L’humilité de Noël célébrée au cœur de la prison
Dans l’établissement pénitentiaire de Tournai, la fête de la Nativité se vit souvent avec quelques jours d’avance. Pour la première fois, Mgr Frédéric Rossignol est allé à la rencontre des détenus pour un long moment tout en simplicité et en fraternité. Parce que Noël ne se laisse arrêter ni par des murs ni par des barreaux…
Quand ils arrivent dans la chapelle, lundi 22 décembre en fin d’après-midi, tout est déjà prêt pour les accueillir. Au pied de l’autel, consacré il y a quelques mois par Mgr Kockerols, une crèche réalisée en mie de pain avec beaucoup de minutie par un détenu. Un peu partout, des bougies réchauffent l’atmosphère de la pièce, point le plus haut de tout l’établissement. Amélie et Christine, des équipes d’aumônerie de Tournai et Leuze, et des membres de la chorale Saint-Paul ont garni une table de tartes, de galettes ou de cougnous pour prolonger la douceur de Noël.
Au milieu de tous ces habitués, le nouvel évêque de Tournai regarde autour de lui, écoute tout le monde, découvre les lieux, s’en imprègne. Il a déjà eu l’occasion d’entrer en prison, lors de ses années de mission en Asie. Mais chaque réalité carcérale est différente, chacun de ces endroits –empreints tout à la fois de solitude et de promiscuité, de souffrances et d’espoirs– dégage quelque chose de singulier qu’il faut appréhender.
Tous accueillis
Ils sont une vingtaine à participer à la messe de Noël 2025. Certains d’entre eux viennent régulièrement à l’office, célébré presque tous les lundis. Dans un établissement qui comme bien des autres en Belgique connaît une surpopulation de plus en plus intenable, ces moments dans la chapelle sont une occasion de se retrouver, d’être à l’écoute de l’Autre et de sa propre intériorité. De redonner place à l’expérience collective. De ne pas se sentir jugé ou condamné mais au contraire aimé, au-delà de tout, malgré tout…
«Je ne sais pas si vous avez souvent changé de maison, de village ou de ville, dans votre vie», lance Mgr Rossignol au début de son homélie. «Moi, cela m’est arrivé très souvent, pendant 25 ans j’ai beaucoup voyagé. Du temps de Joseph et de Marie, c’était la même chose: il fallait revenir dans son village d’origine pour le recensement. Vous imaginez un peu ça, tout le monde en même temps? Mais Joseph n’a pas le choix, alors que sa femme est pourtant sur le point d’accoucher…»
Un récit que Mgr Rossignol trouve parlant pour nous aussi: «Ce n’est pas parce qu’on est le père adoptif et la mère du Sauveur du monde qu’on ne rencontre aucun problème. Et ce n’est pas parce qu’on met sa foi en lui que l’on devient des gens importants.» Dieu choisit toujours des gens simples. Comme les bergers, des gens peu instruits, vivant entre eux dans les montagnes, pas très religieux et plutôt «mal vus». Et pourtant, ce sont eux qui seront appelés les premiers à venir adorer le Fils de Dieu. «C’est ça, le message de Noël: nous sommes tous accueillis. Dieu a du respect pour tout le monde. Alors nous aussi, apprenons à avoir du respect pour tous ceux qui se trouvent en face de nous.»

Libération intérieure
L’accueil et le respect, on les retrouvera encore un peu plus tard dans les intentions: des prières pour les détenus qui souffrent de la surpopulation carcérale; des prières pour nous aider à nous comporter en amis et en frères avec tout être humain; des prières pour que paix, joie et force soient données à notre nouvel évêque dans sa mission aux côtés de l’Église diocésaine; des prières pour que chaque personne trouve au sein de la prison sécurité, compassion et bienveillance…
En fin de célébration, le 101e évêque de Tournai offre encore à l’assemblée une petite anecdote qu’on lui a racontée alors qu’il était adolescent et dont il se souvient aujourd’hui encore. Celle d’un détenu recevant la visite d’un prêtre. Un détenu non croyant mais qui écoutait quand même le prêtre «parce qu’il était sympa». Qui lisait la Bible reçue «parce qu’il n’avait pas grand-chose d’autre à faire». Qui était prêt à croire si le prêtre changeait l’eau du robinet en vin ou le libérait de sa cellule! «Cela n’a évidemment pas fonctionné», s’amuse Mgr Rossignol. «Il n’a pas été libéré physiquement tout de suite. Mais peu à peu il s’est libéré intérieurement, il a changé radicalement de comportement et a fini par être libéré pour bonne conduite. Dieu n’apparaît pas à tout le monde, ce serait trop facile. Moi je ne l’ai jamais vu. Mais heureux sont ceux qui croient sans avoir vu…»
Agnès MICHEL


















