Homélie des 175 ans de présence cistercienne à Scourmont (Abbaye ND de Scourmont – 21 août 2025)

Homélie des 175 ans de présence cistercienne à Scourmont

Abbaye ND de Scourmont

21 août 2025

Célébrer le Seigneur à l’occasion de 175 ans de présence de la vie cistercienne à Scourmont, c’est entrer dans l’action de grâce pour les multiples dons que Dieu nous fait au cours de notre vie sur terre.

Nous rendons grâce parce que Dieu nous appelle chacun à accueillir les dons qu’il nous fait : l’existence, la découverte de l’amour grâce à ceux qui nous ont accueillis et éduqués, l’exercice progressif de notre liberté et le choix en conscience d’une vie donnée comme disciple du Christ et temple de l’Esprit Saint. C’est de cette manière que nous répondons à l’initiative du Père qui nous a aimés le premier.

Ce chemin de vie, qui est celui de tout baptisé, confirmé et invité au repas du Seigneur, est devenu pour beaucoup l’entrée dans la vie monastique. Nous avons ici le témoignage de ceux et de celles qui ont été formés par la règle de saint Benoît : Ecoute, mon fils, les préceptes du maître et prête l’oreille de ton cœur. Découvrir que Dieu est quelqu’un qui nous parle au cœur ; chercher Dieu en tout temps, même au milieu des épreuves ou dans le silence de l’acte de foi ; vivre cette démarche, accompagné de frères à aimer, à respecter, à supporter, voilà une manière d’entrer dans le témoignage de la foi que, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, nous apprenons à connaître. Le lieu de cette vie est souvent appelé désert. Il est vrai que beaucoup de prophètes et Jésus lui-même ont fait cette expérience.

La vie monastique, selon la règle de saint Benoît, a reçu une impulsion nouvelle grâce à saint Bernard de Clairvaux. Nous nous inscrivons avec lui dans une tradition extraordinaire de l’interprétation des Ecritures. Grâce à Origène, et à bien d’autres, Bernard nous plonge dans les Ecritures non pas seulement comme exégète savant, mais comme quelqu’un qui nous inspire et nous entraîne pour chercher la lumière, Dieu. Le Père Henri de Lubac, par ses publications sur l’exégèse médiévale, a, vaillamment et au milieu d’une incompréhension de quelques théologiens trop sûrs d’eux-mêmes, montré la grande tradition des sens de l’Ecriture. Bernard n’est pas quelqu’un qui a été à la mode durant quelques années ; il est resté une source de vie pour quantité de personnes, disciples du Christ, qui n’ont pas cessé de se convertir, de travailler à la Réforme de l’Eglise et du témoignage de l’Evangile dans la société. Il est proclamé docteur de l’Eglise en 1830 par le pape Pie VIII.

En arrivant il y a 175 ans en ce lieu, les Cisterciens de la Stricte Observance sont devenus un signe de la recherche de Dieu et de la fraternité monastique. Selon la Règle, ils consacrent beaucoup de temps à l’œuvre de Dieu, la liturgie des heures.

Avec le roi Salomon, ils bénissent le Seigneur : Que le Seigneur notre Dieu soit avec nous, comme il a été avec nos pères, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il ne nous rejette pas ! Qu’il incline nos cœurs vers lui, pour que nous suivions tous ses chemins et que nous gardions les commandements, les décrets et les ordonnances qu’il a donnés à nos pères.

Avec le Psaume 83, ils chantent : Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant. Le Seigneur Dieu est un soleil, il est un bouclier ; le Seigneur donne la grâce, il donne la gloire. Jamais il ne refuse le bonheur à ceux qui vont sans reproche.

Avec Marie, ils chantent les merveilles de Dieu pour son peuple ainsi que pour eux-mêmes, membres de l’Eglise, celle qui est devenue la mère de tous les disciples du Ressuscité.

Toujours selon la Règle de saint Benoît, les moines consacrent beaucoup de temps au travail. Les résidents des environs de l’abbaye se souviennent de la transformation rapide des forêts, des marécages, des terres. Une bonne partie du monde entier connaît aujourd’hui la trappiste de Chimay, sous diverses formes. Grâce à ce travail, la solidarité cistercienne n’est pas une expression vide, aussi bien pour la région que pour les sites monastiques frères.

Toujours selon la Règle, les moines s’appliquent à la lectio divina, en se laissant transformer par la Parole que Dieu inscrit petit à petit dans le cœur, l’intelligence, la volonté, de telle manière que chaque jour on puisse, avec le psaume, dire au Seigneur que sa Parole est une lumière pour nos pas.

La vie monastique est une des multiples facettes de la vie selon l’Evangile. Il n’est pas étonnant qu’au cours du temps, il existe des fondations dans des régions du monde où elle n’est pas encore effective. Nous pensons à l’Afrique centrale, et aux difficultés immenses qu’y rencontrent des groupes humains, quelles que soient leurs convictions religieuses.

Nous découvrons également une autre facette. Douloureuse. Comme chrétiens, nous croyons que le disciple passe lui aussi par l’épreuve avec son maître. Dans un contexte où la tradition musulmane semble attirée par des idéologies qui prônent la force, des cisterciens deviennent des témoins de l’espérance chrétienne. Ils sont déjà des témoins de la foi ; dans l’épreuve, ils deviennent témoins de l’espérance. Ils sont, par leur seule présence, acteurs de la fraternité universelle, à la manière du Christ. Nous pensons à l’Algérie. Nous pensons à ce qui se passe en Terre Sainte.

Il existe encore une autre facette. En parcourant les diverses traditions religieuses, nous écoutons le témoignage de la vie monastique, exprimé tout autrement que dans la foi chrétienne. Des cisterciens se sont mis à l’écoute et ont commencé le partage de la vie concrète.   

Au milieu de multiples recherches sur la mission de l’Eglise dans la société actuelle, que ce soit en Europe sécularisée, en Afrique traditionnelle, dans le monde musulman, en Asie aux multiples traditions ou dans les régions du monde où l’avenir du climat suscite beaucoup de crainte, la vie monastique a un rôle très important.

Il en va de même dans le diocèse de Tournai. Nous rendons grâce au Seigneur pour le don de la vie monastique. Ouvrons les yeux sur les initiatives du Seigneur que nous n’avons pas programmées. Et accueillons tous ceux qu’il nous envoie pour devenir témoins de l’espérance. Merci aux cisterciens de Scourmont pour leur témoignage et leur solidarité, en marchant dans les pas du Christ. Merci aux cisterciennes de Chimay et de Soleilmont pour leur réponse à l’appel du Seigneur.

+ Guy Harpigny,

Evêque de Tournai

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