Pastorale familiale : quand l’Église ouvre largement ses portes

Pastorale familiale: quand l’Église ouvre largement ses portes

Le service des Couples et familles du diocèse de Tournai a choisi les rois mages comme guides au cours d’une journée de rencontres et de découverte. Autour des thèmes de l’homosexualité, de la transidentité, de la paix, de la foi, de l’accueil, la journée s’est déroulée dans une atmosphère ouverte et bienveillante. Pour entamer un dialogue respectueux des différences.

Longtemps taboues, encore sources de bien des crispations, que ce soit dans la société civile ou au sein de l’Église catholique, les questions d’orientation sexuelle et de genre s’invitent aujourd’hui de plus en plus souvent dans les discussions, en tous cas dans notre région du monde. On les évoque dans les films ou les romans, on les prend en considération dans les lois et les institutions, et depuis quelques années elles sont aussi devenues un enjeu pastoral. Parce qu’en parler, cela permet de mieux comprendre, de combattre les idées fausses et les peurs, d’apprendre à se connaître. Avec l’envie d’avancer ensemble vers une Église plus inclusive, qui –comme l’a déjà répété à maintes reprises le Pape François– est ouverte à tous, sans exception.

À la veille de l’Épiphanie, tout au long du premier samedi de l’année 2025 à peine éclose, la pastorale familiale de notre diocèse a rassemblé une soixantaine de personnes à Mesvin. Avec le thème «Dans les situations d’homosexualité et de transidentité, comment trouver la paix?» (paix avec soi, avec Dieu, avec son entourage et en Église), l’objectif de la petite équipe des Couples et familles n’était pas d’apporter des réponses toutes faites ou de donner des leçons, mais simplement de se laisser guider vers une compréhension mutuelle, par des témoignages, des moments de prière et des échanges en groupes.

Diversité

La journée s’est donc laissée inspirer par la curiosité et la confiance des rois mages, partis à l’aventure avec seulement quelques indices et une étoile en ligne de mire pour rencontrer «le roi des Juifs». S’attendaient-ils à trouver un nouveau-né dans une mangeoire, un être humain si faible et si fragile? Mais le désir de la rencontre était si profond qu’ils sont allés au bout de leur quête. Sur le petit livret remis à chacun.e, quelques mots guident la réflexion: «Deux mille ans plus tard, cette quête fait écho à nos cheminements intérieurs. Pour les personnes homosexuelles et transgenres, ce sont les chemins de la découverte de leur orientation affective ou de leur identité de genre, le coming-out à la famille et aux amis, les bouleversements qu’il entraîne…» 

Dans la salle Saint-Thomas, toutes les chaises sont occupées. Par des participants étonnamment divers. Quelques visages qu’on a l’habitude de croiser lors des événements diocésains. Prêtres, diacres, animateurs pastoraux, bénévoles. Des membres d’associations qui tentent d’établir des ponts entre la communauté LGBTQIA+ et l’Église, venus aussi de France. Ou encore un prêtre chilien actuellement en mission à Bruxelles, qui défend les droits des personnes homosexuelles dans son pays. Et puis des proches et des amis venus soutenir les témoins qui ont accepté de livrer un bout de leur histoire, avec émotion et pudeur.

Paix et joie

Tour à tour, ils ont pris la parole, avec à chaque fois un grand silence dans la salle, une écoute attentive, une curiosité sincère. Parce qu’à chaque fois, les parcours de vie sont rudes, parsemés de questionnements, de souffrance, parfois de culpabilité, de peur du rejet.

Il y a Angélique: issue d’une famille catholique très traditionnelle, maman de 5 enfants, qui un jour prend enfin conscience de sa réelle identité et fait son coming-out, après des années enfermée dans un moule qui l’étouffait, le cerveau en mode «off». Pour tenir. «J’ai été élevée dans la crainte de Dieu plutôt que dans son amour. Pour moi, il était inconcevable de vivre une relation autre qu’hétérosexuelle.» Avec des moments de révolte contre Dieu: «Pourquoi est-ce que tu m’as faite comme ça?» Avec des moments de désespoir face à une situation sans issue, mais se disant quand même que ses enfants «préfèreraient avoir une mère homo plutôt qu’une mère morte»… Finalement, elle n’a pas connu ce rejet qu’elle craignait tant, elle a découvert un amour miséricordieux, elle s’est sentie accueillie dans toute son identité. Et ne juge plus les personnes «hors cadre». Aux côtés de sa compagne, elle a trouvé sa place et la paix.

Une autre Angélique prend la parole. Mariée depuis 25 ans, issue elle aussi d’une famille «très catholique». Alors que commence le confinement lié à la pandémie de covid, l’un de ses enfants leur annonce ne pas être dans le bon corps, vouloir être considéré comme un garçon, changer de prénom. Beaucoup de sentiments se bousculent: culpabilité, déni. «Nous n’avions pas les mots pour en parler.» Pendant un an et demi, ils vont cheminer ensemble, avec l’aide d’une psychologue. Parents et enfant ont décidé de se faire confiance. «Aujourd’hui, il a l’air heureux, épanoui, bien dans sa peau. Je ne peux pas parler à sa place mais il me semble faire un chemin d’apaisement.» Et de son côté, cette maman est persuadée que Dieu regarde son fils avec énormément d’amour. «Cette expérience a dilaté mon cœur. J’ai grandi pétrie de vérités assénées par l’Église, avec un cadre. Un cadre est nécessaire… mais il y a des personnes hors du cadre, et ce n’est pas grave. Je suis entrée dans une période de doutes; ils ne sont pas négatifs, ils me font approfondir ma foi.»

Chacun son parcours…

Xavier, lui, a fait un tout autre chemin. Il habite Paris. Baptisé enfant, il n’a pas du tout grandi dans une famille chrétienne. Quand il découvre son homosexualité au sortir de l’adolescence, il vit cela sans difficultés particulières. Par contre, il se cherche un peu spirituellement, il investigue, il a besoin d’une voie à suivre. Il sera touché au cœur quelques années plus tard par la lecture du Nouveau Testament. Quand il s’attaque au «Catéchisme de l’Église catholique», il se sent tiraillé. Il ne s’imagine pas vivre dans le célibat et la continence, mais il a soif d’une relation sans concessions avec Dieu. Xavier s’est séparé de son compagnon depuis maintenant plus de 15 ans. À 44 ans, il dit vivre un célibat choisi et heureux.

Le dernier témoin est touchant, lui aussi. Humble et courageux. Henri est un prêtre jésuite septuagénaire. Il accompagne régulièrement des familles concernées par l’homosexualité. Parce qu’en 1991, son frère Joseph a été emporté par le terrible virus VIH. Si Henri avait à l’époque bien du mal à comprendre la vie affective de son frère, sa vision des choses a radicalement changé. «Le compagnon de Joseph fait aujourd’hui toujours partie de la famille, il fait le lien entre nous tous. À eux deux, ils ont formé un couple uni. (…) J’ai pris de la distance avec la notion de ‘conduite désordonnée’ que dénonce l’Église. Les fruits de leur amour ne pouvaient pas découler d’un désordre fondamental…»

C’est aussi le frère Henri qui célèbrera l’eucharistie en fin de journée. Toujours à la suite des rois mages, ces chercheurs de sens. «Cherchons l’étoile qui est ‘notre’ étoile. Ce que nous nous sommes dit aujourd’hui, c’est que nous ne sommes rien sans les autres…»  

Agnès MICHEL

Les vidéos des témoignages peuvent vous être communiquées sur simple demande, par mail à l’adresse familles@evechetournai.be ou par téléphone au 0489 98 77 70 (Marie Gralzinski).

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