Ducasse & Doudou : qu’y a-t-il derrière ces mots ?
Alors que la Ducasse 2025 vient de se terminer à Mons, le doyen André Minet revient pour nous sur la signification de deux mots au cœur des festivités : ducasse et doudou.
La Ducasse de Mons est au cœur de la vie montoise. Chaque week-end de la Trinité, huit jours après la Pentecôte, la population est unanime pour vivre ce qui constitue le cœur du folklore local. On donne aujourd’hui à l’ensemble de ces festivités le nom de « Doudou », ce qui reprend le titre de la chanson phare de ces jours de fête. Depuis 2005, la Ducasse rituelle de Mons est honorée par l’UNESCO du titre de « Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité ».
La Ducasse
Sait-on d’où vient le mot « ducasse » ? Il dérive du terme « dédicace ». Il y a à l’origine une fête dédiée (dédicacée) à un saint protecteur. Chez nous à Mons, il s’agit de sainte Waudru en qui les montois reconnaissent celle qui est à l’origine de la fondation de leur cité. Toute ducasse digne de ce nom a donc comme point de départ une célébration religieuse et vient ensuite un prolongement dans des festivités populaires. A Mons, on a gardé la trace de ces deux aspects de la fête avec d’un côté l’hommage rendu aux reliques de sainte Waudru lors de la Descente de la Châsse et de la Procession du Car d’Or dans les rues de la Ville, et d’autre part la fête populaire avec le combat dit « Lumeçon » qui met en scène saint Georges terrassant le dragon. Fête religieuse et fête profane, ces deux volets des festivités montoises constituent un héritage des chanoinesses qui a traversé les siècles jusqu’à nous.
On retrouve aussi ces deux composantes religieuse et profane pour la bien connue Ducasse de Messines. S’il y a une fête dans ce quartier de Mons, c’est en raison d’un hommage rendu à Notre-Dame de Messines dans l’église toute proche.
Enfin pour élargir cette question de vocabulaire, une ducasse est l’équivalent de ce qu’on appelle ailleurs une « kermesse ». Ce terme vient du flamand « kerkmisse » (littéralement « messe à l’église ») ; au départ, ce terme désigne une fête patronale et les réjouissances qui l’accompagnaient. Comme pour le mot ducasse, le mot kermesse a donc à l’origine une connotation religieuse, il ne se réduit pas aux seules festivités populaires.
Le Doudou
Le chant du Doudou est incontestablement l’hymne de ralliement de tous les montois. Il suffit d’en entendre quelques notes pour que s’allument des sentiments d’appartenance à Mons et à sa région. C’est bien sûr au moment de la Ducasse que le chant du Doudou déploie toute sa force fédératrice et qu’il attise l’identité montoise.
« C’est l’Doudou c’est l’mama C’est l’poupée, poupée, poupée. C’est l’Doudou, c’est l’mama C’est l’poupée St Georg’ qui va ». L’air du « Doudou » est bien connu de tous les montois et montoises, mais qui pourrait dire ce que signifient ces paroles ? Pour beaucoup, on en reste à l’émotion que ce chant allume dans les cœurs. Les paroles sont secondaires et apparemment sans contenu. On ne s’interroge pas sur le sens des mots tant de fois répétés et souvent de manière compulsive. C’est comme si le fil porteur de sens des paroles de ce chant était coupé. On peut s’en contenter mais pourquoi pas aussi y voir une énigme à creuser ? Questionner les mots de ce refrain rassembleur est un beau défi à relever.
Essayons de percer l’intrigue des paroles « Doudou, Mama, Poupée ». N’y aurait-il pas une référence religieuse derrière ces mots ?
– « Doudou » : il pourrait s’agir du doux Jésus.
– « Mama » : cela pourrait évoquer Marie, la maman de Jésus.
– « Poupée saint Georges » : cela pourrait être une allusion à une statuette représentant Marie et l’enfant Jésus, peut-être portée comme une amulette par saint Georges dans la Procession ? Les chevaliers des temps médiévaux pouvaient en avoir accrochée à leur ceinturon ou à la selle de leur monture en guise de protection.
Une telle interprétation de ces trois mots est plausible même si elle n’est pas diffusée par les temps qui courent où on est facilement porté à éviter toute référence à la religion. L’explication proposée ici n’est pas nouvelle. On peut la trouver dans un petit livre de Léopold Devillers ayant comme titre « La Procession de Mons, Notice historique », publié à Mons en 1858. Cet ouvrage est consultable sur internet (p.16-17).
L’historien Devillers ne pense pas à une amulette portée par saint Georges, il parle plutôt d’une statuette de la Vierge qui précédait Saint Georges durant la procession (p.16) et il donne la traduction suivante du chant du Doudou : « Nous irons voir le char d’or à la procession de Mons, ce sera la poupée (madone) de saint Georges qui nous suivra de loin. C’est le très-doux Jésus, c’est la mère, c’est la Madone de saint Georges qui s’avance ! ». Et Devillers ajoute que les couplets paraissent avoir été ajoutés plus tard.
Actuellement, c’est le sceau de Sainte Waudru que le personnage de saint Georges porte en médaillon en signe de protection pour mener à bien son combat contre le dragon. Le Doyen de la Collégiale le lui remet le dimanche matin, après la dépose de la Châsse sur le Car d’Or. Saint Georges entre à cheval dans la Collégiale pour ce moment solennel qui marque bien le lien entre l’hommage à sainte Waudru dont les reliques vont être processionnées dans la Ville et le combat dit « Lumeçon » qui suit le retour du Car d’Or après la toujours très épique montée de la rampe. Le sceau de sainte Waudru qui a assuré la protection de saint Georges est remis par celui-ci au Doyen le dimanche suivant, avant que l’on procède à la remontée de la Châsse.
Soyons fiers de nos traditions, prenons le temps de mieux les connaître : elles nous enracinent dans notre histoire, elles construisent notre identité locale, elles constituent un patrimoine qui se garde en le partageant !
André MINET
Doyen de Mons
Juin 2025