Homélie de la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus – Cathédrale, 11 juin 2021

Homélie de la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus – Cathédrale, 11 juin 2021

Homélie de la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus, lors de la liturgie avec les prêtres qui exercent le ministère dans le diocèse de Tournai. La liturgie a été célébrée en la Cathédrale de Tournai le 11 juin 2021.

Chers amis, le mot-clé de la liturgie de ce jour est l’amour.

Dans la lettre aux Ephésiens nous lisons : Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour (…). Vous connaîtrez ce qui surpasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu.

L’amour du Christ, nous le découvrons dans les évangiles et les autres écrits du Nouveau Testament.

Notre tradition insiste beaucoup sur le don que le Christ a fait de sa vie par amour pour son Père et par amour pour nous. D’où le récit de l’évangile de Jean qui évoque la lance qui perce le côté de Jésus : et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.

Comme Jésus l’avait proclamé le dernier jour de la fête des Tentes : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l’Ecriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié (Jean 7,37-39).

L’amour du Christ se manifeste ici dans un don, fait à celui qui croit en lui. Nous rejoignons ce que dit la lettre aux Ephésiens : Vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu.

Cette plénitude est bien décrite, promise, dans les discours de Jésus après le lavement des pieds. Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jean 15,9). Je leur ai fait connaître ton nom et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux (Jean 17,26).

Ces paroles résonnent dans notre cœur lorsque, comme le dit l’Ecriture, nous levons les yeux vers celui qu’ils ont transpercé (Jean 19,37). Nous discernons qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jean 15,13), ce que Jésus fait en étant glorifié sur la Croix. Nous contemplons l’amour du Christ pour son Père ; l’amour du Christ pour nous.

Nous, que Jésus appelle pour devenir ses disciples, nous sommes invités à nous unir à ce don.

Dans la manifestation de ce don, le prophète Osée parle de l’amour de Dieu pour Israël : Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Egypte, j’ai appelé mon fils. C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours. Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour.

Dieu a également connu les refus d’Israël : Mais ils ont refusé de venir à moi. Cependant, Dieu ne veut pas de châtiment. Car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.

Le nom de Dieu fait voir immédiatement quelqu’un qui me sauve, comme le dit le prophète IsaïeJ’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.

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A partir de ces quelques textes proclamés au cours de la liturgie de ce jour, nous pouvons demeurer dans la confiance pour exercer le ministère qui nous a été confié.

C’est quelqu’un qui nous aime, tels que nous sommes, qui nous appelle à son service et au service du peuple de Dieu tout entier, de l’humanité tout entière. Le Seigneur est le premier à nous aimer ; notre amour est un accueil, une réponse à son amour.

C’est quelqu’un qui nous sauve, quelqu’un qui sauve l’humanité tout entière, qui nous appelle à son service, au service du peuple de Dieu tout entier. Nous sommes témoins de ce salut. Ce n’est pas nous qui sauvons l’Eglise, qui sauvons l’humanité.

En lisant La trahison des pères, de Céline Hoyeau (Bayard Editions, 2021), je suis une nouvelle fois frappé par l’idéologie de quelques fondateurs de communautés catholiques nouvelles. Ces fondateurs ont voulu sauver l’Eglise, et eux seuls pensaient que personne d’autre ne pouvait le faire. Ces hommes et ces femmes providentiels ont jugé que l’Eglise allait disparaître dans la société. Ils ont voulu que l’Eglise retrouve sa place, sa visibilité. Il fallait renouveler l’institution (page 60).

Depuis quand l’Eglise est-elle en perdition ? Quels sont les critères que nous utilisons pour dire qu’elle est en perdition ? Nous sommes fatigués d’entendre que le nombre de vocations, le nombre de pratiquants réguliers, etc., sont des signes d’une Eglise en perdition. A force de ne voir que cela, c’est évident qu’il faut sauver l’Eglise. Par contre, je ne lis pas dans le Nouveau testament qu’il faut sauver l’Eglise. Dans la lettre aux Colossiens, nous apprenons que le Christ est aussi la tête du corps, la tête de l’Eglise (1,18). Dans la lettre aux Ephésiens, c’est le Père qui a fait du Christ la tête de l’Eglise, qui est son corps, et l’Eglise, c’est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude (1,22-23).

L’Eglise n’est pas une institution que nous devons sauver. Elle est le lieu où nous découvrons le Christ, que Dieu comble de sa plénitude.

Je suis persuadé qu’il est temps de laisser de côté ces discours qui nous donnent une importance telle que le moindre fait qui apparaîtrait comme une attaque contre l’Eglise, ou le péché le plus grand de quelques chrétiens, nous obligeraient à sauver l’Eglise. Le Seigneur est clair pour ceux qui blasphèment contre l’Esprit Saint (Luc 12,10), pour ceux qui sont cause de scandale pour les petits (Matthieu 18,6). Le Seigneur sait ce qu’il y a dans le cœur de Judas (Jean 13,27). C’est le Seigneur qui sauve du mal et du péché. Nous sommes les témoins de ce salut. Et nous sommes aussi invités à nous convertir, à laisser l’Esprit Saint transformer notre cœur pour en faire un cœur nouveau.

Au cours de la pandémie du covid-19 qui n’est pas encore terminée, nous réagissons selon ce que nous pensons devoir faire. Nous avons eu des attitudes différentes les uns des autres. Nous avons pris des décisions pastorales, selon ce que nous pensions devoir faire. Il n’est pas bon que nous commencions à juger ce que les autres ont fait ou n’ont pas fait. Au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer, dit Dieu. Ecoutons les savants qui vont nous donner des critères pour évaluer la situation ; écoutons les mêmes savants qui vont nous dire ce que nous aurions dû faire, et surtout les grands changements qu’il faudra absolument imposer aux chrétiens, aux prêtres et aux évêques en particulier, pour que l’Eglise exerce mieux sa mission.

Ecoutons-les, oui. Mais surtout discernons ensemble ce que le Seigneur nous proposera. Et agissons en faisant confiance les uns dans les autres. Tout ce qui se fait en communion, dans la joie et l’amour de tous, vient de Dieu. Tout ce qui entraîne les factions, en imposant des mesures qui ne respectent pas la dignité de tous, vient du mauvais. Discernons ensemble et, surtout, annonçons un Dieu qui aime tous les êtres humains, quels qu’ils soient, quelle que soit leur approche de Dieu. Osée nous redit : Moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.

Nous sommes très heureux de servir le Seigneur dans le diocèse de Tournai, le peuple de Dieu qui nous est confié. Un évêque sans presbyterium n’existe pas dans la théologie catholique, dans le droit de l’Eglise catholique. Nous sommes très heureux de témoigner ensemble de l’Evangile. Que vous soyez originaires du diocèse de Tournai ou d’un autre diocèse, que vous soyez prêtres diocésains ou engagés dans la vie consacrée, je vous remercie pour la manière dont vous accueillez l’amour du Christ dans votre vie, pour la manière dont vous annoncez le Seigneur qui sauve l’humanité, par amour pour son Père, par amour pour toute l’humanité.

Avec l’apôtre Paul, nous pouvons dire : A moi qui suis vraiment le plus petit de tous les fidèles, la grâce a été donnée d’annoncer aux nations l’insondable richesse du Christ, et de mettre en lumière pour tous le contenu du mystère qui était caché depuis toujours en Dieu, le créateur de toutes choses ; ainsi, désormais, les Puissances célestes elles-mêmes connaissent, grâce à l’Eglise, les multiples aspects de la Sagesse de Dieu.

+ Guy Harpigny,
Évêque de Tournai

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