Sacrées désacralisations : À Frameries, une église s’est transformée en un espace de coworking
En ce mois d’août, CathoBel vous propose une série d’été sur des réaffectations d’églises qui font sens. Dans ce premier épisode, direction Frameries, dans le Borinage. Là, nous rencontrons Justine Fernandez, qui a réhabilité l’ancienne église du Sacré-Cœur en un espace de coworking: Cowor-Cœur.
De l’extérieur, il s’agit d’une petite église en brique comme tant d’autres en Belgique, cachée le long de la rue Ferrer, à Frameries (Mons). Sauf que cette petite église du Sacré-Cœur, après avoir été désacralisée et mise en vente, connaît une deuxième vie depuis près de trois ans grâce à Justine Fernandez. Celle-ci l’a transformée en un espace de coworking original.
« J’ai trouvé cette église par hasard, alors que je cherchais une maison sur les sites d’annonces immobilières. Curieuse, j’ai décidé de venir la visiter. Sur place, j’ai ressenti une connexion particulière avec ce lieu chargé d’histoire. »
La jeune femme a donc réfléchi à un projet solide pour rentabiliser son achat: « L’idée d’un espace de coworking m’est venue d’un de mes voyages à Barcelone, où ceux-ci sont nombreux et où j’ai adoré travailler. Ce projet m’a donc semblé être une bonne idée de revalorisation de cette église. Surtout qu’en 2019, lorsque je l’ai achetée, il n’y en avait qu’un seul à Mons. Aujourd’hui, il y en a trois, mais chacun possède sa propre spécialité », explique la jeune directrice de l’établissement.
Malgré le bon état général de l’édifice, Justine et son papa ont fait des travaux pendant trois ans pour rendre l’espace accueillant. Il est vrai que derrière ses murs en briques, rien n’était propice pour héberger les coworkers.
Un espace calme et chaleureux
Aujourd’hui, une fois la porte franchie, on découvre un espace lumineux et accueillant où ancien et moderne se rencontrent.
Au rez-de-chaussée, on retrouve deux cellules réservées à une kiné et une firme spécialisée dans l’IT, et deux salles de réunions, ainsi qu’un coin cafétéria chaleureux avec ses miroirs, ses plantes vertes et ses vitraux.
A l’étage, l’espace détente, avec des canapés et des tables, offre une vue plongeante sur le rez. Et au dernier étage, les combles ont été aménagés en trois cellules de bureaux (occupées par une agence d’intérim, un assureur et un institut de beauté) plus une petite pièce réservée aux consultations ainsi qu’une grande pièce polyvalente et une cuisine équipée, avec vue sur les écuries voisines.
Un bâtiment classé
En achetant un ancien lieu de culte, on pourrait penser que Justine Fernandez a été confrontée à de nombreuses contraintes. Mais cela n’a pas été le cas: « Dans le contrat d’achat, seule une clause obligeait de conserver l’aspect extérieur de l’église, car elle est classée comme ‘beau bâtiment’. Mais je ne comptais pas le modifier, hormis un petit rafraîchissement peut-être. »
Le projet de Justine de transformer l’ancienne église du Sacré-Cœur de Frameries en espace de coworking a reçu un accueil mitigé de la part des habitants: « C’est une question de génération. Je comprends que les plus anciens, concernant la réhabilitation d’un lieu sacré où ils ont baptisé et enterré leurs proches, se sont mariés… soient plus réticents à l’idée qu’un tel lieu soit réhabilité à un projet autre que religieux. Mais sinon, le projet a bien été accueilli par la population. »
Aussi, les personnes qui critiquaient le projet ont été invitées à voir de leurs propres yeux « que je ne faisais pas un lieu de dépravation. Ça reste un espace de partage, d’échange, comme une église », dit-elle en souriant. Pour elle, Cowor-Cœur, c’est son projet de vie. En plus des espaces de travail, elle propose un espace de fête, des salons, des ateliers cuisine, etc. « Il s’agit avant tout d’un lieu de partage », insiste-t-elle.
Pour créer son projet d’espace de coworking au sein de l’ancienne église du Sacré-Coeur, Justine a donc dû conserver l’aspect extérieur de l’édifice, celui-ci étant classé. Mais en ce qui concerne l’intérieur du bâtiment, la conservation d’éléments rappelant le passé religieux de l’édifice ne repose que sur la volonté de la directrice des lieux à les garder. Ainsi, dès l’entrée dans l’église, le meuble coloré utilisé pour l’accueil attire le regard: « Il s’agit du premier autel de l’église. Nous l’avons retrouvé cloisonné d’un lattage en bois, comme l’était l’intérieur de l’édifice. Nous l’avons restauré, sablé et les couleurs sont réapparues. Il est magnifique maintenant ».
Au premier étage, dans le coin détente, on retrouve le confessionnal, en bois. Justine a demandé au dernier curé de cette paroisse à pouvoir le conserver. Enfin, comme « il n’y avait pas de bénitier, c’est un ami qui l’a trouvé dans une brocante et me l’a offert ».
Pour Justine Fernandez, qui est issue d’une famille espagnole, acheter et réhabiliter une église est peut-être sa destinée au final… « Mes grands-parents s’appellent Marie et Joseph, et le prénom de mon papa est Jésus! »
Un projet de reconversion salué par le diocèse
Les désaffectations de lieux religieux restent rares: environ deux dossiers par an dans le diocèse de Tournai où une trentaine d’églises et chapelles ont déjà été désaffectées. Avec des destinations diverses: démolitions (lorsque l’état du bâtiment est trop mauvais), réaffectations socio-culturelles ou à un autre culte principalement. Ce sont l’Eglise et les différents diocèses, via les fabriques d’églises, qui décident de celles-ci.
« Il y a désaffectation principalement si un bâtiment est en mauvais état, n’a plus de communauté et est déjà fermé. Lorsqu’il n’y a plus d’enjeux au niveau pastoral donc. Certains bâtiments sont vendus pour l’euro symbolique, d’autres, en meilleur état, sont vendus à des entrepreneurs ou des particuliers », commente Loris Resinelli, du Service d’Accompagnement à la Gestion des Paroisses (SAGEP). « Certains sites peuvent aussi être réaffectés à un autre culte chrétien, comme c’est le cas de l’église Saint-Lazare, à Tournai, qui a été confiée au culte orthodoxe. »
Dans le cas de l’église du Sacré-Cœur de Frameries, le diocèse se montre plutôt fier de cette réhabilitation. « C’est une très belle réussite! »
Amélie HYPERSIEL (Article Cathobel)