Aiseau-Presles: «la renaissance d’un joyau architectural»

Après 14 mois de travaux, c’est une magnifique église Sainte-Marie d’Oignies qui a rouvert ses portes ce vendredi 15 décembre 2023. Un patrimoine harmonieusement mis en valeur par une touche de modernité élégante. Et un véritable écrin pour le futur Centre d’interprétation du proto-béguinisme, le CIPO.

«Des travaux d’une grande ampleur, décidés à l’unanimité par une majorité PS-MR. Vous en conviendrez, Monseigneur, nous sommes loin des clichés véhiculés par le fameux duo Don Camillo et Peppone.» Comme les nombreux intervenants de ce beau projet de rénovation, le bourgmestre d’Aiseau-Presles n’était pas peu fier de faire les honneurs de l’édifice aux invités du jour. Il faut dire qu’à peine passée la porte d’entrée, on est frappé par la luminosité de la nef et du chœur, servie à la fois par des murs d’un blanc immaculé et des luminaires design, sobres et chaleureux. Aucune faute de goût entre la voûte en bois foncé, les statues disposées en hauteur, les étapes du chemin de croix en pierre, et l’espace «muséal» modulable dévolu aux premières béguines qui sera inauguré courant 2024.

«Ce projet ambitieux a été initié et porté par l’administration communale en collaboration avec l’asbl Centre d’Histoire et d’Art sacré en Hainaut de l’évêché de Tournai, le CHASHa, avec le musée des Arts anciens-Trésor d’Oignies, le TreMa, et la fabrique d’église de Sainte-Marie d’Oignies», s’est félicité Dominique Grenier, premier échevin en charge des cultes à Aiseau. Il a pourtant fallu faire preuve d’optimisme et de ténacité, dans ce chantier, car les subsides wallons sollicités n’ont pas été octroyés. Mais convaincus de l’importance du projet, tant du point de vue patrimonial qu’en termes de développement culturel, économique et social, les édiles locaux n’ont pas baissé les bras. Acceptant de postposer certains aménagements extérieurs, la commune a réalisé la rénovation sur fonds propres.

«Nous sommes devant un partenariat relativement unique entre l’évêché et notre administration», a encore tenu à souligner le bourgmestre Jean Fersini. «Un partenariat qui ébauche, 250 ans après la révolution française, une approche intégrée, une voie médiane, qui intègre le culte et les activités laïques, associatives ou culturelles.»

Les béguines, véritables pionnières

Rita Fenendael est professeure à l’UCL Louvain et spécialiste du béguinisme. Le Centre d’interprétation du proto-béguinisme d’Oignies, abrité à l’entrée de l’église –dont il est séparé par une longue baie vitrée discrète et rétractable– sera officiellement lancé en 2024. Et c’est avec passion que l’historienne et pédagogue évoque les origines de ce mouvement de femmes émancipées, non pas en Flandre, comme on pourrait le croire, mais vers 1200 dans le diocèse de Liège, qui s’étendait alors jusqu’à Oignies.  

Mais qui sont ces béguines? «Ce sont les premières femmes en Occident à subvenir à leurs propres besoins. Autonomes, elles échappent à la domination masculine et font fi des deux seuls états de vie qui leur étaient concédés jusqu’alors : le mariage ou le cloître. Elles sont à la fois religieuses et laïques, contemplatives et actives, chastes mais sans en prononcer le vœu. Scandale, crient les bien-pensants! Qui vont les affubler d’un surnom méprisant, teinté même d’hérésie: ‘béguines’, qui osent transgresser les normes en vigueur.»

Les toutes premières béguines, les ‘proto-béguines’, sont inclassables. Et parmi elles, une proto-béguine de premier plan, Marie. Qui nouera une amitié spirituelle étonnante avec Jacques de Vitry au cœur du prieuré d’Oignies. Ensemble, ils vont propulser la vie béguinale dans tout l’Occident, et cette vitalité sera immortalisée par l’art de l’orfèvre Hugo.

Aujourd’hui, c’est fête!

Invité à prendre part à ce moment historique pour toute une commune et ses habitants, Mgr Guy Harpigny s’est également réjoui du partenariat qui a permis une telle réussite: «On y a mis les moyens, pas seulement financiers mais en se mettant d’accord. Il est temps de stopper les lamentations, cette région a les moyens de faire venir du monde et je félicite tous ceux qui ont travaillé à ce projet.»

Dans quelques mois, le CIPO sera finalisé et attendra ses premiers visiteurs. «Aujourd’hui, c’est fête: nous découvrons ‘votre’ église magnifiquement recréée», s’est exclamée Rita Fenendael. «Toute belle déjà en soi, elle sera en outre l’écrin d’un espace absolument original. (…) À l’instar de la vie béguinale, le CIPO se conjugue sur le mode du ‘ET’ et non du ‘OU’. Religieux ET laïque, évêché ET commune, local ET global, piété ET histoire, attrait touristique ET intérêt scientifique. (…) Bienvenue à Oignies, où vous serez accueillis par ses habitants et leurs bénévoles qui, réunis autour de ‘leur’ grande sainte Marie, sont les acteurs-clés de toute la vie actuelle et future du CIPO.»

L’évêque de Tournai lance lui aussi un appel aux visiteurs: «Je ne suis pas une femme, je ne suis pas une béguine, je suis juste un évêque, et encore, en fin de course… Mais j’espère que beaucoup de gens viendront visiter cette église et le CIPO!» Et pour les amateurs de breuvages à base de malt et de houblon, un autre attrait local pourrait les convaincre: la nouvelle bière d’abbaye «Prieuré d’Oignies», que tous les invités à cette réouverture exceptionnelle ont pu déguster en primeur.

Agnès MICHEL