Consentir à la vie dans la vulnérabilité…
Le 14 octobre dernier, tous les diocèses et vicariat francophones de Belgique se sont réunis pour une journée de conférence, de partages et de témoignages sur le thème de la vulnérabilité. Quelle joie de pouvoir se rencontrer entre visiteurs des différents diocèses, de réfléchir mais aussi de communier ensemble !
La Pastorale interdiocésaine des Visiteurs de personnes malades, âgées, isolées et handicapées avait intitulé cette journée : « Vulnérabilité : consentir à la vie ? » ; profond sujet qui fut merveilleusement mis en lumière par les invitées : Agnès Bressolette et Claire Dierckx.
Le matin, après avoir chanté ensemble, la parole fut donnée à Mme Bressolette1, psychologue clinicienne et psychanalyste. Sa conférence nous a permis d’approfondir ce qu’elle appelle : une éthique de la sollicitude. La vulnérabilité, source et chemin de cette éthique, a ceci de différent avec la fragilité qu’elle est intrinsèquement relationnelle. Elle ouvre à l’autre. Nous sommes nés dépendants ; nous avons pu grandir parce qu’on a pris soin de nous. En effet, la détresse du malade pousse l’autre à interpréter ce qu’elle exprime pour agir au mieux. Ainsi les actions quotidiennes des bénévoles et du personnel soignant peuvent véritablement transformer et humaniser une situation vécue comme insupportable, inhumaine : rejoindre la personne vulnérable là où elle est, lui être présent, même peu de temps mais avec une attention pleine, voilà un mode d’être qui vient renverser toute logique de rentabilité et de consommation où l’autre est vu comme objet puis déchet.
L’animation musicale était assurée tout au long de la journée par la compositrice Sabine Van den Abbeele, interprète talentueuse, en duo avec son époux Stéphane, du chant-phare « Père révèle ta présence ». Après le jeu des questions-réponses du début de l’après-midi, Agnès Bressolette nous a entraînés sur les pistes du consentement à la vie, qui n’a pas toujours de logique rationnelle – les mystiques décrivent par exemple leur tristesse, associée à une très grande joie – mais qui permet une espérance face à la maladie. Elle rappelle ainsi que consentir librement ouvre un espace de liberté intérieure qui permet non seulement d’adhérer aux difficultés de sa condition présente mais encore, en l’embrassant, de la sublimer, en libérant un espace de créativité.
Ensuite, nous avons eu la chance d’écouter le témoignage de Claire Dierckx et d’échanger avec elle. Claire est une juriste de 30 ans atteinte depuis plus de 10 ans d’une maladie neurodégénérative.
Prenant la parole, Claire s’est présentée d’emblée en annonçant qu’elle vient de se marier. Malgré sa maladie qui la condamne, Claire rayonne de vie et d’espérance : « Malgré la souffrance qui peut être parfois immense, l’espérance de Dieu et la lumière divine sont toujours là. Des baffes, on en prendra toujours… mais Il est là ! Il les prend avec nous et il les a acceptées avec nous mais c’est pour aller au-dessus. Je dis toujours : ‘il n’y a pas de résurrection sans croix’ ; les grandes résurrections, les grandes paix, il faut souvent passer par la croix avant. » Dans son témoignage, Claire raconte qu’une retraite sur la fidélité de Dieu fut déterminante pour son chemin de foi. Malade et révoltée, Claire n’a pas hésité à interpeler le prédicateur avec véhémence : « comment Dieu peut-il être fidèle quand on voit autant de souffrances dans le monde ? » ; alors qu’elle s’attendait à une réponse bien faite de ce prêtre multidiplômés, ce dernier ne dit mot, il la me regarda dans un silence qui lui semble éternel. « À travers lui, c’était le Christ qui me regardait et me consolait ». Il finit par lui réponde : ‘je me rends compte qu’il n’y a aucune réponse à la souffrance, elle sera toujours là, mais ce que je vois, c’est que parfois, il peut y avoir beaucoup d’amour ». Claire prit alors conscience, malgré le désespoir, le découragement et au travers des combats, que l’amour est là.
L’expérience de Claire réveille en nous tellement de vérités fondamentales sur la vie. Tout d’abord, elle nous enseigne que « tout ce qu’on a pu imaginer, nos grands rêves, tout cela peut disparaître ; la vie est rarement exactement comme on l’avait prévue. Mais quand on s’ouvre à la Providence, à l’Amour, on est parfois étonné de ce que la vie peut offrir ; Dieu ne nous a pas complètement oubliés… » Ensuite, par sa vie, Claire nous rappelle qu’au final, nous sommes tous vulnérables, tous dans le même bâteau.et qu’on a tous besoin les uns des autres. Enfin, le message de Claire peut se résumer ainsi : on n’aura jamais la force soi-même ni pour vivre l’épreuve de la maladie ni pour accompagner une personne en souffrance, alors « appuyons-nous sur Dieu, vraiment ! »
1 Elle est l’auteure de “Nés vulnérable, Petites leçons de fin de vie”, Puf, 2013.