Surmontant le grand porche occidental, une rosace monumentale de pierre et de verre accueille les fidèles et les visiteurs.
Du 16e siècle jusqu’à la moitié du 19e siècle, la façade occidentale de la cathédrale était ornée d’une grande verrière gothique représentant « La prière du peuple chrétien à Notre-Dame ». Ce vitrail est aujourd’hui installé dans la chapelle du Saint-Sacrement, dans le déambulatoire. Lors du grand chantier de restauration du 19e siècle, il fut décidé de remplacer cette verrière par une grande rosace d’inspiration romane. Cette oeuvre de pierre et de verre de 7m de diamètre a été conçue à l’origine par l’architecte lillois, Charles César Benvignat (1805-1877). Elle a ensuite été modifiée par Justin Bruyenne (1811-1896), architecte tournaisien.
Une rosace d’inspiration romane
Francis Vande Putte, guide de la cathédrale, explique ainsi cette décision de remplacer l’ancienne verrière : « Lors de la dernière grande restauration de la Cathédrale, au XIXe siècle, un problème sérieux se posait aux spécialistes à propos de cette façade. Leur objectif principal était de rétablir la pureté du style roman des origines. Dans la foulée des travaux de Viollet-le-Duc en France, l’idée de « déposer » la grande verrière (…) et de la remplacer par une rosace germa bientôt. On trouvait, en effet, ce type de fenêtre dans une série de cathédrales de la même époque de transition, mais ces rosaces ‘romanes’ sont généralement bien plus petites et beaucoup moins ouvragées que celles que l’on verra fleurir partout à l’époque des cathédrales gothiques.
Il apparaît clairement aujourd’hui que l’option choisie par les restaurateurs fut de favoriser la vision de la Cathédrale depuis l’intérieur, quitte à sacrifier en partie la cohérence du projet architectural de la façade vue de l’extérieur. Il fut donc décidé de construire une grande rosace d’inspiration romane qui s’inscrirait idéalement sous la voûte du XVIIIe siècle, mais interrompait plus malencontreusement les lignes de la façade. »
Dans une lettre adressée au rédacteur de la revue La Renaissance et publiée avec des notes rectificatives dans le 13e tome des Bulletins de la Société historique et littéraire de Tournai en 1869, Idesbald Le Maistre d’Anstaing présente cette rosace. Il commence par indiquer qu’il semble « ne pas y avoir de doute » qu’une rosace était déjà présente auparavant, vu la configuration des lieux et le fait que « à l’époque de la construction de la nef, cet ornement était fréquemment employé ». Pour la réaliser, les concepteurs se seraient inspirés d’édifices contemporains à la construction de la nef.
Une rose pleine de symboles
Les seize rayons de pierre partant du centre reproduisent la forme des colonnes romanes de la nef, avec leurs bases et leurs chapiteaux. Ils sont disposés, dit Le Maistre d’Anstaing, « comme les rayons d’une roue autour de leur moyeu ». Toutes les moulures et les décors sont également inspirés de la nef romane.
Les vitraux qui composent cette rosace ont été offerts par Mgr Gaspard Labis – dont les armes y sont représentées – et sont l’oeuvre de Jean-Baptiste Capronnier (1814-1891). Au centre est représentée la Vierge, portant son Fils sur les genoux, entre les symboles de l’Alpha et de l’Omega. Il s’agit d’une « Sedes Sapientiae » (trône de sagesse), une représentation courante en style roman. Le Christ bénit l’assemblée d’une main et porte dans l’autre une représentation du monde. Il est ainsi présenté comme « sauveur du monde ».
Autour de cette Vierge se déploient seize « pétales ». Chacun est composé de trois zones circulaires. Autour du cercle central sont disposés seize chérubins, dont la représentation est inspirée du 13e siècle : seuls sont visibles leur tête, signe d’intelligence, et leurs ailes, signe de légèreté et de l’agilité.
A l’extérieur sont représentés des prophètes ayant annoncé l’arrivée du Messie. Pour chacun d’entre eux, le texte de leurs prophéties est inscrit dans un phylactère ou sur un rouleau qu’ils portent à la main. Le choix des prophètes n’est pas anodin, si l’on en croit Le Maistre d’Anstaing. Il aurait été inspiré par les sculptures du porche occidental, qui portent également des banderoles.
Enfin, dans les zones intermédiaires sont disposés les douze signes du zodiaque et les symboles des quatre saisons. Voici ce que dit Le Maistre d’Anstaing sur les représentations de ces dernières : « Le printemps, qui précède les trois premiers signes, et qui commence l’année, est figuré comme un homme portant des fleurs à la main ; l’été, par un moissonneur qui fauche ses blés dorés ; l’automne, par un vendangeur qui cueille avec sa serpe les grains de raisin ; enfin, le triste hiver, par l’image d’un vieillard qui, assis auprès d’un feu qui flamboie, réchauffe ses membres refroidis par la glace des années ».
Marie Lebailly
Sources
DUMOULIN Jean et PYCKE Jacques, La cathédrale de Tournai hier et aujourd’hui, éd. Casterman, Tournai, 1985
DUMOULIN Jean et PYCKE Jacques, La cathédrale Notre-Dame de Tournai, coll. Tournai Art et Histoire, n°10, Tournai, 1994
LE MAISTRE D’ANSTAING Idesbald, « Lettre de M. Le Maistre d’Anstaing », in Bulletins de la Société historique et littéraire de Tournai, tome 13, Tournai, 1869, pp. 319 – 335.
VANDE PUTTE Francis, « La rosace », sur le site de la cathédrale de Tournai (https://cathedrale-tournai.be – Consulté le 6 novembre 2020)