Une musulmane aux JMJ

Une musulmane aux JMJ

2016 07 28 Musulmane aux JMJL’image est frappante : flanqués des deux drapeaux, belge et des JMJ, un groupe de pèlerins souriants entourent, dans un parc de Cracovie, une personne dont le foulard affirme sa croyance. C’est Seyma Gelen, une jeune doctorante belgo-turque, visiblement heureuse, aux côtés de ses deux garçons…

En ce mois de juillet, Seyma se déplaçait en Pologne pour participer au Congrès mondial de science politique de Poznan, où elle comptait présenter une partie de sa recherche doctorale. Elle raconte : « Au moment où nous avons planifié le voyage, j’ai vu que les JMJ se tenaient à Cracovie. Je ne pouvais pas rater cette occasion de rencontrer des jeunes venus du monde entier, mobilisés par leur foi. Je me mis donc en route vers Cracovie où se tiennent les JMJ, toute à la joie de pouvoir y croiser ces personnes venues de tous les horizons. Je compte y visiter le quartier juif entre autres.  »

Heureusement, à Cracovie, elle croise de jeunes Belges : « Quel bonheur! Nous avons couru vers le groupe à la vue du drapeau belge ! Nous avons échangé nos vœux de paix, nos espoirs, nos larmes aussi…Nous, les ‘gens de la vie’. Nous nous sommes pris en photo. »

La rencontre est un moment d’intense et fraternelle émotion : « Toutes les larmes que j’avale depuis le décès du père Jacques Hamel dans son église, je les ai versées dans les bras du responsable du groupe (un prêtre je pense) qui accompagnait ces jeunes Belges. Pas de photo, moment trop intime. On dit que le rire est contagieux. Et bien les larmes aussi. Mes larmes ont attiré celles des autres… »

Cette croyante musulmane nous dit encore qu’ayant pu, à Cracovie, croiser des jeunes – et moins jeunes – de toutes les origines elle a affermi sa conviction que, selon son expression  » nous, les gens de la vie, formons un front, le même : celui de la paix, de la construction, de l’espoir. Les assassins ne le savent pas, mais ils ont perdu. Plus que jamais, nous sommes uni(e)s contre la haine ».

En ces temps où l’horreur barbare tente de nous submerger, n’est-il pas bienvenu, ce message de Seyma, qui, avec ses deux garçons, Ahmet et Hakan, a profité de son voyage en Pologne pour aller à la rencontre des JMJ ? Un message qui a quelque chose de prophétique.

Une goutte d’eau sans doute, mais comme me le disait un ami islamologue à l’UCL, « ce sont de pareilles gouttes qui créent un océan d’espoir ». Devant toutes les tentatives de réductions simplificatrices de certains, devant tous les jugements hâtifs, emportés, générés par la peur, nous devons mettre en avant la complexité du monde et montrer que le sens des événements doit toujours se dégager dans une longue réflexion problématique en refusant le recours à une seule vérité.

Seyma Gelen fait partie d’un petit groupe de réflexion et d’action, le C2i – ‘Carrefour Interculturel et Intergénérationnel’ créé en 2008 à Bruxelles, avec des amis musulmans par des membres du Mouvement POURSUIVRE (voir plus loin). Aujourd’hui, la moitié des membres du C2i sont de confession musulmane. Par des questionnements mutuels, des défis réciproques, et à travers des débats sereins, se développe le dialogue entre personnes de culture et d’âge différents. De toute évidence, la connaissance et le respect mutuel construisent des ponts plus sûrement que les grandes déclarations demandées par certains à nos amis musulmans. Dans le contexte actuel, il est urgent d’apprendre à partager la souffrance de ceux qui voient leur religion souillée et instrumentalisée par des bandits, et stigmatisée par d’autres. Clairement, ce qu’il nous faut, c’est vivre avec ces compatriotes ‘différents’, pour un résultat ‘gagnant-gagnant’, à en juger par l’amitié qui éclaire nos échanges.

Fidèle à sa philosophie le C2i a pu passer des moments d’intense émotion lorsque des Mamans de jeunes embrigadés pour combattre en Syrie sont venues un soir, partager leur vécu. Moments de joie, une autre fois, lorsqu’il a paru important de fêter des Mamans marocaines primo-arrivantes lors du 50° anniversaire des accords entre le Maroc et la Belgique. Sur un autre plan, le C2i participe à l’éducation de jeunes ‘issus de l’immigration’ en soutenant les efforts des associations bénévoles qui y travaillent.

Ce n’est là qu’une facette de la longue réflexion sociétale à laquelle se consacre POURSUIVRE, un Mouvement français, qui existe aussi en Belgique, à Bruxelles et à Louvain la Neuve .

L’origine lointaine de Poursuivre remonte à la fin des années ’40 où de jeunes adultes, issus du scoutisme, voulant continuer à vivre de ses valeurs, se regroupèrent en un mouvement appelé ‘Vie Nouvelle’. De ce dernier Mouvement, vingt ans plus tard, émigrèrent quelques aînés pour créer Poursuivre, qui aujourd’hui compte environ 2000 membres répartis en une cinquantaine de groupes dont les deux groupes belges.

Le but de POURSUIVRE est d’assurer à ses adhérents une formation permanente, qui vise le développement de tout l’homme et de tous les hommes qui s’y rassemblent. Les uns et les autres viennent d’horizons différents aussi bien géographiques que professionnels ; leurs opinions et convictions philosophiques, politiques, spirituelles, religieuses sont très diverses. Ce sont précisément l’enrichissement par ces différences qui forme la ‘plus-value’ de Poursuivre.

Les « Poursuivants », les yeux grands ouverts, les oreilles aux aguets, s’interrogent sur l’Homme, sur le monde. Chaque membre cherche dans un débat critique intérieur, mais aussi avec les autres, un sens à ce que notre monde vit. Un monde auquel ils veulent poursuivre leur contribution active. Ainsi se développe une réflexion ouverte sur tous les cheminements philosophiques, spirituels actuels.

A noter enfin une première : POURSUIVRE tiendra ses Journées d’Etude bisannuelles en Belgique, à Houffalize du 24 au 29 septembre 2017.Le thème « ACTEURS D’OUVERTURE » permettra d’entendre des intervenants de haut niveau, mais surtout, d’échanger et de débattre en petits groupes de travail et en Forums. Sans oublier les joyeux moments de détente et de découvertes. Demandez le programme !

L’Esprit Poursuivre, c’est cet effort de découverte mutuelle, inspiré par la conviction de chacun, chrétien, musulman, juif, agnostique ou simplement humaniste. Peut-être – qui sait ? – cet esprit a-t-il aussi inspiré Seyma Gelen à aller à la rencontre de jeunes d’autres cultures que la sienne…

Jacques Weerts
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