Au début de l’année 2020, Florence Renson succédait au chanoine Pierre-Louis Navez comme conservatrice du patrimoine de la cathédrale et de son Trésor. Nous l’avons rencontrée pour une petite visite guidée…
En quelques mots, pourriez-vous nous résumer votre parcours ?
J’avais fait une licence en histoire de l’art et d’archéologie à Louvain-la-Neuve, avec un mémoire consacré au chanoine Edmond Puissant, qui était un restaurateur autodidacte et qui a acheté pas mal de propriétés en ruine à des démolisseurs en vue de les sauver, créer un petit musée, faire des fouilles, etc. J’ai ensuite suivi une formation pour être guide de la Ville de Tournai, donc guide régionale de Wallonie-Bruxelles. J’ai le plaisir depuis de guider régulièrement dans la cathédrale et le trésor. Je suis également la présidente des Amis du Musée des Beaux-Arts de Tournai, une ASBL fondée il y a une dizaine d’années pour créer un dynamisme au sein de ce musée, pour encourager d’éventuels mécènes et créer une fidélisation auprès de visiteurs. Je suis également administratrice de l’ASBL Pasquier-Grenier, qui s’occupe du patrimoine tournaisien. Au sein de la Fédération des Musées de Belgique, je m’occupe aussi de la vice-présidence pour la partie francophone du pays.
Et après ce parcours bien rempli, vous voici nommée conservatrice du Trésor de la cathédrale. En quoi cela consiste-t-il exactement ?
Il y a trois objectifs en tant que conservateur. Il faut d’abord conserver le patrimoine, donc essayer de le maintenir en l’état et pouvoir le transmettre aux générations futures. Il y a aussi l’aspect documentation et information, donc la recherche autour des pièces appartenant au Trésor. Il y a aussi la médiation, avec l’accueil du public et la mise en valeur des pièces sous forme de scénographie.
Le Trésor de la cathédrale se trouve dans l’ancienne Trésorerie… Cependant, il ne s’agit pas que de pièces d’orfèvrerie…
Non, en effet, c’est plus vaste. Il touche tous les domaines des beaux-arts, au fond. Il y a aussi bien des tableaux, qui remontent à des périodes très anciennes, que de la sculpture, de l’orfèvrerie – qui touche le domaine des arts décoratifs – mais aussi du textile. La paramentique sera d’ailleurs à l’honneur lors des festivités du 850e anniversaire de la dédicace de la cathédrale, avec une exposition en collaboration avec le TAMAT (Musée de la tapisserie et des arts textiles, ndla), le musée des Beaux-Arts et l’UCL. Cette paramentique est encore assez peu étudiée et mérite évidemment toute notre attention.
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Le Trésor n’est pas un simple musée, parce que les oeuvres qui s’y trouvent sont avant tout des objets dédiés au culte et qui peuvent donc être en mouvement et sortir des vitrines. Ce ne sont pas que des objets à admirer, ils ont des fonctions et ils continuent à maintenir ces fonctions lors de célébrations, par exemple lors de la Grande Procession. Il n’est pas rare qu’on nous demande de sortir une pièce d’une vitrine pour un office en particulier, comme pour la Sainte-Barbe par exemple.
Les salles capitulaires ne sont pas extensibles, je suppose que toutes les pièces ne sont pas visibles en même temps ?
Non, tout n’est pas visible, bien sûr, et nous avons une petite réserve avec des objets qui ne sont pas visibles pour le public. Dans la grande sacristie se trouve justement cette paramentique, donc l’ensemble des textiles liturgiques. Ils sont rangés dans des chapiers et dans des chasubliers, à l’abri de la lumière mais à l’abri des yeux aussi.
Lorsqu’on parle de la cathédrale de Tournai, certaines pièces nous viennent tout de suite à l’esprit, comme la châsse Notre-Dame ou la regrettée croix byzantine, volée il y a treize ans. Cependant, il y a beaucoup d’autres pièces intéressantes. Si vous ne deviez en choisir que trois, lesquelles seraient-ce ?
Au sein de toute la cathédrale, je mettrai une priorité pour Notre-Dame la Brune, cette vierge en pierre polychrome qui est dans la nef de la cathédrale et qui sort au moment de la Procession. Toujours, devant elle, il y a l’un ou l’autre fidèle qui vient s’installer et prier. Elle suscite encore beaucoup de dévotion. Elle a reçu récemment une petite restauration au niveau de deux doigts et nous avons retrouvé il n’y a pas très longtemps le bras du petit Jésus, qui va donc être restauré. C’est une Vierge qui est habillée, on lui met toujours un manteau, qui change au fil des saisons. Lors de la Procession, elle revêt un autre manteau ainsi que des bijoux qui lui ont été offerts : une couronne, un sceptre, un collier.
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Dans le patrimoine, il y a également une sculpture, un chapiteau de colonne, le troisième côté fouilles (en partant du porche occidental, ndla). Il représente la tête d’un homme qui a sa bouche grande ouverte. De son nez et de sa bouche part comme un ruban qui se termine par de la végétation, des fleurs. Ce ruban semble extrêmement puissant, comme une sorte de souffle divin qui se termine par un élément fleuri.
Il y a aussi une très belle pièce d’art contemporain, que l’on ne voit plus. Elle a été offerte par un donateur. Il s’agit d’un bas-relief de Max Van der Linden, qui était de Tourinnes-la-Grosse (Brabant Wallon) et qui est décédé il y a quelques années maintenant. Il réalisait des reliefs en céramique. Cette pièce se trouvait au pied d’un pilier dans le déambulatoire sud, côté Beffroi. Cette pièce est maintenant dans les réserves depuis le début des travaux, il y a maintenant vingt ans, car il a fallu faire un sauvetage d’urgence de l’ensemble des oeuvres d’art de la cathédrale. Ces pièces ont été mises en sécurité et ne sont plus visibles actuellement.
Qui vous soutient dans votre travail ?
Nous avons la chance d’avoir une ASBL qui nous soutient, les Amis de la Cathédrale, qui oeuvre pour promouvoir le patrimoine du Trésor et de la cathédrale et qui heureusement se met en chasse bien souvent pour des grands projets de mécénat, par exemple pour les tapisseries. De temps à autre, il y a des achats d’oeuvres qui viennent s’ajouter à nos collections.
Nous sommes vraiment très contents d’avoir cette association qui nous soutient, parce que c’est un Trésor qui mérite toute son attention et qui ne reçoit pour ainsi dire pas de subsides ni d’aide extérieure. Or, nous avons là un patrimoine qui balaie toutes les époques depuis le Moyen-âge jusqu’à nos jours et qui touche également tous les domaines artistiques.
Pour découvrir le musée, comment faire ?
Le musée est à nouveau accessible depuis le 1er décembre 2020. Au vu des mesures sanitaires, un horaire spécial a été instauré : le trésor est ouvert en semaine à partir de 12h30 jusque 17h pendant la période d’hiver et 18h en été. Le week-end, il est ouvert à partir de 13h.
Nous aimerions à l’avenir pouvoir proposer des visites plus particulières, comme des visites familiales, par exemple. Il y a justement un petit groupe de réflexion sur l’avenir du Trésor qui a été mis en place il y a peu, à la demande de Mgr Harpigny.
Bon à savoir
Tarifs : 2,50 € par personne, 2 € par personne en groupe (minimum 20 personnes), 3 € par famille/classe scolaire.
De manière générale, le Trésor n’est pas accessible durant les offices dans la nef. Exceptionnellement, le Trésor est fermé les Jeudi Saint et Vendredi Saint après-midi, le Samedi Saint toute la journée ainsi que lors de la Grande Procession de septembre (du jeudi midi au lundi soir).
Info : https://www.cathedrale-tournai.be
Marie Lebailly
