superficialité, nous aussi ? Quels gestes concrets allons-nous poser à Noël pour honorer Dieu et aimer notre prochain ? Il nous faut planifier les choses à l’avance. Commençons par honorer Dieu. Préparons-nous aux célébrations des dimanches de l’Avent, de Noël (mercredi 24 et jeudi 25), de la Sainte Famille (dimanche 28 décembre), de la solennité de Marie Mère de Dieu (le jeudi 1er janvier) et de l’Epiphanie (dimanche 4 janvier). Tout un programme qui se prépare… dans nos agendas (et oui, certains ne sont pas « dispo » parce qu’il y a le repas en famille… mais on pourrait le décaler, non ?)  et avec un peu de préparation des messes, en lisant les lectures  du jour, en remerciant Dieu pour son amour envers nous, en prenant un peu de temps de reccueillement! Honorons aussi notre prochain, les gens qui risquent d’être seuls durant les fêtes…, ceux qui auront du mal à se payer un extra ce jour-là. Notre budget cadeau les inclut-ils ? Notre table est-elle suffisamment grande pour accueillir un hôte de plus ?

Je me rappelle de fêtes de Noël mémorables. Mes parents invitaient souvent un étudiant étranger à passer Noël à la maison. Au moment d’ouvrir les cadeaux, l’étudiant se disait que les cadeaux seraient sûrement pour la famille, mais maman avait pensé à tout ! Je me souviens aussi d’un Noël où après la messe, je visitais les familles pour prendre un verre avec elles. Qu’elle ne fut pas mon agréable surprise quand une famille me dit : « Mon père, avant de manger, nous allons d’abord prier pour remercier Dieu pour sa venue ! » Et nous avons prié et chanté, non pas deux minutes rapido, mais une bonne demi-heure ! En donnant la place à Dieu en premier, la fête n’en était que plus belle après !

Alors, anticipons, réfléchissons à ce que nous voulons vivre à Noël, soyons créatifs et généreux. Bonne route vers Noël à tous,

Votre frère et pasteur,

+ Frédéric Rossignol

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