Homélie de la messe de la nuit de Noël 2025

Homélie de la messe de la nuit de Noël 2025

Chers frères et sœurs,

À l’approche de Noël, en habitant proche de la grand-place de Tournai, il m’est arrivé plus d’une fois d’aller me balader sur la grand-place et de prendre l’ambiance. Ambiance jeune, sympathique, les gens prennent des verres et des groupes de musique font la fête. Dans ce groupe, je passe plutôt anonymement. Peu de gens me reconnaissent. J’entre dans la Halle aux draps et je vois le marché de Noël. On y vend toutes sortes de produits, surtout de l’artisanat et de la nourriture. Je cherche vainement de l’artisanat chrétien qui renvoie à Noël, il n’y en a pas… (du moins, je n’ai rien vu!)  

Noël est pour l’immense majorité de nos contemporains le temps de la fraternité et de la bonne chère. Spontanément, je me dis qu’il n’y a pas a priori d’antagonisme entre se retrouver, manger et célébrer. N’est-ce pas naturel/normal de reconnaître que ce que l’on a, on l’a reçu d’un Autre? Mais dans la pratique, pour bien des chrétiens également, on essaie de «caler la messe» le 24 ou le 25, en fonction des agendas familiaux, et si ça ne fonctionne pas, on ira à la messe l’année prochaine… (et ça fait des années que ça dure 😉). Alors où est la Bonne Nouvelle, puisque la plupart des gens ne s’intéressent pas au vrai sens de Noël?

L’étonnante nouvelle, c’est qu’il y a 2000 ans, la situation était la même. La Naissance du Sauveur s’est faite dans un parfait incognito. Si nous sommes 2% de la population à fêter Noël, point de vue com’, le premier Noël a été un flop total. Personne ne s’est ému du sort de Marie et Joseph, personne ne les a reconnus, à part une poignée de mages et de bergers qui ont reçu une invitation personnelle pour le grand événement. Étonnante discrétion de Dieu, mais pouvait-il en être autrement?

Pour bien des raisons, non, la discrétion était de mise! En premier lieu, le monde n’était pas si différent du nôtre. Les gens n’étaient pas nécessairement plus sensibles au spirituel que nous. Les pauvres (l’immense majorité de la population) luttaient pour leur survie, les riches profitaient de la belle vie, seule une poignée de gens comprenaient que dans leur richesse ou leur misère, Dieu se faisait présent et prenait soin d’eux. Par ailleurs, Jésus ne pouvait pas non plus naître comme un prince, cela aurait mis à mal sa mission d’humble serviteur, de prophète incompris, d’homme familier des souffrances et prompt à donner sa vie pour l’humanité. La simplicité de Marie et de Joseph, dans ce contexte, n’est pas un accident, elle offre les conditions d’une éducation à la confiance en Dieu et à la proximité avec les pauvres. Enfin, Le mystère de Noël est intimement lié au mystère de Pâques. Lorsque Saint Augustin s’écrie: «Heureuse faute qui nous a valu un tel Sauveur», il n’encourage pas à l’infidélité de l’Homme, mais il souligne que l’amour divin l’emporte absolument sur les péchés de l’humanité. Dieu vient au milieu des pécheurs, il ne vient pas malgré les péchés des hommes, Il vient pour le sauver de leurs péchés, et l’indifférence en fait partie!

Frères et sœurs, la Bonne Nouvelle de Noël est que le Sauveur du monde s’est fait homme, non pas en dépit de la dureté des hommes, mais au sein même de cette dureté. La Bonne Nouvelle de la venue du Sauveur n’est pas éclipsée par l’incertitude, le froid, la faim sans doute, la solitude de Marie et Joseph. Ils reçoivent, avec les bergers et les mages, une joie surnaturelle, celle de croire que le projet d’amour de Dieu prend forme de manière spectaculaire dans la naissance tout ordinaire de l’Enfant-Dieu. Les anges et tous les êtres célestes, Marie, Joseph, les bergers et les mages, sont heureux, non pas en espérance mais en vérité. Dieu s’est fait homme, cette nouvelle incroyable, inouïe, inimaginable, s’est réalisée! Et cette bonne nouvelle rayonne sur le oui de Marie, de Joseph, et de tous ceux qui l’accueillent. Alors, certes, le monde dans lequel ils vivent garde toute sa dureté ou s’il gagne un peu en humanité, cela se fait de manière imperceptible! Mais les premiers témoins de la naissance de Jésus commencent déjà à vivre de son Esprit. Et pour nous, il en est de même.

Nous ne sommes pas capables de comprendre pourquoi les gens sont si peu réceptifs à la Bonne Nouvelle, pourquoi ils refusent d’y être attentifs, mais nous ne sommes pas amers ou désabusés. Nous nous réjouissons d’un trésor qui nous est confié, que nous devons faire fructifier dans la joie et dans les larmes, mais surtout dans la confiance que Dieu nous précède sur le chemin de la vie éternelle. «Et votre joie, personne ne vous la ravira» (Jn 16,22), disait Jésus avant de repartir vers son Père, confiant que le plan de Dieu sur l’humanité s’était réalisé en sa personne et continuerait de se réaliser pour ses disciples et à travers eux pour l’humanité toute entière. Frères et sœurs, ayons confiance que le plan de Dieu dépasse tout ce que nous pourrions imaginer, soyons dans une joie de reconnaissance et de confiance, Dieu s’est fait l’Emmanuel et Il continue de se faire proche de chacun d’entre nous. Il n’est pas un dieu distant, il est le Tout-Proche! Sainte fête de Noël à vous tous!

Votre frère et pasteur,
+ Frédéric Rossignol

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