Abus sexuels: un service d’écoute gratuit, anonyme et confidentiel

Le SéOS, Service d’Écoute et d’Orientation Spécialisé, permet à quiconque s’interrogeant sur des comportements potentiellement inadéquats de ne pas rester seul avec ses questions. En s’adressant aussi bien aux personnes directement concernées qu’à leur entourage ou encore aux professionnels, le SéOS offre un espace de liberté à la parole, sans jugement. Une bouée de sauvetage qui parfois évite les passages à l’acte…

Il y a encore 20 ou 30 ans, les abus sexuels commis au sein de l’Église catholique restaient tabous et pouvaient être minimisés, voire dissimulés, pour éviter d’éclabousser l’institution. L’heure n’est plus aujourd’hui au silence ni au déni. Les victimes ont été remises au centre du débat, pour être écoutées, crues, et autant que faire se peut indemnisées. Le pape François évoque la tolérance zéro, tant en termes de prévention que de réaction sans équivoque lors de la découverte de comportements inappropriés.

L’Église met donc des moyens en place pour les prévenir et accompagner au mieux les personnes impliquées. Comme dans les autres diocèses belges, tous les acteurs pastoraux du diocèse de Tournai (prêtres, diacres, animateurs en pastorale) ont été conviés à une séance de formation obligatoire autour de cette thématique. Des intervenants de l’Église diocésaine, Mgr Harpigny en tête, mais aussi des professionnels extérieurs à l’institution sont venus sensibiliser les participants et insister une nouvelle fois sur l’absolue nécessité de ne jamais se taire (voir notre article: «Les acteurs pastoraux formés à la prévention d’abus sexuels» – octobre 2022).

«Je n’ai pas osé lui dire»

L’Unité de Psychopathologie Légale (UPPL) est le centre de référence wallon en matière de prise en charge des délinquants sexuels. Elle propose de nombreux services: l’aide aux personnes (professionnels ou bénévoles) amenées à accompagner des adolescents ou des adultes via des formations ou des études de cas, la prise en charge d’auteurs condamnés, l’accueil – thérapeutique et éducatif – de groupes d’adolescents ayant commis des actes délictueux à caractère sexuel, ou encore des évaluations psychologiques destinées aux tribunaux.

Plus récemment, l’UPPL a ajouté un service pour mener au mieux sa mission: «Il s’agit d’un service téléphonique, complètement anonyme, qui fonctionne selon quatre plages horaires», explique Marie-Hélène Plaëte, psychologue au sein de l’unité. «L’expérience qu’on avait mettait en évidence qu’il manquait un service de prévention. Un certain nombre de personnes nous disaient ‘moi j’ai essayé d’en parler avant, j’étais en difficulté’, ‘je sentais mon interlocuteur mal à l’aise’ ou ‘je n’ai pas osé lui dire’… Donc on s’est dit qu’il fallait absolument qu’on crée un service qui interviendrait avant le passage à l’acte.»  

Un entourage parfois démuni

Même avec un tel service d’écoute, parler de ses difficultés dans une matière aussi personnelle reste très compliqué. «On a volontairement voulu ce service strictement anonyme – nous n’avons même pas le numéro de téléphone qui s’affiche – pour faciliter cette première demande», précise Marie-Hélène. «Ce service est complètement gratuit, c’est un numéro vert – 0800 200 99 – et il s’adresse à toute personne qui s’interroge. Sur la notion de consentement, par exemple. Qui s’interroge aussi sur une sexualité potentiellement inadéquate, pas forcément abusive mais inadéquate. Et puis il s’adresse aussi aux personnes qui souffrent de fantasmes sexuels déviants au sens large, pas spécifiquement à l’égard des enfants mais évidemment aussi à l’égard des enfants.»

Le SéOS (Service d’Écoute et d’Orientation Spécialisé) a été voulu comme un lieu d’écoute pour les personnes directement concernées mais aussi pour leur entourage, qui peut se trouver en difficulté face à une situation délicate: «Je pense par exemple à un père, qui apprend qu’un de ses enfants a commis un abus… Parfois même ce père est à la fois le père de l’adolescent victime et de l’adolescent auteur… Émotionnellement c’est extrêmement difficile», souligne la psychologue Marie-Hélène Plaëte.

L’entourage, cela peut être aussi des amis ou des collègues qui s’inquiètent. Des professionnels qui se trouvent confrontés à l’accompagnement d’un auteur ou qui se demandent si quelqu’un n’est pas en train de «glisser» ou n’a pas une attitude problématique.    

Une écoute bienveillante par des professionnels formés

Si le SéOS n’est pas au départ destiné à l’aide aux victimes, le service dispose néanmoins de nombreuses ressources pour réorienter les personnes victimes d’abus qui s’adresseraient à lui. «Ce qu’on sait aussi, c’est qu’un certain nombre des auteurs ont eux-mêmes été victimes. Pas forcément victimes d’abus sexuels mais victimes plus largement de maltraitance, de négligence dans l’enfance ou l’adolescence. Donc ce clivage auteur-victime n’a finalement pas beaucoup de sens… Mais si une victime appelle ou si des faits de victimisation sont évoqués, on va bien évidemment aussi prendre la situation en charge et le cas échéant la réorienter vers un service spécial victimes», insiste Marie-Hélène.

Quelle que soit la personne qui appelle et son motif d’appel, c’est un professionnel formé et expérimenté qui sera à l’écoute: «Quand on décroche, on ne sait pas qui on a au bout du fil. Il faut à la fois être en capacité de répondre à quelqu’un qui est en proie à des fantasmes et qui ne sait pas quoi faire, mais aussi à une mère qui vient de découvrir que son fils adolescent consulte de la pédopornographie ou un professionnel qui se demande si son collègue n’est pas en train de ‘glisser’, donc c’est une vraie gymnastique d’esprit. Et puis cela nécessite aussi de ne pas ramener des réponses toutes faites. Chaque cas est pris individuellement, on fait le point sur la situation de la personne, avec son système de référence, là où elle en est au moment où elle appelle. Cela se fait de manière bienveillante, pour cheminer avec elle.»

Agnès MICHEL


Quelques liens et numéros utiles

  • Service d’écoute et d’Orientation Spécialisé (SéOS)
    0800 200 99 – seos.be/tchat (accessible lundi de 9h30 à 12h30, mardi de 13h à 16h, mercredi de 18h à 21h et jeudi de 20h à 23h, hors jours fériés) – contact@seos.be
  • Point d’information central pour l’Église catholique en Belgique francophone
    +32 2 507 05 93 – info.abus@catho.be
  • Point de contact diocésain en cas d’abus sexuels dans le cadre d’une relation pastorale
    Responsable du point de contact : Pierre Bernard
    +32 65 33 49 62 – pointdecontactabus.tournai@catho.be

  • Retrouvez l’interview de la psychologue Marie-Hélène Plaëte dans son intégralité, ainsi que des interventions du psychiatre Jean-Marc Verdebout, de l’abbé Philippe Vermeersch et du diacre Pierre Bernard dans le podcast de l’émission «Près de chez vous – Hainaut» diffusée sur 1RCF (première diffusion le 20 février 2023) et consacrée à la prévention des abus sexuels: