Financement des cultes: une feuille de route sur la table
L’évêque référent, Mgr Harpigny, et le ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon, ont signé une feuille de route en vue d’une future réforme.
C’est un sujet sensible qui prend ainsi une nouvelle tournure. Le ministre wallon des Pouvoirs locaux Christophe Collignon (PS) a présenté mardi 27 février 2024, en conférence de presse, une feuille de route «en vue d’un futur accord et d’une future modification législative» autour du financement des cultes. Un texte rédigé en concertation avec les représentants du culte catholique, et d’ailleurs signé de la main de Mgr Harpigny, évêque référent pour les questions relevant du temporel du culte.
Rationaliser les fabriques d’église
C’est désormais acté: la réforme du financement des cultes, promise depuis si longtemps par les ministres successifs, ne se fera pas sous cette législature-ci… Néanmoins, pour Christophe Collignon, la signature de ce pré-accord vient «poser des jalons importants en vue de cette future réforme». «Nous sommes parvenus à un point d’équilibre entre gens intelligents», a-t-il également ajouté. Mais que contient concrètement cette base de travail?
La proposition majeure reprise dans le document est la rationalisation du nombre de fabriques d’église. Actuellement, on compte 1800 fabriques d’église au sud du pays, soit une par paroisse. L’objectif chiffré, avancé dans le document, serait d’aboutir à une fabrique pour 8000 habitants! Cela représenterait une diminution d’environ d’un tiers de leur nombre. Devant les journalistes, Christophe Collignon a avancé une liste non-exhaustive de critères à prendre en compte en vue de la future planification des fabriques d’église: typographie géographique de la commune, solde démographique, découpage pastoral, présence de presbytères…
Changer d’affectation les églises
Cité par la RTBF, Mgr Harpigny s’est montré favorable à la désaffectation, à long terme, d’églises qui n’assurent plus d’activité liturgique régulière: «Les fabriques d’église sont financées par de l’argent public. Or, il n’y a pas de célébration tous les dimanches dans tous les lieux de culte.» L’évêque de Tournai ajoute qu’il y aura bien des désacralisations, mais qu’à ce stade «on ne sait ni où ni quand».
Enfin, il est important de souligner que l’Église catholique belge ne sera, a priori, pas la seule à voir son financement modifié. Si la réflexion a été menée avec l’Église, c’est parce que le culte catholique capte environ 75% des financements publics. Mais le ministre Collignon présente sa feuille de route comme une base de discussion avec l’ensemble des cultes reconnus.
L’esprit de clocher, un obstacle à la fusion des fabriques?
Il y a quelques mois d’ici, en septembre 2023, le ministre Collignon présentait une note au gouvernement wallon dessinant, déjà à l’époque, les contours d’une future réforme des fabriques d’église. Dedans, un même objectif de rationalisation/fusion à atteindre: une fabrique pour 8.000 habitants!
Nous avions alors soumis la proposition à Jean-François Husson, chargé de cours à l’UCLouvain et coordinateur de l’ORACLE (Observatoire des Relations Administratives entre les Cultes, la Laïcité organisée et L’Etat). Celui qui avait participé, lors de la précédente législature, à l’élaboration d’un rapport parlementaire sur la législation des cultes en Wallonie, émettait plusieurs réserves quant à ce projet de réforme.
«Il est important que la démarche reste volontaire. Pourquoi? Parce que même si fusions forcées il y a, on a néanmoins l’aspect ‘esprit de clocher’ qui va rester, et qui pourrait causer toute une série de problèmes. Il y a des fabriques dites ‘riches’ qui ne vont pas vouloir travailler avec des fabriques ‘pauvres’. Il peut y avoir des considérations historiques entre tel et tel quartier de la ville.
Vous avez aussi le fait que les fabriciens sont des bénévoles. Si vous avez quelqu’un qui doit gérer une église, ça peut encore aller. Mais imaginez qu’on lui demande désormais de s’occuper, aux côtés d’autres bénévoles, de la gestion de cinq églises dont certaines qui sont à l’autre bout de la commune. Ça alourdit la charge de travail et il y a une proximité que l’on n’a pas: on perd son attache. De plus, cela peut entraîner un risque de fatigue et de démotivation.»
Un article de Clément LALOYAUX (Cathobel)